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Notre-Dame : le projet de loi définitivement adopté par l’Assemblée

Par un ultime vote de l’Assemblée, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi encadrant la souscription nationale mise en place pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris au lendemain de l'incendie. Un texte qui, loin d’épuiser le débat architectural, ouvre la brèche aux dérogations pour répondre au défi de reconstruction de l’édifice dans le délai controversé de cinq ans. 

 

Après un parcours marqué par l’échec de la commission mixte paritaire, le projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet a été adopté par 91 voix, avec 8 votes contre et 33 abstentions, ce 16 juillet, en lecture définitive par l’Assemblée.
Malgré l’objectif partagé de sauvegarde de l’édifice pluriséculaire, ravagé par les flammes il y a tout juste trois mois, un bras de fer s’est immédiatement engagé entre les deux chambres sur les modalités pour y parvenir, s’agissant en particulier de l’habilitation à déroger par ordonnances à de nombreuses règles de droit commun pour en accélérer les travaux, devenu pour l'opposition le "symbole d'une loi d’exception" prise dans la précipitation. La volte-face de l’exécutif sur le périmètre des dérogations - dont ont notamment été retranchées les règles de la commande publique et de la construction - n’a apporté qu’une réponse partielle aux critiques adressées par le Sénat, à majorité de droite. Un projet qui "reste encore à définir", a relevé en séance le ministre de la Culture, Franck Riester, pour justifier les marges de manoeuvre aménagées par le texte et le refus d’y inscrire "la restitution de Notre-Dame dans son dernier état visuel connu", souhaitée par la députée Brigitte Kuster (LR). 

Dérogations à la pelle 

Le texte intègre finalement - à l’article 11 - certains des assouplissements à la législation qui devaient initialement figurer dans des ordonnances. Les dérogations en matière de patrimoine permettent notamment de désigner l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) comme opérateur des fouilles archéologiques du chantier. Dans cette course contre la montre, le texte table également sur la réduction des délais d’instruction, en supprimant la consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA), en cas de recours contre la position de l’architecte des bâtiments de France sur les installations et constructions temporaires du chantier. Il permet en outre à l’autorité compétente d’autoriser, "dans un objectif de valorisation culturelle, artistique et pédagogique du chantier", l’occupation ou l’utilisation du domaine public, à titre gratuit, en vue de l’exercice d’une activité économique, sans mise en œuvre d’une procédure de sélection préalable. Un principe d’interdiction des publicités est clairement posé, à l’exception d’affiches visant exclusivement à informer le public sur les travaux en cours, y compris sur les palissades. 
Le texte maintient en revanche l’habilitation dans le champ de la voirie, de l’environnement et de l’urbanisme et de manière à faciliter la réalisation d'aménagements, d'ouvrages et d'installations connexes utiles aux travaux de restauration, à l'accueil du public et à l'approvisionnement du chantier. Quelques garde-fous y ont été ajoutés à l’initiative de Cathy Racon-Bouzon (LREM). Les dispositions prises par ordonnances respecteront ainsi les principes édictés par la Charte de l’environnement de 2004 tout comme les engagements européens et internationaux de la France. Elles ne devront pas porter atteinte aux intérêts protégés par le code de l’environnement, "notamment en matière de santé, de sécurité et de salubrité publiques, ainsi que de protection de la nature, de l’environnement et des paysages". Relayant les informations diffusées par Mediapart, qui révélait "il y a dix jours, que les règles de sécurité sur le chantier n’étaient pas respectées et que l’information des riverains sur les taux de concentration de plomb n’était pas suffisante", Brigitte Kuster a souligné qu’en matière de santé publique, "aucune ambiguïté ou zone d’ombre ne doit subsister". 

Etablissement public ad hoc

Sans passer par le recours aux ordonnances, le texte (art. 9) entérine également la création d’un nouvel établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la Culture, spécifiquement chargé de la maîtrise d’oeuvre du chantier, y compris des aménagements dans l’environnement immédiat de la cathédrale, et renvoie à un décret la composition du conseil scientifique qui y sera adossé. Réunie sur ce dossier une première fois, le 4 juillet dernier, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) sera parallèlement régulièrement consultée sur l’avancée des travaux et les choix de restauration (art. 10). 
Le projet de loi fixe par ailleurs l’ouverture de la souscription nationale au 16 avril, tout en confirmant le régime fiscal attractif dont bénéficieront les particuliers pour les dons effectués jusqu'au 31 décembre, à savoir un taux de réduction d’impôt sur le revenu porté de 66 % à à 75% dans la limite de 1.000 euros (art. 5). L’article 4 permet aux collectivités et à leurs groupements d’y participer, au-delà de leur périmètre de compétence territoriale. Dans l’attente d’une instruction budgétaire promise sur le sujet, les collectivités devront cependant se satisfaire de l'étude d'impact du projet de loi, seul élément à garantir à ce stade que leurs versements seront bien considérés comme des subventions d’investissement. À l’article 8, le texte impose la publication d’un rapport sur la collecte des fonds, leur provenance et leur affectation. Un comité de contrôle - réunissant le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions des finances et de la culture du Sénat et de l’Assemblée - sera en outre mis en place à cet effet. "Vous ne serez pas trahis, vos dons iront à Notre-Dame", a assuré le ministre en s’adressant aux donateurs, tout en rappelant que "le coût des travaux n'est pas encore chiffré" et que "seuls, un peu plus de 10% des promesses de dons ont été concrétisés" sur les 800 millions d’euros espérés. 

 

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