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Lutte contre l'artificialisation des sols : les premiers textes d'application de la loi Climat en consultation

Coup sur coup, le ministère de la Transition écologique vient de dévoiler trois projets de décrets d'application de la loi Climat et Résilience fixant le cadre du dispositif de lutte contre l'artificialisation des sols. Soumis à consultation jusqu'au 25 mars prochain, ces textes portent respectivement sur la définition et la nomenclature de l'artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d'urbanisme, sur la manière dont les règles en matière de gestion économe de l'espace doivent s'intégrer dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) et sur le rapport local de suivi de l'artificialisation des sols à présenter tous les trois ans par le maire ou le président d'EPCI du territoire couvert par un document d'urbanisme.

Le dispositif de lutte contre l'artificialisation des sols prévu par la loi Climat et Résilience se précise avec la mise en consultation simultanée, jusqu'au 25 mars prochain, de trois projets de décrets complémentaires.
Le premier texte fixe les conditions d'application du nouvel article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme introduit par l’article 192 de la loi Climat. Celui-ci définit le processus d’artificialisation des sols et détermine les surfaces devant être considérées comme artificialisées et celles comme non artificialisées dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs de lutte contre ce phénomène dans les documents de planification et d’urbanisme. Selon la loi, une surface artificialisée est celle dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d'un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites. Une surface non artificialisée au sens de la loi est soit naturelle, nue ou couverte d'eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures.

Nomenclature détaillée des surfaces artificialisées et non artificialisées

Le projet de décret vient d'abord préciser qu’au regard des documents visés, seules les surfaces terrestres - soit jusqu'à la limite haute du rivage de la mer, précise sa note de présentation - sont concernées par le suivi de l’artificialisation nette des sols, définie comme le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés. Il établit également en annexe une nomenclature plus détaillée des surfaces artificialisées et des surfaces non artificialisées pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols à l’échelle des documents de planification et d’urbanisme. Toutes les surfaces du territoire couvert par le document de planification ou d’urbanisme seront ainsi qualifiées en référence à l’une des catégories prévues. Ces surfaces sont appréciées compte tenu de l’occupation des sols observée qui résulte à la fois de leur couverture mais également de leur usage. "Cette appréciation est réalisée indépendamment des limites parcellaires, d’après des seuils de référence, définis par un arrêté du ministre en charge de l’urbanisme et révisés en tant que de besoin en fonction de l’évolution des prescriptions du Conseil national de l’information géographique", indique la notice du texte. Ce projet de décret précise enfin quels sont les documents de planification visés au niveau régional – à savoir, le schéma régional d'aménagement de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), le schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif), le schéma d'aménagement régional (Sar) et le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc). Cette nomenclature ne s’applique pas pour la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la loi Climat, souligne la notice : pendant cette période transitoire - de 2021 à 2031-, les objectifs porteront uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. "Cette nomenclature n’a pas non plus vocation à s’appliquer à l’échelle d’un projet, pour lequel l’artificialisation induite est appréciée au regard de l'altération durable des fonctions écologiques ainsi que du potentiel agronomique du sol", ajoute la notice.

Objectifs de gestion économe de l'espace dans les Sraddet

Le deuxième texte en consultation fixe des objectifs et des règles en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols dans le Sraddet. L’article 194 de la loi Climat a en effet prévu que les documents de planification régionale intègrent des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, en particulier avec un objectif de réduction par tranche de dix ans. Pour la première tranche, le rythme de l’artificialisation des sols consiste à suivre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et les objectifs sont déterminés afin de ne pas dépasser la moitié de la consommation de ces espaces par rapport à celle observée lors des dix années précédant la promulgation de la loi.
Les Sraddet, qui doivent par ailleurs décliner leurs objectifs au niveau infrarégional, sont composés d’un rapport d’objectifs, qui s’imposent avec un lien de prise en compte aux documents infrarégionaux et, d’un fascicule de règles générales, qui s’imposent avec un lien de compatibilité. "Ces règles sont prévues pour contribuer à l’atteinte des objectifs", souligne la notice du décret. À l’instar d’autres enjeux intégrés par le Sraddet, le projet de texte soumis à consultation précise le contenu du document de planification en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l’artificialisation des sols. Il vise notamment à fixer les modalités de la déclinaison infrarégionale des objectifs, en particulier via la détermination dans les règles générales d’une cible par tranche de dix ans - pour la première tranche de dix ans, il s'agira de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
Par ailleurs, le Sraddet peut également identifier et prendre compte des projets d'envergure nationale ou régionale, qui peuvent répondre à des besoins et enjeux régionaux ou suprarégionaux et dont l’artificialisation induite sera décomptée au niveau régional et donc non décomptée directement au niveau du schéma de cohérence territoriale (Scot) du territoire dans lequel ils se trouvent. "Est ainsi déduite de l’enveloppe régionale à répartir la part d’artificialisation effective induite par le projet sur la tranche des dix ans concernée", précise la notice du texte. Celui-ci prévoit de pouvoir en établir une liste et ainsi d’assurer une meilleure articulation entre le Sraddet et le Scot. "La région prend en considération le cas échéant la proposition formulée et transmise par la conférence des schémas de cohérence territoriale", ajoute la notice.

Rapport local

Enfin, le troisième texte soumis à consultation fixe les conditions d'application du nouvel article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales, créé par l'article 206 de la loi Climat et Résilience. Celui-ci prévoit que les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents, dès lors que leur territoire est couvert par un document d’urbanisme, établissent un rapport tous les trois ans sur le rythme de l’artificialisation des sols et le respect des objectifs déclinés au niveau local. Le premier rapport doit donc être réalisé trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, cette mesure étant d’application immédiate une fois les dispositions réglementaires adoptées. Le décret précise le contenu de ce rapport, notamment les indicateurs et les données devant y figurer. Les indicateurs sont la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers exprimée en hectares, le solde entre les surfaces artificialisées et celles non artificialisées (en hectares, également) et l'évaluation du respect des objectifs fixés dans le document d'urbanisme.
"L’élaboration du rapport s’appuie sur des données mesurables et accessibles, que possèdent l’ensemble des communes ou leurs groupements, ou qui leur seront en particulier mises à disposition par l’État à travers un observatoire national de l'artificialisation des sols, souligne la notice de présentation du texte. Il pourra comprendre toutes les informations que la commune ou l’intercommunalité souhaite apporter quant à l’évolution et au suivi de la consommation des espaces et l’artificialisation des sols. Dès lors qu’elle dispose d’un observatoire local, elle peut le mobiliser en ce sens." Une disposition transitoire est prévue pour les indicateurs que les communes ou intercommunalités ne pourraient pas être en mesure de remplir, en l’absence de données durant les prochaines années, notamment compte tenu des échéances prévues à l’article 194 de la loi. "Ces suivis réguliers permettront d’apprécier l’artificialisation des sols à une échelle plus fine et seront utiles pour alimenter les bilans de consommation des documents d’urbanisme", estime le ministère. Le décret apporte par ailleurs des précisions sur l’observatoire national de l’artificialisation des sols visé à l’article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales, "qui permet de garantir une approche globale, régulière, harmonisée et cohérente du suivi de la consommation des espaces et de l’artificialisation des sols", ajoute le ministère.