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Un plan de 18 milliards pour le tourisme et des vacances en juillet-août... si tout va bien

Édouard Philippe a annoncé ce 14 mai à l'issue d'un comité interministériel un "plan massif" en faveur du tourisme. Il s'agit à la fois de limiter les faillites et les licenciements, de "préparer la réouverture" et de relancer la dynamique du secteur. Le sauvetage passe par une série d'aides, de prêts et d'exonérations. La relance sera notamment portée par un plan d'investissement en fonds propres porté par la Banque des Territoires et Bpifrance. Les collectivités sont invitées à accompagner le mouvement par des allègements ou exonérations (taxe de séjour, CFE). Une annonce enfin, que chacun attendait : "Les Français pourront partir en vacances en France" en juillet et août.

Après les annonces du chef de l'État sur la culture (voir notre article ci-dessous du 6 mai 2020), le tourisme était le dernier grand secteur à ne pas faire l'objet d'un plan d'action spécifique, même s'il bénéficie déjà largement des mesures à caractère général : chômage partiel, prêts garantis (6,2 milliards d'euros pour 50.000 entreprises du tourisme), exonérations diverses... L'enjeu est pourtant de taille. D'une part, car ce secteur est l'un des plus impactés par la crise sanitaire avec, par exemple, la totalité des cafés et restaurants et 95% des hôtels fermés depuis maintenant deux mois (voir notre article ci-dessous du 1er avril 2020). D'autre part, parce que la France est la première destination touristique mondiale et que le secteur du tourisme représente près de 8% du PIB et 2 millions d'emplois.

Un "plan massif, juste et global"

Si l'annonce du plan en faveur de ce secteur – à l'occasion du cinquième comité interministériel du tourisme (CIT) tenu ce jeudi 14 mai à Matignon – peut sembler tardive, il s'agit en revanche d'un "plan massif, juste et global", comme l'a expliqué Édouard Philippe à la sortie de la réunion. Le Premier ministre a d'ailleurs admis que les professionnels peuvent ressentir "une certaine forme d'injustice" en voyant d'autres secteurs redémarrer alors que le tourisme reste paralysé, jugeant l'angoisse qu'ils ont exprimée ces dernières semaines "parfaitement légitime". Mais il a aussi rappelé que la sécurité sanitaire prime sur toute autre considération et que la stratégie de déconfinement ne peut donc être que progressive. Au demeurant, certaines des mesures annoncées avaient été esquissées le 24 avril par Bruno Le Maire, entouré de Gérald Darmanin et Jean-Baptiste Lemoyne (le secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères, en charge du tourisme). La présentation était alors toutefois centrée essentiellement sur les mesures de portée générale dont peut bénéficier le secteur du tourisme (voir notre article ci-dessous du 24 avril 2020)

Le plan Tourisme présenté par le Premier ministre le 14 mai est en revanche spécifique au secteur et comprend deux axes : d'abord, "tenir bon" en limitant les faillites et les licenciements, ensuite "tracer des perspectives et préparer la réouverture". Reflet de cette stratégie, ce plan se déroulera en trois temps : le temps immédiat de l'urgence, le temps moyen du déconfinement et, enfin, le temps long du retour à la normale et de la relance de la dynamique du secteur, essentiel pour l'économie française.

Prolongement du fonds de solidarité et renforcement des enveloppes de prêts

Le cœur du plan réside bien sûr dans les aides financières annoncées. Les mesures sont effectivement nombreuses et massives. Édouard Philippe a ainsi indiqué que le fonds de solidarité mis en place par le gouvernement pour aider les entreprises restera ouvert jusqu'à la fin du mois de décembre pour le secteur du tourisme. Son accès, d'abord limité aux seules très petites entreprises – ce qui semblait assez peu réaliste au regard de la typologie du secteur – sera par ailleurs élargi aux entreprises comptant jusqu'à 20 salariés et réalisant jusqu'à 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Enfin, l'aide accordée pourra aller jusqu'à 10.000 euros.

Du côté des prêts, le mécanisme général des prêts garantis par l'État (PGE) sera renforcé sous la forme de ce que le Premier ministre a appelé un "prêt garanti par l'État Saison" (PGES). Principale différence : le plafond du prêt accordé ne sera plus de 25% du chiffre d'affaires de l'année précédente, mais équivaudra au montant des trois meilleurs mois de l'exercice précédent. Le tourisme étant une activité le plus souvent très saisonnalisée, le plafond du prêt susceptible d'être accordé ira donc bien au-delà des 25% actuels.

Autre mesure importante : l'enveloppe des prêts tourisme de Bpifrance, dont Édouard Philippe rappelle qu'ils sont "plébiscités par le secteur", va passer de 250 millions à un milliard d'euros. Enfin, les banques se sont engagées à "proposer systématiquement" aux PME du tourisme un report des échéances sur 12 mois, et non plus sur 6 mois.

Enfin, le plan confirme une annulation des loyers et redevances d’occupation du domaine public dus aux bailleurs nationaux (l'État et ses opérateurs), pour les TPE et PME du secteur du tourisme et de l’événementiel sportif, pour la période de fermeture administrative.

Chômage partiel prolongé et "crédit de cotisation"

Le plan annoncé comporte aussi un volet social, qui se révèle plus important que prévu. Sans grande surprise, le Premier ministre a annoncé que, dans le secteur du tourisme, le dispositif de chômage partiel sera maintenu, dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, au moins jusqu'à la fin du mois de septembre. Mais ce dispositif restera ouvert au-delà, "dans des conditions éventuellement revues", si l'activité repart trop lentement à la rentrée.

De même, l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale – prévue de mars à juin pour l'hôtellerie, la restauration et le tourisme –, sera prolongée "tant que dure la fermeture". Une mesure qui pourrait concerner les entreprises touristiques des départements classés en rouge, dont l'Île-de-France.

La surprise vient surtout de l'annonce d'une "forme d'aide sans précédent". Il s'agit en l'occurrence d'un "crédit de cotisation" égal à 20% des salaires versés depuis février. Ce "crédit" pourra s'imputer sur l'ensemble des cotisations dues par l'entreprise, afin de soutenir la reprise de l'activité. En pratique, la mesure équivaut à une baisse de 20% des cotisations sociales sur la quasi-totalité de l'année 2020.

Au total, Édouard Philippe a indiqué que le volet social du plan représentera plus de 2 milliards d'euros d'aides directes, hors dispositif de chômage partiel.

Un plan d'investissement en fonds propres porté par la Caisse des Dépôts et Bpifrance

Au-delà du sauvetage du secteur, le plan Tourisme entend aussi accompagner le redémarrage de l'activité et relancer la dynamique à l'œuvre – comme pour l'ensemble du tourisme mondial – depuis plusieurs années. Plusieurs mesures sont prévues à ce titre. L'outil principal en est un plan d'investissement en fonds propres, porté par la Caisse des Dépôts et sa filiale Bpifrance, qu'Édouard Philippe a remerciés pour "leur très grande mobilisation à nos côtés en faveur du tourisme". Ces deux organismes vont en effet dégager 1,3 milliard d'euros d'investissements pour renforcer les fonds propres des entreprises du secteur. Avec les financements privés qui se trouveront ainsi sécurisés et viabilisés, cette enveloppe devrait engendrer un total de près de 7 milliards d'euros d'investissements dans le secteur. S'y ajoutera la mobilisation d’environ 500 millions d’euros de ressources du Groupe Caisse des Dépôts pour offrir des prêts de court et long termes.

Dans le même temps, France Tourisme Ingénierie, un service d'Atout France, va renforcer sensiblement son dispositif, afin de proposer une offre d'accompagnement dans ces investissements à 2.000 entreprises du secteur et collectivités territoriales (enveloppe de 30 millions d'euros apportée notamment par la Banque des Territoires). Cette dernière lancera également une "plateforme de valorisation des données relatives à l’offre touristique française" et un appel à projets sera lancé en direction des entreprises et start-up "prêtes à proposer des solutions innovantes pour contribuer à bâtir le tourisme de demain" (pour une présentation détaillée des financements et des actions portées par la Banque des Territoires et Bpifrance dans le cadre de ce plan tourisme, voir le communiqué en lien ci-dessous).

Les collectivités invitées à participer

Les collectivités territoriales sont également partie intégrante du plan de relance. Édouard Philippe entend en effet inciter les collectivités, et plus particulièrement les communes et les EPCI, à prendre des mesures pour accompagner la relance du tourisme. Il a ainsi indiqué qu'elles pourront prévoir, pour 2020, des allègements sur les taxes de séjour. Nombre d'entre elles n'ont d'ailleurs pas attendu pour annoncer une telle mesure (voir notre article ci-dessous du 31 mars 2020), mais il faudra une base légale, via une loi de finances rectificative ou le projet de loi de finances pour 2021, afin d'aller plus loin. Les collectivités pourront également exonérer les entreprises du secteur des deux tiers de la CFE (cotisation foncière des entreprises). Contrairement aux taxes de séjour, la moitié de cette dépense sera alors prise en charge par l'État.

Enfin, le plan comprend une dernière mesure qui, comme a insisté Édouard Philippe, n'a rien d'anecdotique : le plafond journalier d'utilisation des tickets restaurant sera doublé, passant ainsi de 19 à 38 euros et leur usage sera autorisé les weekends et jours fériés, à partir de la date de réouverture des établissements et jusqu'à la fin de l'année 2020, uniquement dans les restaurants.

Au final, l'ensemble des mesures présentées ci-dessus représente un total de 18 milliards d'euros pour les finances publiques. Comme l'a expliqué Édouard Philippe, "c'est sans précédent, massif, nécessaire et nous espérons que cela aura les effets recherchés".

À quand les vacances ?...

Le tourisme, ce sont d'abord et avant tout les vacances. Une partie du plan de relance devrait d'ailleurs se jouer sur la façon dont vont se dérouler les vacances de cet été. Le Premier ministre était donc très attendu sur les perspectives en la matière, jusqu'alors très floues. Il s'est voulu à la fois prudent et optimiste : "Nous n'avons pas beaucoup de certitudes, compte tenu de tout ce que nous ne savons pas sur l'évolution du virus, mais nous devons fixer un cap et ouvrir les horizons", a-t-il expliqué.

Entrouvrir serait toutefois plus juste, car les dates pour les cafés et les restaurants – toujours fermés à ce jour (contrairement aux hôtels qui n'ont jamais été contraints de fermer, mais n'ont plus de clients) – seront fixées "dans la semaine du 25 mai". Le Premier ministre a cependant évoqué une "possibilité d'ouverture" le 2 juin dans les départements classés en vert, "si l'évolution de l'épidémie ne se dégrade pas" et sous réserve que les mesures sanitaires recommandées par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) soient parfaitement respectées. Dès à présent, le gouvernement travaille, avec les professionnels, sur les protocoles et les guides Covid-19 permettant cette réouverture dans le respect des règles sanitaires. En revanche, le Premier ministre n'a rien dit sur les perspectives d'ouverture des cafés et restaurants situés dans les départements classés en rouge.

Sur les vacances, Édouard Philippe a émis une "hypothèse raisonnable" : "Les Français pourront partir en vacances, en France, au mois de juillet et au mois d'août." Ceci vaut pour la métropole comme pour l'outre-mer. En revanche le Premier ministre n'a rien dit sur le tourisme international, qui pourrait ne pas reprendre avant l'automne.

Mais encore faudra-t-il que les Français qui ne partent pas dans une résidence familiale acceptent le risque de locations susceptibles d'être annulées au dernier moment en cas de reprise de la pandémie. Sur ce point, le Premier ministre a apporté une information importante, de nature à rassurer les candidats aux vacances : l'engagement des professionnels de l'hôtellerie et du tourisme – Umih (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), GNI (Groupement national des indépendants), Syndicat des tours opérateurs, Les entreprises du voyage... – de procéder à un remboursement intégral en cas d'annulation liée au Covid-19. Une mesure qui a sans doute pour contrepartie implicite un soutien de l'État aux entreprises concernées, dans une telle circonstance. Dès lors, "les Français peuvent prendre leurs réservations".

Un plan à venir pour le tourisme social

Une démarche qui ne sera pas forcément à la portée des plus modestes et des ménages fragilisés par le confinement et par la crise économique. Le gouvernement va donc présenter, "dans les prochains jours", un plan en faveur du tourisme social. Celui-ci fait actuellement l'objet d'une concertation avec les acteurs de ce secteur.

L'objectif fixé par Édouard Philippe est de "faire en sorte que tous ceux qui ont vécu dans les conditions parfois les plus dures du confinement puissent avoir un accès plus facile à des déplacements, à des voyages, à des opérations de tourisme social".

 

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