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Politique Enfance - Collectivités amies des enfants : plein de jolis petits projets comme on les aime

Un petit-dej gratuit à l'école, des parents déstressés, des enfants handicapés mentaux et valides grandissant dans la même crèche, des ateliers peinture au pied d'immeuble... les projets plus ou moins audacieux et innovants ont ponctué la 10e rencontre des collectivités amies des enfants. Des projets souvent réalisés à peu de frais (financiers) mais au prix d'une forte mobilisation des partenaires notamment associatifs.

"Toutes les villes de France ont vocation à être amies des enfants", a déclaré Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, lors de son intervention, mercredi 27 mars, à la 10e rencontre des collectivités amies des enfants organisée par l'Unicef sur le thème "Combattre l'exclusion et la pauvreté des enfants : quel rôle pour les collectivités ?".
"Je suis impressionnée par l’énergie produite au niveau des collaborateurs, des parlementaires et des élus sur le terrain", a-t-elle également déclaré, "nous voyons, nous Etat, l'intérêt de nous inspirer de ce qu'il y a de plus audacieux et qui est mené sur le terrain". La ministre déléguée a bien conscience que "sans les collectivités territoriales, l’action de l’Etat (notamment dans le domaine de la lutte contre la pauvreté), resterait une action limitée, une action qui ne pourrait se déployer efficacement" (voir aussi notre encadré ci-dessous).

La proximité pour répondre à la complexité

Toute la journée en effet, des élus locaux se sont succédé pour présenter un projet "audacieux" mené dans leur commune, parfois dans leur intercommunalité, mais aussi à l'échelle d'un département. Car si le label "ville amie des enfants" a été lancé par l’Unicef France et l’Association des maires de France (AMF) en 2002, il s'est récemment ouvert aux départements, devenant à cette occasion "collectivités amies des enfants".
Deux départements ont été précurseurs, le Doubs et la Seine-et-Marne, rejoints officiellement ce 27 mars par deux nouveaux, les Hautes-Alpes et le Val-de-Marne. Quant aux villes, neuf de plus (*) s'apprêtent à poser le panneau "ville amie des enfants" à l'entrée de leur territoire, quelque part entre le panneau "ville fleurie" et "ville internet".
Au total donc, 235 collectivités sont aujourd'hui "amies des enfants", dont 231 communes et 4 départements, représentant 12,6 millions de personnes dont 2,04 millions d'enfants. Elles sont engagées, sous l’égide de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), à prendre des initiatives et à promouvoir des actions facilitant l’insertion des enfants et des jeunes dans la vie de la cité et encourageant leur ouverture sur le monde. Un comité de suivi favorise le partage d'expériences au niveau national.
"L'exclusion a mille visages, ce qui renforce la complexité des réponses", a dit Elisabeth Laithier, adjointe au maire de Nancy et présidente de la commission petite enfance à l'AMF. "Les communes ont toutes leur rôle de proximité à jouer. Car qui mieux qu'un maire et ses adjoints connaissent les situations très précises de leurs administrés ?"
"Préserver des territoires à taille humaine est peut-être une clé de réussite des politiques sociales", a renchéri Gilles Pérole, adjoint au maire délégué à l'enfance et à l'éducation d'une commune de 10.000 habitants, Mouans-Sartoux (06).

A Mouans-Sartoux, l'aide à la parentalité est bienveillante

Lorsque Gilles Pérole a appris que le docteur Corinne Roehrig, médecin de santé publique et thérapeute familiale, cherchait une ville pour expérimenter en France un programme international de soutien à la parentalité qui a fait ses preuves à l'étranger, il n'a pas hésité car l'approche lui plaisait. "On ne demande pas pourquoi les parents n'y arrivent pas avec leurs enfants, on leur donne des outils pour le 'comment faire'", explique Corinne Roehrig, "nous sommes dans la bienveillance et la bien-traitance par rapport aux familles". L'idée du programme SFP (Strenghtening Families Program, traduit en français par "Soutien aux familles et à la parentalité"), est de "valoriser les compétences parentales" : leur apprendre à gérer leur stress, à appliquer leur autorité avec bonne humeur, à exprimer clairement les consignes, à fixer les limites, à punir à bon escient… Sur les 13 familles engagées, une seule famille a décrochée et toutes les autres ont déclaré que le climat familial avait évolué. Et la vie sociale aussi puisque "j'ai le plaisir de retrouver ces familles dans le cadre de la concertation sur la réforme des rythmes scolaires", se félicite l'élu.

A Ivry, le petit déjeuner est servi à l'école

A deux exceptions près, les 29 écoles d'Ivry-sur-Seine (94) proposent un petit déjeuner aux enfants avant leur entrée en classe. Dans le cadre du centre de loisirs, qui accueille les enfants avant la classe, de 7h45 à 8h50, tous les enfants arrivant avant cette heure-là se voient proposer du lait ou du jus d'orange, un fruit, du fromage, du biscuit… "et même, selon la saison, du concombre ou des carottes", précise Patricia Bendiaf, adjointe au maire d'Ivry-sur-Seine, déléguée à la petite enfance et à l'enfance. La plupart des produits sont livrés par le Sirecso (syndicat intercommunal pour la restauration collective) et distribués par le personnel municipal qui s'occupe de la restauration scolaire le midi (et qui est déjà sur place puisqu'il assure également le ménage avant l'ouverture de l'établissement), ou par un animateur de centre de loisirs, parfois par un enseignant qui s'est prêté au jeu, et même par un des parents qui apprécie de "donner un coup de main" (des parents amènent également des produits, notamment des fruits). L'air de rien ("avec élégance", dira le consultant en santé public Francis Nock), Ivry-sur-Seine a su créer un temps de convivialité dans l'école en répondant initialement à une privation subie par les enfants qui arrivent à l'école "le ventre vide".

A Nice, un enfant dort la nuit dans son lit même quand sa maman travaille

La ville de Nice mène depuis 2008 une politique d'accueil du jeune enfant et des familles dites "vulnérables" (Françoise Monier, adjointe au maire de Nice déléguée à la petite enfance, n'aime pas parler des "pauvres") avec l'idée d' "apporter une réponse adaptée aux situations des familles, sans les stigmatiser". D'où une diversification des dispositifs : vivier de places réservées en priorité pour les enfants dont les parents sont en réinsertion sociale (en partenariat avec Pôle emploi) ; allocation municipale compensatrice (maximum 200 euros par mois) pour les familles contraintes d'embaucher une assistante maternelle parce qu'elles sont sur liste d'attente des crèches, garde des enfants au domicile familial lorsque le ou les parents (il s'agit souvent de famille monoparentale) sont des travailleurs pauvres avec des horaires nocturnes "ce qui permet à l'enfant de dormir chez lui, dans son lit", précise Françoise Monier…
"Les élus seuls ne peuvent rien faire", ajoute l'élue, "la réussite d'un grand nombre de projets, demain, dans un contexte budgétaire contraint, passera nécessairement par un travail main dans la main avec les associations".

A Besançon, des enfants polyhandicapés et valides apprennent le vivre ensemble au berceau

La crèche municipale du quartier des Clairs-Soleils, à Besançon, accueille six enfants polyhandicapés sur un total de 26 places, grâce à un partenariat de la ville avec l'Adapei (Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales), mais aussi un travail en équipe de professionnels venus de divers horizons : ville et crèche, mais aussi IME (Institut médico-éducatif), CAF, PMI (Protection maternelle et infantile). Un des gages de réussite du projet réside, selon Françoise Fellmann, adjointe au maire de Besançon, dans le caractère volontaire du personnel de la crèche à s'engager dans une telle démarche auprès d'enfants différents : "ce n'est pas une question de motivation, c'est la peur de ne pas savoir bien faire" qui, selon l'élue, peut freiner certains.
L'élue, qui est déléguée à l'éducation, la petite enfance et la famille, a un "rêve" : que ces enfants polyhandicapés, à leurs 6 ans, n'entrent pas nécessairement dans un IME mais intègrent une classe "comme les autres"…

A Lille, les enfants de 18 mois parlent "Bambin"

La ville de Lille a mis en place, dans cinq de ses crèches municipales, le programme "Parler Bambin" ou "l'art de converser avec les enfants de 18 à 36 mois pour les ouvrir au langage", sachant que "le langage est un des premiers apprentissages, qu'il se joue avant l'âge de 3 ans et que les retards sont préjudiciables pour après, sur son apprentissage scolaire", explique Lise Daleux, adjointe au maire déléguée à la famille, à la parentalité et à l'aménagement des temps. "Les professionnelles des crèches sont emballées car les résultats sont là : c'est un dispositif extrêmement gratifiant, pas coûteux du tout et très efficient", se félicite-t-elle.
Un dispositif qui fait partie du Plan éducatif local (PEL), et probablement du prochain PEDT (Plan éducatif territorialisé).

A Aubagne et à Petit-Couronne, on va chercher les enfants là où ils sont

La ville d'Aubagne a développé un programme d'actions culturelles et de loisirs en direction des publics "non captifs", dès le plus jeune âge, avec l'idée d'aller à la rencontre des familles et des enfants qui ne fréquentent pas les structures municipales et les lieux culturels ou de loisirs. Il propose notamment des activités de peinture, lecture et sports, dans la rue, au pied des immeubles, dans les parcs, à la sortie des écoles et dans les quartiers où habitent les jeunes.
A Petit-Couronne, des animateurs municipaux se rendent trois à quatre fois par an dans l'aire d'accueil des gens du voyage de la commune pour présenter aux enfants les activités municipales des centres de loisirs, les jeux divers, les sorties programmées à la piscine, à la patinoire et autres sorties éducatives de la ville. Un dispositif développé en lien avec l'association gestionnaire de l'aire d'accueil.

Valérie Liquet

(*) Boulogne Billancourt (92), Gentilly (94), Gravelines (59), Ivry-sur-Seine (94), Lèves (28), Oyonnax (01), Saint-Leu-la-Forêt (95), Sainte-Savine (10), Savigny-le-Temple (77)

"Nous veillerons à ce qu’aucun enfant ne soit privé du service de cantine scolaire"

La venue de Marie-Arlette Carlotti à la 10e rencontre des collectivités amies des enfants a été l'occasion d'annoncer que la prochaine loi de santé publique prévoira un plan spécifique sur la santé des enfants dans lequel "nous allons améliorer l’accès aux soins dentaires, ophtalmologiques et ORL pour les enfants les plus pauvres, notamment par le biais de la médecine scolaire". La médecine scolaire serait "par ailleurs renforcée pour assurer l’identification précoce des troubles du langage, des troubles sensoriels, ou de ceux liés au handicap". Et, comme "la santé des enfants passe aussi par une bonne alimentation", la ministre déléguée en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion a assuré que "nous veillerons à ce qu’aucun enfant ne soit privé du service de cantine scolaire. Pour cela, nous collaborerons avec les maires et impliquerons les responsables d’établissements dans le premier degré, et nous mobiliserons les fonds sociaux en faveur des enfants de familles démunies dans le second degré."
Marie-Arlette Carlotti a également annoncé que, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de Lutte contre la Pauvreté, une instance dédiée à l’enfance serait créée au sein du Commissariat général à la stratégie et à la prospective.

VL
 

 

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