Verdissement de l'achat public : le Groupe Scet invite à la "mobilisation générale"
Alors qu'en août prochain les acheteurs publics vont devoir prendre en compte dans leurs marchés les obligations environnementales arrêtées par la loi Climat et Résilience, le Groupe Scet s'alarme d'un verdissement des achats publics locaux qui resterait pour l'heure "de façade". Comme la filiale de la Caisse des Dépôts le souligne, il faut avouer que les freins ne manquent pas. Si certains semblent pouvoir être desserrés plus ou moins aisément, d'autres ne manqueront pas de paraître insurmontables pour les "petits acheteurs", sauf à faire appel à des prestataires extérieurs.
© Scet et Adobe stock
Dans un livre blanc consacré à l'achat responsable, le Groupe Scet invite à la "mobilisation générale" en faveur du verdissement de la commande publique.
Retard à l'allumage
Rappelant que de nouvelles contraintes, issues de la loi Climat & Résilience (lire notre article du 21 septembre 2021), vont s'imposer en la matière à compter du 21 août prochain – nécessité que les "spécifications techniques prennent en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale", que "les conditions d'exécution prennent en compte des considérations relatives à l'environnement" et "qu'au moins un des critères" d'attribution prenne en compte "les caractéristiques environnementales de l'offre" (lire notre article du 3 mai 2022) –, la filiale de la Caisse des Dépôts s'émeut pour l'heure de ce qu'elle estime être "un verdissement de façade" opéré par les acheteurs publics locaux. Au terme d'une enquête conduite auprès de 98 d'entre eux (collectivités, établissements publics locaux, organismes HLM), le Groupe Scet constate en effet que si 72% des répondants indiquent avoir déjà "initié des mesures de verdissement" de leurs achats, "en particulier via la mise en place de critères d'attribution environnementaux et l'insertion de clauses environnementales dans les cahiers des charges", la part des marchés concernés reste inférieure à 50% pour la majorité de ces acheteurs "engagés". "Tant que 60% des acheteurs n’appliquent leurs mesures qu’à une minorité de marchés, nous ne pouvons pas parler de transformation, mais de premiers pas", déplore Anne-Marie Quiviger, responsable du développement du réseau Scet.
Des freins persistants, plus…
Pourtant, cette dernière souligne que "la volonté de verdir les achats est bien là". Mais "elle reste largement freinée par un manque de moyens, de connaissances, d'outils", observe l'experte. Comme l'indique le livre blanc, qui les égrène, les freins à l'intégration du développement durable dans la commande publique sont il est vrai "nombreux".
Certains semblent pouvoir être desserrés plus ou moins aisément. Ainsi de la perception initiale d'incompatibilité entre "l'achat vert" et les principes de la commande publique, avec en toile de fond la crainte de recours pour non-respect du principe d'égalité de traitement des candidats. La loi imposant ce verdissement, la crainte devrait logiquement disparaître.
Ainsi peut-être aussi de la "crainte persistante de surcoût des achats verts". Le Groupe Scet estime en effet que le frein du "surcoût initial" devrait pouvoir être levé en retenant l'approche du "coût du cycle de vie", considérant que "les biens et services à faible impact environnemental se révèlent généralement moins onéreux à l'usage".
Avec le temps, tant l'absence "d'une offre adaptée, suffisamment mature et connue des acheteurs" que "la visibilité restreinte de ces derniers sur les options existantes et sur leur efficacité réelle" – laquelle pousse les acheteurs à la prudence – devraient également naturellement se dissiper.
… ou moins faciles à desserrer
Il est en revanche à craindre que "la complexité technique et réglementaire" du sujet, qui rend "son appropriation particulièrement difficile", ne soit un obstacle plus difficile à dégager. Outre "la multiplicité des textes applicables et leur relative imprécision" – en prenant précisément exemple de la notion du coût du cycle de vie, qui bien que "centrale dans l'évaluation des offres, reste difficile à appréhender et à appliquer" –, le Groupe Scet déplore que "des outils annoncés dans l'article 36* de la loi Climat & Résilience ne soient pas encore tous opérationnels". Avec un sens certain de la litote puisque, comme la filiale le souligne elle-même, "seuls deux existent : secteur textile et travaux publics". Et l'établissement de relever de surcroît que ces outils peuvent, eux aussi, "s'avérer complexes à utiliser pour les acheteurs".
Autre nœud gordien, non sans lien avec celui précédemment énoncé, la nécessité de disposer de ressources internes dotées de compétences à la fois techniques, juridiques et financières – la fameuse "ingénierie – ou à défaut de pouvoir recourir à des prestataires extérieurs. Le tout ayant pour effet de "renchérir le coût des achats", à un moment où ce n'est guère dans l'air du temps. Une difficulté que l'on retrouve également côté fournisseurs, et singulièrement pour les TPE/PME, alerte par ailleurs le Groupe Scet, en mettant en exergue le risque que, "sans accompagnement, ces structures risquent de se retrouver exclues non seulement de la commande publique, mais aussi de la transition écologique".
Des solutions… pour les mieux dotés
Pour gravir la montagne et éviter l'hypoxie, le Groupe Scet préconise aux acheteurs de progresser par paliers, "par touches successives".
Première étape, "réaliser une cartographie des achats engagés ou à engager, accompagnée d'un recensement des clauses, critères et sanctions déjà utilisés dans les contrats". Un recensement "qui gagnera à être complété par un partage d'expériences au sein de la structure", est-il préconisé. Au sein et sans doute au-delà, singulièrement pour les plus petites d'entre elles.
Deuxième étape, "formaliser une véritable stratégie d'achats responsables" et ce, quand bien même le Spaser (schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables) n'est "pas obligatoire pour les plus petits acheteurs". Une stratégie dont la mise en œuvre "nécessite un investissement préalable des équipes pour identifier des solutions existantes, en développement ou potentiellement développables", et donc "le renforcement des connaissances des équipes". Et le groupe Scet de relever que "la réalisation d'études et d'échanges préalables avec les opérateurs, dans les conditions prévues par le code de la commande publique (sourcing), devient indispensable pour préparer la passation de contrats".
En conclusion, il souligne que "l'intégration des préoccupations environnementales dans les achats nécessite la mobilisation de compétences variées, qu'il convient d'associer dans le cadre d'un travail collaboratif", voire de réorganiser "pour favoriser une approche transversale". Et pour ceux qui ne disposent pas d'un tel réservoir de talents dans leurs rangs, il leur restera à nouer des alliances ou à faire appel à des experts.
* "Au plus tard le 1er janvier 2025, l'État met à la disposition des pouvoirs adjudicateurs des outils opérationnels de définition et d'analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d'achat. Ces outils intègrent le coût global lié notamment à l'acquisition, à l'utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens ainsi que, lorsque c'est pertinent, les coûts externes supportés par l'ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation".