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Restauration de Notre-Dame : le Sénat bute toujours sur le régime dérogatoire

Saisi du projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en nouvelle lecture, ce 10 juillet, le Sénat n’a pas pour autant baissé la garde malgré les renoncements "surprises" à l’Assemblée sur le champ de l’habilitation à déroger aux règles de droit commun.

Les inflexions inattendues apportées au projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris par l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture - en particulier sur l'habilitation à légiférer par ordonnances des articles 8 et 9 -, après l’échec de la commission mixte paritaire, n’auront pas eu raison de l’opposition du Sénat. C’est donc une version modifiée du texte que les sénateurs ont voté à main levée ce 10 juillet. 

Satisfaction partielle

Depuis la première lecture, la chambre haute, à majorité de droite, déplore "une loi d’exception" prise dans la précipitation. Une appréciation bien ancrée et non remise en cause par la "tardive" volte-face de l’exécutif. Contre toute attente, le gouvernement a en effet proposé, lors de la discussion en séance devant l’Assemblée, le 3 juillet dernier, une nouvelle rédaction davantage en phase avec les critiques formulées par le Sénat. Tout d’abord, en inscrivant à l’article 8 le principe même de la création d’un nouvel établissement public à caractère administratif, sous tutelle du ministère de la Culture, dédié à la maîtrise d'ouvrage de la restauration de la cathédrale et à l’aménagement de son environnement immédiat (parvis, jardin Jean XXIII, promenade Sud), supprimant ainsi l’habilitation à légiférer par ordonnance. 
À l'article 9, il a également partiellement renoncé à recourir au régime des ordonnances, en précisant au sein du projet de loi certains des assouplissements à la législation en vigueur envisagés. Les dérogations en matière de patrimoine confient notamment à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) les fouilles à mener dans le cadre des travaux. Les publicités sur le chantier y seront interdites, à l’exception d’affiches remerciant les donateurs, donnant des informations sur le chantier ou promouvant la formation initiale et continue des professionnels qui y contribuent. En revanche, l’exécutif a maintenu l’habilitation dans le champ de la voirie, de l’environnement et de l’urbanisme pour faciliter la construction de bâtiments nécessaires au chantier ainsi que l'accueil du public et l'approvisionnement du chantier. 
Des évolutions "nettement insuffisantes pour assurer l'exemplarité du chantier de Notre-Dame", regrette le Sénat dont "la satisfaction n’est que partielle". D'autant que pour le reste du texte, l’Assemblée a presque intégralement balayé les apports du Sénat, ne conservant que l’article 8 ter prévoyant la consultation de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), désormais conforme.

Méfiance des collectivités 

Le rapporteur, Alain Schmitz, estime en particulier "dangereux de dispenser le préfet de région de consulter la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) avant de rendre sa décision", épinglant "un signal négatif en matière de protection du patrimoine car il est à la fois chargé d'accorder l'autorisation et de statuer en cas de recours". 
Surtout, le maintien d'une habilitation à légiférer par ordonnance pour prévoir des dérogations aux règles de droit commun, "quand bien même leur champ est plus réduit qu'en première lecture", paraît "toujours inacceptable". Des doutes subsistent également à l'article 8 sur la répartition des compétences entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre, "laquelle doit rester sous la supervision de l'architecte en chef des monuments historiques", insiste le rapporteur, et sur la durée de fonctionnement de l’établissement. 
Sans surprise, le Sénat a rétabli sa version du texte, et ce, dès le stade de la commission, à commencer par la date de lancement de la souscription nationale, avancée de nouveau au 15 avril (au lieu du 16) pour ne pas pénaliser les donateurs de la première heure. A l’article 2, il a réintroduit les références à la Charte de Venise et aux principes d'intégrité et d'authenticité qui doivent présider à la restauration de biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. La méfiance est par ailleurs toujours de mise du côté des collectivités territoriales, qui pour beaucoup d’entre elles "reviennent déjà sur leurs promesses de dons", souligne le rapporteur. Le Sénat a en conséquence jugé important que le principe de l'assimilation des versements effectués par les collectivités dans le cadre de la souscription à des subventions d’investissements soit clairement gravé dans la loi (art. 4). L’habilitation à légiférer par ordonnances pour déroger aux règles en matière d'environnement, d'urbanisme et de voirie ou pour adapter les règles applicables aux travaux ou aux opérations connexes (art. 9) a bien évidement été retranchée du texte. 

Le texte doit désormais retourner à l’Assemblée qui aura le dernier mot. 
 

 

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