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Une proposition de loi pour expérimenter une recentralisation de l'aide sociale à l'enfance

Considérant qu'"il est aujourd'hui indispensable de parvenir à une homogénéisation de la protection de l'enfance sur l'ensemble du territoire", une proposition de loi de Xavier Iacovelli, sénateur membre de la majorité présidentielle, prévoit une recentralisation de l'aide sociale à l'enfance à titre expérimental à compter du 1er janvier 2023 et pour une durée de trois ans, en matière d'exercice de la compétence comme de financement.

Alors que la commission mixte paritaire vient de trouver un accord sur le projet de loi relatif à la protection de l'enfant (voir notre article du 13 janvier 2022), ouvrant ainsi la voie à une publication du texte au début du mois de février, une proposition de loi déposée, le jour même de la CMP, sur le bureau de la présidence du Sénat, vise à expérimenter l'exercice de la compétence de l'aide sociale à l'enfance par l'État. Le texte est présenté par Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine, membre du groupe RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) et délégué général de Territoires de progrès, autrement dit membre de la majorité présidentielle.

Une "homogénéisation indispensable" de la protection de l'enfance

La proposition de loi a très peu de chance d'être examinée avant la fin de la présente mandature. Elle est néanmoins intéressante à plusieurs titres. D'abord parce qu'elle émane d'un élu du groupe représentant la majorité présidentielle au Sénat. Ensuite, parce qu'elle est assez complète et structurée. Enfin et surtout parce qu'elle illustre parfaitement la prégnance croissante de la question de la recentralisation de la protection de l'enfance (ASE). La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance – dont le titre Ier s'intitule "Améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance" – et la loi en instance de publication sur la protection de l'enfant vont d'ailleurs clairement dans le sens d'une recentralisation de fait.

L'exposé des motifs de la proposition de loi explique qu'en dépit des progrès accomplis depuis la loi fondatrice de 2007, "de nombreux dysfonctionnements persistent et continueront d'exister, tout comme les traitements inégalitaires que subissent les enfants sous protection". L'exposé des motifs rappelle aussi que "lors de son allocution devant les maires de France le 18 novembre 2021, le Président de la République questionnait, à juste titre, que nous ne votions pas, dans notre pays, 'pour avoir 100 politiques sociales [...], parce que personne ne veut que des règles soient différentes quand il s'agit du handicap ou de l'aide sociale à l'enfance, entre un département et un autre'". Aussi, l'exposé des motifs estime-t-il qu'"il est aujourd'hui indispensable de parvenir à une homogénéisation de la protection de l'enfance sur l'ensemble du territoire afin d'offrir une protection digne à tous les enfants sous protection, quel que soit le territoire dans lequel ils se trouvent".

Une convention de mise à disposition des personnels

En pratique, la proposition de loi prévoit une recentralisation de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à titre expérimental à compter du 1er janvier 2023 et pour une durée de trois ans, en matière d'exercice de la compétence comme de financement. Les départements volontaires signeraient une convention avec le préfet du département, sur la base d'une convention type à définir par décret. Il est précisé que cette convention "constate la liste des services ou parties de service qui sont, pour l'exercice de la compétence de l'aide sociale à l'enfance, mis à disposition de l'État, et prévoit notamment les modalités de mise à disposition ainsi que l'évaluation financière des moyens mis à disposition".

De leur côté, "les fonctionnaires territoriaux et agents territoriaux non titulaires affectés au sein d'un service ou d'une partie de service mis à disposition [...] sont de plein droit mis à disposition, à titre individuel, du représentant de l'État dans le département. Ils sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous son autorité fonctionnelle". Ces personnels restent en revanche régis par leur statut d'origine. Si la mise à disposition des personnels de l'ASE ne soulèverait pas de difficultés de périmètre – la totalité du service étant dédié à la protection de l'enfance –, la situation serait sans doute plus compliquée pour les personnels de la PMI et du service social départemental, qui interviennent au titre de l'aide sociale à  l'enfance, tout en ayant des missions propres. La proposition de loi apporte ensuite de nombreux aménagements au code de l'action sociale  et des familles pour l'adapter à l'expérimentation.

Quelle compensation financière ?

Enfin, sur le plan financier, le texte prévoit que "le transfert expérimental [...] s'accompagne d'une compensation financière des charges qui en résultent pour l'État, correspondant au total des dépenses qui étaient consacrées à l'exercice de la compétence d'aide sociale à l'enfance par les départements, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par l'expérimentation". Cette compensation, qui se traduirait par une réduction à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement, serait calculée sur la moyenne, sur la période de 2019 à 2021, des dépenses actualisées relatives à l'ASE exposées par les départements et retracées dans leur compte de gestion.

Il reste que la question soulevée par cette proposition de loi – et par les propos présidentiels – pourrait valoir pour tous les champs de l'action sociale locale. On ne compte plus les rapport (missions d'information parlementaire, Igas, Cour des comptes...) qui documentent les écarts, souvent importants, entre départements en matière de handicap ou d'ASE, mais aussi en matière de RSA, d'APA, de PCH, de PMI... Dans ces conditions, on peut s'interroger, près de 40 ans après la première décentralisation, sur le sens et l'avenir de l'ensemble de la décentralisation de l'aide et action sociale locale aux départements...

Référence : proposition de loi relative à l'expérimentation de l'exercice de la compétence de l'aide sociale à l'enfance par l'État (enregistrée à la présidence du Sénat le 11 janvier 2022).
 

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