Collecte et traitement des déchets : l’Ademe plaide pour un changement de modèle

Pour relever le défi de la réduction des déchets, l’Ademe, s’appuyant sur trois nouvelles études, plaide pour un changement de modèle, responsabilisant tant les ménages – via l’instauration de la tarification incitative – que les opérateurs de collecte et de traitement des déchets, via des contrats de performance valorisant les objectifs de prévention et de collaboration.

Constatant que, contrairement aux objectifs fixés, les volumes des déchets collectés continuent d’augmenter (voir notre article du 1er septembre 2023), et que leurs coûts de collecte et de traitement ne cessent d’enfler (voir notre encadré ci-dessous), l’Ademe plaide pour un changement de modèle. Elle mise sur une responsabilisation accrue des parties prenantes – les ménages d’une part, les opérateurs de collecte et de traitement des déchets d’autre part –, en s’appuyant sur trois nouvelles études présentées ce 17 janvier.

Lente émergence de la tarification incitative…

Pour les ménages, l’agence mise, encore et toujours, sur la tarification incitative. Les bénéfices de cette dernière sont vantés de longue date (voir par exemple notre article du 14 octobre 2008 ou celui du 16 septembre 2016). Mais elle peine toujours à émerger (voir notre article du 6 juillet 2023). Dans un "bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2021", l’Ademe constate ainsi qu’au 1er janvier 2021, seules 200 collectivités finançaient leur service public de gestion des déchets grâce à ce dispositif : 175 via une redevance incitative, 25 via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (Teomi). Entre 2016 et 2021, la population couverte par une taxe incitative n’aura ainsi que très faiblement augmenté, la forte croissance du taux (44%) ne concernant qu’une base toujours réduite, passant de 4,6 à 6,6 millions de personnes. Loin des 15 millions qui, au terme de loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, auraient dû être couverts en 2020. Et encore plus loin des 25 millions qui devraient l’être en 2025.

… en dépit de ses bénéfices…

Remettant l’ouvrage sur le métier (voir notre article du 30 novembre 2016), l’Agence y insiste à nouveau sur les profits que la tarification incitative permet de retirer : une réduction de la production d’ordures ménagères résiduelles (OMR), de l’ordre de 30% en moyenne ; un meilleur réflexe de tri – avec une collecte plus importante d’emballages, de papier et de verre – mais aussi un coût médian de gestion des déchets plus faible de 18%, argument auquel les collectivités ne devraient pas rester insensibles. Pour "obtenir les meilleures performances" sur les OMR, l’Ademe met en avant trois leviers : un tarif suffisamment élevé pour mobiliser l’usager (supérieur à 3 euros par levée), la présence d’une collecte séparée des biodéchets – désormais obligatoire, en théorie du moins (voir notre article du 11 janvier) – et la réduction de la fréquence de collecte à un passage toutes les 2 semaines, dans les faits de plus en plus répandue. Au passage, l’étude relève que les collectivités en redevance incitative sont plus performantes que celles ayant opté pour la Teomi (moindre production d’OMR et meilleure collecte sélective).

… même avec le dommage collatéral, non systématique, des dépôts sauvages

Pour l’Ademe, ce passage à la tarification incitative doit être d’autant plus encouragé qu’une deuxième étude, intitulée "Tarification incitative et incivilités", montre qu’il ne s’accompagne pas nécessairement de l’émergence de dépôts sauvages – source de légitimes inquiétudes des élus locaux (voir notre article du 14 janvier 2022) –, même si l’agence concède qu’il existe "significativement plus de dépôts sauvages en nombre et en poids dans les territoires en tarification incitative". Elle met en garde contre trois éléments qui favoriseraient cette recrudescence : des collectes en point d’apport volontaire plutôt qu’en porte-à-porte, phénomène aggravé par le sous-dimensionnement éventuel de ces points ; un nombre de levées "forfaitaires" inférieures ou égales à 12 par an ; un manque de communication adaptée aux nouvelles modalités de collecte.

"Dans tous les cas, les estimations de quantités annuelles de dépôts sauvages d’OMR [environ 2kg/hab.] restent modérées en comparaison des bénéfices de la tarification incitative sur la diminution des quantités d’OMR [environ -80 kg/hab.]", insiste l’Ademe. 

Nécessaires contrats de performance des déchets ménagers et assimilés

Dans cette même logique responsabilisante, l’agence invite les collectivités à rompre les habitudes pour mettre en œuvre une politique vertueuse avec les opérateurs de collecte et de traitements des déchets, aujourd’hui "essentiellement rémunérés sur la base du volume total de déchets produit et géré par eux", entraînant une rémunération "d’autant plus importante que le volume global de déchets est élevé". Concrètement, elle plaide pour des "contrats de performance des déchets ménagers et assimilés" intégrant des objectifs "de prévention des déchets et de collaboration effective entre toutes les parties prenantes", afin "d’aligner les intérêts". L’agence s’appuie là encore sur une étude conduite auprès de quatre collectivités – la communauté d’agglomération du grand Montauban, la communauté de communes du Bassin de Pompey (Meurthe-et-Moselle), Valence Romans Agglomération et Sived Nouvelle génération (Var) – ayant expérimenté de tels contrats pendant plus de trois ans. L’Ademe en tire quelques enseignements pour une mise en place réussie de ces contrats, et notamment : une nécessaire phase de préparation permettant identification des parties prenantes, partage des objectifs et des expertises ; une procédure de dialogue compétitif afin de déterminer en commun les objectifs à atteindre ; la mise en place de bonus/malus financiers.

 
  • Une croissance ininterrompue des coûts

En moins de 20 ans, les dépenses de gestion des déchets ont plus que doublé en France, révèle l’Ademe. En prix courants, elles s’élevaient à 9,354 milliards d’euros en 2000. L’agence les estime à 20,563 milliards en 2019. En cause, "l’explosion du volume de déchets", mais aussi "des coûts de collecte et de traitement de plus en plus lourds, liés en particulier au déploiement des collectes séparées et à l’évolution de la fiscalité". En 2019, les déchets municipaux et assimilés représentaient l’essentiel du coût (56,1%, plus de 11,5 milliards d’euros), devant les déchets industriels (36,2%, plus de 7,4 milliards), le nettoyage des rues (6,8%, près de 1,4 milliard) et l’achat de sacs poubelles (0,9%, 187 millions).

 

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