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Vaccination et possibles mesures coercitives : les consultations se multiplient

Jean Castex a réuni jeudi les associations d'élus locaux pour, notamment, recueillir leur avis sur la vaccination obligatoire des soignants. Faut-il rester sur des mesures incitatives ? (l'Association des maires de France estime que oui) Faut-il réserver cette obligation aux soignants ? Les questions sont nombreuses. L'exécutif compte en tout cas sur le relais des maires. Deux jours plus tôt, Olivier Véran signait quant à lui avec les ordres des professions de santé et la plupart des fédérations sanitaires et médicosociales une déclaration commune afin d'"encourager les professionnels de santé, du soin et de l'accompagnement à la vaccination".

Jean Castex avait sollicité associations d'élus et présidents de groupes parlementaires pour recueillir leur avis sur la vaccination obligatoire des soignants, sur "l'extension du champ d'application du pass sanitaire" et des "mécanismes d'incitation à la vaccination", ainsi que sur "la question du renforcement des obligations d'isolement" des malades du Covid. Réunies par le Premier ministre jeudi 8 juillet après-midi, une "large majorité" des associations d'élus locaux se serait exprimée en faveur de la vaccination obligatoire des soignants au sens large, et sur l'extension du champ d'application du pass sanitaire, selon Matignon.

Le vice-président de l'Association des maires de France (AMF), André Laignel, a toutefois jugé "au nom de l'AMF" que "cette façon de cibler une catégorie de personnes, en l'occurrence les soignants, ne me semble pas opportune, car elle stigmatise une profession qui a totalement été impliquée dans la crise dans des conditions difficiles". Et a de ce fait dit préférer "des mesures incitatrices plutôt que contraignantes".

Ce vendredi 9 juillet, c'est le président de l'AMF, François Baroin, qui a précisé les choses dans un courrier au Premier ministre (en lien ci-dessous). En commençant par souligner que "la définition de la stratégie vaccinale et la gestion de la crise sanitaire restent de la responsabilité de l'Etat", il fait part de ses "réserves" quant à "lopportunité de rendre obligatoire la vaccination des soignants" ainsi que les professionnels intervenant en Ehpad. Il ne faudrait pas, écri-til, que cette obligation soit perçue "comme une forme de sanction". Mieux vaut, poursuit François Baroin, miser sur "des mesures incitatives des campagnes d'information". L'AMF se dit aussi "favorable à un transfert progressif de la vaccination vers la médecine de ville".

L'Association des maires ruraux de France, qui participait elle aussi à la réunion, semble quant à elle appeler à rendre la vaccination obligatoire "pour tous". "On cible plus particulièrement les soignants, mais pourquoi ne pas aussi cibler les gens qui reçoivent du public, les gens qui se retrouvent dans des situations d'accueil ? (...) Plutôt que de faire des oublis, nous on va préciser au Premier ministre qu'on est pour la vaccination pour tous", avait indiqué le matin même sur France Info le président de l'AMRF, Michel Fournier. "Plutôt que de tergiverser de nouveau en essayant d'y aller à petits pas, nous affirmons que tout le monde puisse être vacciné. Autrement on fait quoi ? On va utiliser un pass sanitaire et on va sélectionner les gens pour entrer dans tel ou tel établissement, dans telle ou telle structure théâtrale ou autre ? À un moment donné, il faut se dire 'écoutez, il y a une nécessité que l'on se sorte de cette pandémie et la seule potentialité, c'est le vaccin pour tous'", avait-il plaidé.

Jean Castex a pour sa part encouragé les élus à développer toute "mesure innovante" de nature à inciter les Français à se faire vacciner. Quelques heures plus tôt, lors de son allocution devant les élus de Villes de France réunis en congrès, le chef du gouvernement l'avait déjà évoqué : "Nous devons par tous les moyens convaincre nos concitoyens et, peut-être, envisager des mesures plus coercitives (…). Et le relais des maires est capital". La concertation doit permettre de "nous accorder sur les actions qu'il y a lieu d'entreprendre, de prolonger ou de renouveler", avait-il ajouté, ayant par ailleurs relevé que "sans doute pour les plus vulnérables, qui ont été vaccinés les premiers, il nous faudra une troisième dose".

Ces questions doivent faire l'objet d'un Conseil de défense sanitaire exceptionnel ce lundi 12 juillet, avant une prise de parole d'Emmanuel Macron désormais annoncée pour lundi à 20h. Un projet de loi pourrait être examiné au Parlement dès la fin juillet.

Les fédérations d'établissements sanitaires et sociaux - presque - unanimes

De son côté, Olivier Véran lance depuis plusieurs semaines déjà "un appel solennel aux soignants qui n'ont pas été vaccinés pour qu'ils franchissent le cap" et évoquait il y a une quinzaine de jours la possibilité de mise en place d'une obligation de vaccination pour tous les personnels des établissements sanitaires et médicosociaux (voir notre article du 21 juin 2021).

Et mercredi 7 juillet, le ministre de la Santé a reçu – avec Brigitte Bourguignon et Sophie Cluzel – les ordres des professions de santé et les fédérations sanitaires et médicosociales, "afin de recueillir leurs positions s'agissant de la vaccination des soignants, de la nécessité d'aller jusqu'à une obligation vaccinale et de leurs points de vigilance". A l'issue de cette réunion, les participants ont signé une déclaration commune afin d'"encourager les professionnels de santé, du soin et de l'accompagnement à la vaccination contre la Covid et engager le gouvernement à aller vers une obligation vaccinale de ces professionnels". La formulation sur l'encouragement du gouvernement est quelque peu curieuse, mais elle montre bien que la décision est proche d'être prise. La déclaration a été signée par les représentants des ordres des professions de santé (médecins, pharmaciens, infirmiers, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes et pédicure-podologues) et par ceux des fédérations hospitalières et médicosociales : FHF, Fédération de l'hospitalisation privée, Fehap (privé non lucratif), Unicancer (centres de lutte contre le cancer), Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile, Synerpa (maisons de retraite privées), Nexem et Croix-Rouge. Pour mémoire, on rappellera que quatre vaccinations sont déjà obligatoires pour les personnels soignants et les étudiants et conditionnent l'embauche sans soulever de difficulté particulière : les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (à renouveler tous les 10 ans), ainsi que l'hépatite B. Compte tenu de la quasi-disparition de cette maladie, un décret du 27 février 2019 a levé l'obligation de vaccination contre la tuberculose pour tous les travailleurs sociaux et les personnels des Ehpad (voir notre article du 13 mars 2019).

Si ces organismes – dont nombre d'entre eux, comme la FHF et le Synerpa, avaient déjà exprimé publiquement leur position en faveur de la vaccination obligatoire des soignants – représentent l'essentiel des acteurs du sanitaire et du médicosocial, il est difficile de savoir si d'autres fédérations n'ont pas voulu signer l'engagement ou n'ont pas été invitées à la réunion du 7 juillet. On peut toutefois noter l'absence du secteur de l'aide à domicile (hors HAD, qui intervient à domicile mais n'a rien à voir avec un Saad ou un Ssiad). Seule certitude : dans un communiqué diffusé la veille de la réunion, l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées) affirme qu'elle "partage l'objectif d'une vaccination la plus large possible", mais "privilégie néanmoins recourir à l'adhésion des professionnels plutôt qu'à leur stigmatisation, alors qu'ils font preuve de leur engagement et responsabilité depuis des mois passés en première ligne [...]". Conséquence : "Les directeurs ne peuvent se résoudre à voir imposer de nouvelles injonctions alors que les accidents du travail et les maladies professionnelles ne cessent de croître".

 

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