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Protection de l'enfance - Une proposition de loi veut transférer à l'Etat la charge des mineurs isolés étrangers

Jean Arthuis, sénateur (UDI) et président du conseil général de la Mayenne, en avait présenté les grandes lignes le 18 novembre dernier (voir notre article ci-contre du 20 novembre 2013). Signée par l'intéressé et une quinzaine de sénateurs du groupe UDI, la proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers est désormais officiellement déposée. Une proposition strictement identique devait également être déposée à l'Assemblée nationale par François Sauvadet, député (UDI) et président du conseil général de la Côte-d'Or, mais elle n'est pas encore enregistrée à ce jour.

Les services de l'ASE "ne sont pas armés" pour faire face

Les chances de voir aboutir un texte déposé par l'opposition - surtout sur un sujet aussi délicat - sont certes des plus minces. Aucun rapporteur - qui devrait être l'auteur du texte - n'a encore été désigné pour l'instant et la proposition de loi n'est pas encore inscrite dans un créneau réservé à l'opposition. Mais elle reste néanmoins à suivre pour au moins deux raisons.
Tout d'abord, la proposition de loi pourrait bien créer la surprise au Sénat, où le Parti socialiste ne dispose pas de la majorité. Le texte ne remet en effet nullement en cause le principe de l'accueil et de la prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE). Mais, considérant qu'il ne s'agit pas là d'une mission relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), il propose en revanche d'en rendre la responsabilité à l'Etat. D'autre part, même si elle ne franchit pas la première étape du Sénat, la proposition de loi ne manquera pas de relancer le débat sur ce sujet qui irrite - en public ou en privé - nombre de présidents de conseils généraux.
Dans son exposé des motifs, la proposition de loi rappelle que le rapport de 2010 de la sénatrice (UMP) des Hauts-de-Seine, Isabelle Debré, sur "Les mineurs isolés étrangers en France" concluait déjà que "l'Etat est concerné au titre de la maîtrise des flux migratoires, la lutte contre l'immigration clandestine et les trafics d'êtres humains, la justice des mineurs" et estimait que cette mission devrait donc relever de la solidarité nationale (voir notre article ci-contre du 11 mai 2010).
De son côté, l'auteur du texte estime que "les services de l'ASE, qui fonctionnent généralement à la limite de leurs capacités, ne sont pas armés pour la prise en charge très complexe des MIE, très éloignée de leurs missions habituelles et qui les désorganise au point de compromettre l'action éducative dont ils ont la charge".

Un transfert entre les départements et l'Etat à régler "selon les usages"

La proposition de loi inclut donc dans la liste des dépenses d'aide sociale relevant des dépenses de l'Etat à la fois l'accueil et l'évaluation des MIE et les frais de prise en charge de ces mineurs isolés étrangers confiés - en application d'une mesure judiciaire d'assistance éducative - à un établissement de l'ASE ou à un établissement habilité.
Le texte redéfinit également le rôle de l'ASE vis-à-vis des MIE. Celui-ci se limiterait à l'accueil d'un jeune étranger en situation de danger ou de risque pendant 72 heures au plus, le procureur de la République étant immédiatement informé. Dans le cas où le mineur ne fait pas déjà l'objet d'une procédure d'accueil ou de placement dans un autre département, le procureur l'oriente vers le centre d'accueil et d'évaluation des mineurs isolés étrangers territorialement compétent. Il s'agit là de structures nouvelles qui pourraient être soit des centres provisoires d'hébergement dédiés, soit des services ou des établissements conventionnés ou habilités par la protection judiciaire de la jeunesse.
Le texte prévoit aussi la création d'un fichier national des MIE. Enfin, s'agissant d'un transfert de compétences vers l'Etat, l'exposé des motifs précise que "les dispositions financières compensatoires devront être réglées selon les usages entre l'Etat et les collectivités territoriales".

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers.

 

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