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Politique de la ville - CIV : faire plus pour ceux qui ont moins (et avec moins)

Le Comité interministériel des villes, réuni mardi 19 février sous la présidence de Jean-Marc Ayrault, a décliné 27 décisions, sous le slogan éculé "Rétablir l'égalité républicaine en faisant plus pour ceux qui ont moins". "Plus" ne signifie pas "plus de financement" car, dans ce registre, l'air du temps demeure au "faisons plus avec moins". "Plus" c'est ici : plus de droit commun, plus de cohérence des politiques publiques, plus de participation des habitants, plus d'intercommunalité... Difficile équation.

Le Comité interministériel des villes (CIV) du 19 février 2013 a pris 27 décisions articulées autour de cinq engagements. Les collectivités iront directement à la décision 17 qui s'attache à "mener à bien" l'actuel programme national de rénovation urbaine (PNRU). Le Comité s'est engagé à mobiliser les ressources nécessaires pour cela et a décidé de reporter l'échéance du PNRU de fin 2013 à fin 2015 pour permettre à tous les projets de parvenir à leur terme. En conséquence, le dispositif de TVA à taux réduit en accession s'appliquera sur la durée de chaque convention de rénovation urbaine.
Le Comité rappelle que le PNRU était payé à 47% à la fin 2012 et qu'il reste donc près de 6,5 milliards d'euros à sortir. Par ailleurs, sur les 12 milliards d'euros consacrés au PNRU entre 2004 et 2013, il resterait 2 milliards d'euros à engager après 2013, d'où le fait que "des opérations ne pourront faire l'objet d'un engagement qu'après le 31 décembre 2013"... et donc le report de l'échéance à 2015.

Préparation des projets de renouvellement urbain 2014-2020

Pour ce qui est de la prochaine génération des opérations de renouvellement urbain (décision 18), il est prévu de les intégrer dans la prochaine génération des contrats de ville 2014-2020, conformément à l'idée de "réconcilier l'urbain et l'humain". Ce qui implique qu'elles ne pourront concerner que les futurs quartiers prioritaires que Jean-Marc Ayrault a évalué à environ un millier. Cela ne signifie pas qu'un millier de quartiers pourront prétendre à une opération de renouvellement urbain. Le gouvernement s'est donné jusqu'à la fin de l'année 2013 pour établir les critères d'éligibilité. Un pré-recensement sera toutefois communiqué dès septembre.
Il faudra attendre "avant fin 2013" pour connaître le volume d'engagements financiers et les modalités de financement et d'intervention de l'Anru seront revues fin 2013. Le CIV envisage également avant fin 2013 de renouveler la convention Etat-Caisse des Dépôts 2008-2013 sur 2014-2020, "ainsi que les opportunités de redéploiements des crédits disponibles", pour "accompagner la mise en oeuvre de la nouvelle génération de projets de renouvellement urbain".
L'idée étant de contractualiser à partir de 2014 la nouvelle génération de projets de renouvellement urbain aidés par l'Anru, dans le cadre des conventions d'application "renouvellement urbain" définissant le volet urbain des contrats de ville 2014-2020.

Mixité et désenclavement : des classiques renouvelés

Les objectifs des prochains projets de renouvellement urbain ne diffèrent pas fondamentalement de la précédente génération. Il est toujours question de favoriser la mixité sociale (décision 19), notamment par une diversification des logements. Le CIV du 19 février 2013 s'engage toutefois à "une meilleure répartition de la construction à l'échelle des agglomérations, en favorisant notamment la production de logements sociaux dans les communes dont la situation justifie un effort supplémentaire".
Le CIV acte le fait que dans le cadre de la préparation de la future loi Urbanisme et Logement, la concertation sur la réforme des procédures d'attribution des logements sociaux est engagée. Il prend également date avec le projet de loi de finances 2014 pour examiner l'adaptation du dispositif d'abattement de TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) en ZUS qui s'achèvera au 31 décembre 2013, à la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville : "Le nouveau dispositif prévoira des engagements précis et mesurables de renforcement des actions de gestion urbaine de proximité de la part des organismes HLM", s'est engagé le CIV.
Autre classique : l'objectif de désenclaver les quartiers (décision 20). Le CIV s'en donne les moyens en faisant de la desserte des quartiers un critère prioritaire d'éligibilité dans le cadre du troisième appel à projets TCSP (transports collectifs en site propre) qui sera lancé avant la fin du premier semestre 2013 (voir notre article ci-contre du 17 janvier 2013). Il décide également d'impliquer davantage les autorités organisatrices des transports urbains dans les futurs contrats de ville ; une circulaire interministérielle Transports-Ville leur suggèrera, avant la fin de l'année, d'être signataires des contrats de ville et d'intégrer un volet "desserte des quartiers de la politique de la ville" dans leurs plans de déplacements urbains (PDU).

Un concentré de quartiers prioritaires

L'engagement du CIV à "concentrer les interventions publiques" était très attendu. Les grands principes de la nouvelle géographie prioritaire, évoqués par le Comité (décision 21), seront intégrés dans un projet de loi qui serait transmis au Parlement "avant l'été". Un décret d'application serait alors pris "avant l'automne".
"Ces quartiers prioritaires concentreront des moyens de droit commun renforcé des différents départements ministériels, les moyens spécifiques de la politique de la ville (crédits budgétaires, dépenses fiscales, moyens de l'Anru) et les fonds européens du nouvel axe quartiers de la politique de la ville au sein du développement urbain intégré", s'engage le CIV. Le principe est bien de "simplifier et resserrer la géographie prioritaire actuelle autour d'un nombre ciblé de quartiers prioritaires, par rapport aux 2.500 quartiers en contrat urbain de cohésion sociale". Pour identifier ces nouveaux quartiers, le CIV demande de s'appuyer sur la part de population à bas revenus (et complique un peu les choses en demandant d'y "associer l'échelon local pour rendre cohérents ces contours avec les éléments géographiques locaux" comme la voirie, le cadastre, etc.).

1.000 quartiers "pas toujours dans les cités"

"En partant d'un critère simple et objectif, la part de population à bas revenus, et quand nous faisons ce calcul, nous arrivons à un nombre d'environ 1.000 quartiers prioritaires", a précisé Jean-Marc Ayrault en clôture du Comité. Et de préciser que ces quartiers "ne sont pas forcément d'ailleurs toujours en banlieue ou dans les cités : nous avons repéré que dans certaines villes moyennes notamment, y compris dans des départements ruraux, il existait des quartiers concernés et qui avaient été oubliés".
Les acteurs locaux définiront également des "périmètres d'action thématique variables selon les politiques publiques" qui seront déployés à partir des quartiers prioritaires...
A noter que le CIV précise que les moyens de l'Etat seront modulés selon "l'intensité des besoins sociaux" mais aussi selon "la capacité contributive des collectivités concernées, c'est-à-dire de leurs ressources propres (potentiel financier, effort fiscal)".
Pour les 1.500 quartiers "populaires" qui n'auront plus droit au label "prioritaires" (et ne bénéficieront donc plus des crédits spécifiques de la politique de la ville), le CIV prévoit de les "placer sous une veille active" et de leur permettre de contractualiser avec l'Etat et les collectivités territoriales "de manière à mobiliser en leur faveur le droit commun des politiques sectorielles et la solidarité régionale, départementale, intercommunale". Un "dispositif de transition pour le redéploiement des moyens spécifiques de la politique de la ville" serait par ailleurs mis en place.

Des contrats de ville "uniques"

Ceux qui ont suivi la concertation engagée par François Lamy ne seront guère surpris de découvrir que la nouvelle génération de contrats de ville 2014-2020 sera "à caractère unique et global" au sens où les contrats s'appuieront sur quatre piliers : "le social dans son acception large", l'urbain, l'économique et l'environnemental (décision 22). On l'a vu, ils mobiliseront les crédits spécifiques de la politique de la ville, les moyens de droit commun de l'Etat et des collectivités territoriales. Leur portage sera intercommunal, "pour permettre aux quartiers populaires de réintégrer les dynamiques d'agglomération, avec une mutualisation des fonctions d'ingénierie". Le CIV compte en effet sur la constitution d'"équipes projet" constituée au niveau intercommunal, tout en "réaffirmant le rôle des maires, signataires des contrats de ville et garants de la prise en compte des réalités de proximité". Le triptyque préfet-président d'EPCI-maire, valorisé par François Lamy dans son discours de Roubaix, est réaffirmé. Et d'autres partenaires sont invités à signer les contrats de ville : le président du conseil régional, le président du conseil général, le procureur de la République, le recteur, le directeur territorial de Pôle emploi, le directeur général de l'agence régionale de santé, le directeur de la caisse d'allocation familiale, ainsi que d'"autres partenaires institutionnels et de la société civile".
Sans oublier les habitants qui seront "étroitement associés à l'élaboration et au suivi de l'exécution des contrats", selon des modalités qui seront proposées à l'issue de la mission confiée à Mohammed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué, en juin prochain.
En toute logique, le CIV rappelle que les prochains contrats de ville devront être mis en cohérence "avec les cadres et outils existants, notamment les documents de planification en matière d'urbanisme, de logement et de transports, les contrats de projet Etat-région, les contrats d'agglomération et la programmation des fonds structurels européens".
Toutes ces dispositions seront dans le projet de loi Ville. Une préfiguration du dispositif sera menée sur quelques sites-tests dès 2013, alors qu'une expérimentation est déjà en cours à Amiens, précise le CIV.

Finance locale : de la DDU à la DPV

On l'a vu (décision 21), le CIV entend moduler les financements de l'Etat en fonction des ressources des collectivités. Une ligne de conduite qui s'applique à la révision des mécanismes de solidarité financière nationale et intercommunale à destination des territoires prioritaires (décision 23). Inspirée par la mission Pupponi, le CIV veut "renforcer" ces mécanismes en "rendant plus transparents les efforts" réalisés par les communes et leurs groupements en matière de politique de la ville et de solidarité financière.
Il s'agirait, au niveau national, de transformer la DDU en une "dotation politique de la ville" (DPV) à destination des territoires issus de la nouvelle géographie prioritaire "et supportant des charges sociales et urbaines exceptionnelles". Versée aux EPCI, cette dotation serait, pour tout ou partie, libre d'emploi, dans le cadre d'objectifs d'utilisation fixés au niveau national par la loi, puis déclinés et inscrits dans le futur contrat de ville et évalués sur une base triennale. Une partie des crédits de cette nouvelle dotation pourrait être réservée aux contrats les plus ambitieux qui seront présentés par les EPCI, et accordée par le ministère chargé de la ville sous forme de bonus.
Au niveau intercommunal, trois axes de progrès sont envisagés. D'abord, rendre obligatoire l'instauration d'une dotation de solidarité communautaire dans les EPCI concernés par des quartiers prioritaires, en contrepartie de l'engagement de l'Etat sur les crédits de la politique de la ville. Ensuite, créer une annexe "politique de la ville et solidarité financière" aux budgets, tant des EPCI que des communes concernées par la politique de la ville. Cette annexe établirait un diagnostic de la situation locale en la matière et retracerait les moyens affectés par l'Etat, les communes et leurs groupements, aux territoires de la politique de la ville. Ces annexes pourraient trouver place dans le développement des pactes financiers intercommunaux. Enfin, le CIV envisage d'instaurer un débat annuel d'orientation sur la politique de la ville, au niveau de l'EPCI et des communes concernées par la politique de la ville.
Tout cela sera discuté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, après "un travail interministériel à conduire, en concertation avec le Comité des finances locales et les associations représentatives des collectivités concernées".

Contribution de tous les ministères

Dans le bel engagement du CIV de "construire ensemble la politique de la ville", la première décision – c'est symbolique – sera de "donner toute leur place aux acteurs de proximité et aux habitants", en faisant par exemple des habitants "les coconstructeurs des futurs contrats de ville", en "développant la participation citoyenne à toutes les étapes", en "établissant un dossier simplifié de demande de subvention" ou encore en "privilégiant le conventionnement pluriannuel aux appels à projet".
Ensuite, le CIV s'attaque à la gouvernance et au pilotage national, rappelant les conventions d'objectifs signés entre ministères et François Lamy (voir notre article ci-contre du 5 décembre 2013). Le détail est décliné dans le second engagement du CIV de "territorialiser les politiques de droit commun". On y trouve une série d'actions de mobilisation de chacun des ministères : 30% des emplois d'avenir pour les quartiers (ministère de l'Emploi, décision 5), 2.000 emplois francs expérimentés dans dix villes dès 2013, une convention sur la présence et l'offre de service de Pôle emploi, la scolarisation des moins de 3 ans (Education nationale, décision 8), dispositif "plus de maîtres que de classes", mise en place des zones de sécurité prioritaire (Intérieur, décision 11), développement des maisons et des centres de santé (Santé, décision 9), intervention spécifique de la banque publique d'investissement (BPI) pour la création et le développement des entreprises dans les quartiers (Economie, décision 7)...

L'Onzus avec le CES de l'Anru, l'Acsé avec le SGCIV

Le CIV envisage par ailleurs de réunir l'Onzus et le comité d'évaluation et de suivi de l'Anru (dont les conclusions du dernier rapport ne sont pas précisément dans la ligne du CIV, voir notre article ci-contre du 13 février 2013) et de "rapprocher" l'Acsé et le sécrétariat général du comité interministériel des villes (SGCIV).
Au niveau de l'administration territoriale de l'Etat, il s'agirait de rendre le préfet de région pilote de la territorialisation des politiques publiques dans les quartiers populaires "dans le cadre collégial du comité d'administration régionale" et de "mobiliser l'administration de l'Etat autour du préfet de département" par la mise en place d'équipes interministérielles, "organisées en délégations ou missions interservices", et par "l'action de terrain" des préfets délégués pour l'égalité des chances, des sous-préfets ville, des sous-préfets d'arrondissement et des délégués du préfet.
Enfin, le dernier engagement sur la liste du CIV s'attache à "lutter contre les discriminations", en trois décisions : lancer une mission interministérielle sur le sujet (décision 25), mais surtout "déployer les emplois francs" dès 2013 (décision 26) avec une première vague d'expérimentation portant sur 2.000 emplois sur dix sites-tests (dont déjà Amiens, Marseille, Clichy-Montfermeil et Grenoble). La dernière décision vise à "conduire un travail de mémoire collective dans les quartiers prioritaires", comme l'avait évoqué Cécile Duflot lors de ses voeux à la presse (voir notre article du 21 janvier).

 

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