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Territoires - Malgré la crise économique, les villes s'accrochent à la barre de l'environnement

Source de revenus, d'économies, mais aussi outil de communication, le développement durable reste un jalon important dans les politiques locales. Valorisées par Bruxelles, les villes veulent faire la course en tête, mais restent attentives aux risques de fracture avec les zones rurales.

A trois mois du sommet de Rio, l’Union européenne doit se maintenir sur une ligne de crête : le contexte de disette budgétaire d'un côté, la réaffirmation de ses engagements en faveur de l’environnement de l'autre.
L’échéance de Rio+20, en référence au rendez-vous mondial tenu dans la même ville 20 ans plus tôt, devrait fournir un cadre précis (secteurs prioritaires, transferts de technologies, calendrier…) pour que les efforts en faveur de l’économie verte soient coordonnés au niveau mondial. Inutile cependant de s’attendre à un miracle : "Les objectifs définis ne seront pas contraignants", anticipe Mercedes Bresso, présidente du Comité des régions et hôtesse d’un sommet consacré aux villes et régions européennes à Copenhague, les 22 et 23 mars.
L’occasion de dérouler pendant deux jours un agenda très vert éclipsé par "cette crise lassante dans laquelle nous sommes enlisés", relève l’ancienne présidente du Piémont. Plusieurs exemples de reconversion laissent pourtant penser que la consolidation budgétaire et le développement durable peuvent être menés de front.

Copenhague, le "tigre vert"

Au moment où Malmö, troisième plus grande ville de Suède, décide d’opérer sa mue, "le déficit de la Suède est alors équivalent à celui de la Grèce", rapporte Ilmar Reepalu, le maire de la ville. Nous sommes au début des années 90 et la profondeur du trou dans les comptes publics du royaume avoisine 12% du PIB. En 1991, le gouvernement suédois introduit la taxe carbone. Malmö, ville portuaire, cherche de son côté une issue pour survivre à la déliquescence de son industrie navale. La municipalité lance alors son premier plan environnemental avec, pour but, de "diminuer les besoins en énergie".
Anciennement pollué, le quartier portuaire couvre aujourd’hui l’intégralité de ses besoins grâce aux éoliennes, aux panneaux photovoltaïques et à l’énergie marine. Les bâtiments publics (écoles, maisons de retraite, piscines, musées…) fonctionnent également à l’énergie solaire et ont peu à peu été équipés de compteurs intelligents. Depuis 2001, les bâtiments dont la ville est propriétaire ont diminué de 20% leur consommation d’énergie.
Une histoire qui ressemble à celle de Copenhague. "Dans les années 90, la ville était très pauvre. Elle était même au bord de la faillite", rappelle l’architecte danois Jan Gehl. Aujourd’hui, surnommée le "tigre vert", elle se distingue par son chauffage urbain alimenté grâce aux excès de chaleur récupérés des stations d’incinération et des centrales de cogénération, et auquel sont raccordés la quasi-totalité des habitants de la ville. Dès qu’elle en a eu l’autorisation réglementaire, la municipalité s’est lancée, en 2009, dans la création d’un système de climatisation alimenté en partie par l’eau de mer du port de Copenhague, affichant ainsi une réduction de plus de 65% des émissions de CO2 par rapport aux systèmes traditionnels. Entre 2004 et 2009, les exportations de technologies vertes de la ville ont bondi de 12% chaque année.

"Les villes-nuages"

Particulièrement sensibles au sujet, les villes du nord n’ont pourtant plus le monopole de l’écologie. Une même volonté politique s’affirme peu à peu dans les villes du sud comme Barcelone ou Gasteiz, capitale de la Communauté autonome basque désignée capitale verte de l’Europe en 2012.
La réforme de la politique de cohésion, qui met largement l’accent sur le développement durable et la politique urbaine, devrait permettre aux villes de continuer sur leur lancée. Mais la méthode retenue par Bruxelles fait débat. D’un côté, les villes gagnent en autonomie, puisque la Commission propose qu’elles puissent gérer elles-mêmes une enveloppe de fonds européens consacrée au développement urbain. Mais le choix des communes revient à l’Etat, et la tendance serait au primat des grandes villes.
La même logique gouverne la création d’une plateforme en faveur du développement urbain, qui rassemblerait 300 villes, à l’échelle des 27. Le projet, qui semble faire doublon avec d’autres initiatives comme Urbact, a de fortes chances d’être balayé par les Etats. Et la démarche de la Commission ne convainc pas non plus les élus locaux. "C’est une architecture clivante, ce n’est pas bon, réagit Michel Delebarre, sénateur-maire PS de Dunkerque. Il faut raisonner en termes de projets, pas en termes de normes ou de critères [comme le nombre d’habitants, ndlr] même si c’est plus facile à gérer pour la Commission."
Une facilité qui ne permettrait pas d’épouser fidèlement la réalité du terrain. "Un citoyen français parcourt en moyenne 38 km par jour. Cela permet de nuancer l’image de la ville", observe le président de Rhône-Alpes Jean-Jack Queyranne, pour qui le développement de "villes-nuages", nées de la multiplication de citoyens "rurbains" travaillant en ville mais vivant à la campagne, conduit à une gestion nouvelle du territoire. Une préoccupation qui fait son chemin. Mentionnée dans la déclaration signée à l'occasion du sommet de Copenhague, elle est également portée par l’initiative européenne Ruraland, à laquelle participent dix régions comme le Limousin, la Corse, l’Andalousie ou la Wallonie. Toutes ont lancé un appel ce 28 mars afin que la future politique régionale assure "des relations bien équilibrées et mutuellement bénéfiques entre les régions et leurs territoires, spécialement entre zones urbaines et rurales".

 

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