Comité interministériel des villes : peu de mesures nouvelles, accent sur la prévention et la recherche d'"équilibre" pour les quartiers

A Montpellier ce 6 juin, présidant le comité interministériel des villes (CIV) entouré de huit ministres, d’élus locaux et de responsables associatifs, François Bayrou a réaffirmé la nécessité de veiller scrupuleusement à la bonne utilisation des moyens publics et de privilégier l’effet levier plutôt que la "subvention sèche". Parmi les quelque 40 mesures présentées, une majorité correspond à la poursuite de dynamiques jugées positives : les cités éducatives, l’ouverture de crèches, le programme Entrepreneuriat Quartiers 2030 ou encore le recrutement de nouveaux délégués à la cohésion police-population. Ce CIV a été centré sur l’enfance et la jeunesse (avec une attention particulière sur la santé mentale), mais également sur la tranquillité publique et le développement économique. 

"Tout ceci est pour nous un défi de survie de notre pays." Le Premier ministre s’est rendu à Montpellier ce 6 juin 2025 pour présider un Comité interministériel des villes (CIV). Le chef du gouvernement venait de visiter un nouveau groupe scolaire cherchant à favoriser la mixité ; il a ensuite inauguré un commissariat où polices nationale et municipale travaillent ensemble. En fin de journée, il a insisté sur la nécessité de rechercher "un nouvel équilibre", à travers davantage de mixité culturelle et sociale, citant l’évolution d’un quartier de Montpellier comme un exemple de ce que "la ville peut offrir comme chances nouvelles à des familles, des filles et des garçons qui en avaient peu".

François Bayrou était accompagné de huit membres de son gouvernement : Elisabeth Borne (Éducation nationale), François Rebsamen (Aménagement du territoire), François-Noël Buffet (Intérieur), Yannick Neuder (Santé), Amélie de Montchalin (Comptes publics), Véronique Louwagie (Commerce, Artisanat, PME et économie sociale et solidaire) et bien sûr Juliette Méadel (Ville) et Valérie Létard (Logement).

A l’issue de concertations conduites par Juliette Méadel, le gouvernement a choisi de se concentrer pour ce CIV sur trois grandes thématiques : l’enfance et la jeunesse, la tranquillité publique et le développement économique et l’insertion professionnelle. La rénovation urbaine n’a donc pas été abordée, le gouvernement indiquant que cette thématique sera largement couverte lors des Journées nationales de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) qui auront lieu les 11 et 12 juin 2025 en présence des deux ministres en charge de la Ville et du Logement. 

Le dernier CIV avait eu lieu à Chanteloup-les-Vignes en octobre 2023 (voir notre article). Le gouvernement fait valoir un bilan positif : un tiers des actions définies lors de ce CIV sont "réalisées" (dont "le lancement du concours d’architecte Quartier de demain qui se déploie dans 10 territoires" et "77 millions d’euros investis par l’Anru dans le programme Quartiers résilients"), 40% des mesures sont "en cours de déploiement" (démarrage du programme Entrepreneuriat Quartiers 2030 début 2024 ou encore sécurisation des financements aux associations par le recours plus systématique aux conventions pluriannuelles d’objectifs) et un tiers des actions "ont été retravaillées pour le CIV 2025". Cela signifie, selon le gouvernement, que certaines sont dotées d’échéances et d’objectifs plus précis et que d’autres ont été "recalibrées pour les rendre compatibles avec la trajectoire budgétaire". 

Dans un contexte budgétaire tendu, au sujet des récentes annulations de crédit concernant la politique de la ville à hauteur de 15 millions d’euros (voir notre article), une source gouvernementale indique que "les crédits votés au titre de 2025 seront exécutés et les actions présentées sont financées, finançables". "Le contexte est terriblement compliqué et chaque soutien apporté doit permettre un effet de déclenchement plus que de subvention sèche", a affirmé François Bayrou à l’issue du CIV. Au total, une quarantaine de mesures ont été présentées lors de ce CIV, dont plus de la moitié sont une confirmation d’actions déjà annoncées ou engagées. 

Enfance et jeunesse : l’accent sur la prévention 

Le gouvernement affirme vouloir "bâtir une grande alliance éducative pour l’émancipation et l’épanouissement des enfants et des jeunes". La ministre Juliette Méadel insiste sur l’importance de la prévention : "prévenir la souffrance, prévenir la déscolarisation, c’est aussi prévenir la délinquance" et "éviter que des jeunes ne soient happés par des réseaux, des réseaux de trafiquants de drogue ou de l’islamisme fondamentaliste, a-t-elle indiqué au micro de CNews, considérant qu’il s’agit de "suppléer à ce qu’il se passe dans les quartiers c’est-à-dire des enfants qui sont pour beaucoup livrés à eux-mêmes". 

En cette année de grande cause nationale autour de la santé mentale, le gouvernement annonce qu’un "accueil psychologique" sera mis en place dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) "pour les enfants et les adolescents présentant des signes de fragilité psychologique". Visant notamment à faciliter le recours au dispositif Mon soutien psy, cet accueil s’organisera "dans un premier temps grâce au renforcement de l’action des programmes de réussite éducative (PRE) dans la prévention, l’orientation et la prise en charge des problématiques de santé mentale" mais également "en lien avec les cités éducatives", est-il précisé dans le dossier de presse du CIV. 

Les autres mesures correspondent à la poursuite de mesures et dynamiques déjà connues :

  • La confirmation de l’objectif de généralisation des cités éducatives (déjà en bonne voie - voir notre article du 26 mai) et la labellisation de 40 nouvelles démarches en 2025, ce qui portera à 250 le nombre de cités éducatives au bénéfice de 600 quartiers. L’enjeu est également de consolider les projets et leur gouvernance locale, certaines communes bénéficiant toujours pour cela du soutien d’un fonds d’amorçage, précise le gouvernement. 

  • La poursuite du plan de création de 100 crèches d’ici à 2029, avec la mobilisation du fonds de co-investissement de l’Anru et le consortium Yci Enfance. L’objectif est de créer "plus de 3.000 places d’accueil, financées par les CAF, avec une tarification accessible et un reste à charge le plus attractif possible pour les collectivités". 

  • L’amplification de la scolarisation des enfants de deux ans pour "[réduire] les inégalités de développement du langage et [permettre] aux parents de concilier vies professionnelle et familiale", en doublant le nombre de classes de très petite section en QPV à la rentrée 2026 (on sait qu'une proposition de loi sur le sujet a récemment été déposée - voir notre article).

  • Des conventions de partenariat entre des lycées de QPV et des formations de l’enseignement supérieur (CPGE, universités, IUT, prépa talents, etc.), avec l’appui des Cordées de la réussite, visent à accompagner les élèves vers la réussite académique, l’entrée dans l’enseignement supérieur et des filières d’excellence. Des mesures sont destinées à favoriser l’accès des jeunes des QPV à la fonction publique : renforcement des effectifs de jeunes issus des QPV dans les classes prépa talents, développement de l’apprentissage, mobilisation de mentors auprès de lycéens, etc. 

  • L’alignement des taux d’encadrement des "écoles orphelines" sur celui de l’éducation prioritaire dans les 100 écoles en QPV les plus défavorisées (voir notre article sur la problématique de ces écoles orphelines).

  • Les dispositifs "Vacances apprenantes" et "Quartiers d’été", dont le budget n’est pas confirmé, devront en partie se concentrer sur l’apprentissage par les enfants accueillis du savoir nager et du savoir rouler à vélo et l’obtention des attestations correspondantes.

  • Le "maintien de la priorisation des projets en QPV du Plan 5.000 équipements - avec un objectif de 30% - afin de réduire les inégalités sociales et territoriales dans l’accès à la pratique sportive" (voir notre article sur le bilan de ce plan).

Tranquillité publique : lien police-population, entretien des parties communes et services publics 

Pour "assurer une vie décente et en sécurité dans les quartiers", le gouvernement met en avant plusieurs mesures : 

  • Le renforcement d’une forme de police de proximité, avec le doublement des délégués à la cohésion police-population d’ici 2028 pour les porter au nombre de 400. Il s’agit de "réservistes de la police nationale qui ont pour mission de renforcer ce lien à travers des actions concrètes à destination des habitants".

  • Une incitation à la mise en place d’un conseil intercommunal de sécurité et prévention de la délinquance (CISPD), "dès lors qu’un QPV se situe sur le territoire de plusieurs communes limitrophes", et au renforcement de la prise en compte des QPV dans les missions du coordonnateur de ces conseils locaux. Une annexe aux plans départementaux de prévention de la délinquance devra également être dédiée au recensement des actions réalisées en QPV. 

  • La mise en place de parcours de découverte des institutions à destination des jeunes de QPV, dans le cadre de partenariats locaux. Il s’agit d’une mesure commune avec la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance. 

  • La résolution de "l’ensemble des difficultés d’entretien des parties communes (encombrants, déchets, ascenseurs, boîtes aux lettres) en utilisant le levier de l’abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties" (TFPB). C’est le cheval de bataille de la ministre de la Ville, son "combat pour le bien collectif et les finances publiques". Depuis février dernier, les préfets s’attachent à suivre et contrôler scrupuleusement le respect par les bailleurs sociaux de leurs obligations (voir notre article). Pour une majorité des difficultés recensées, les bailleurs "ont relevé les manches et sont passés au vert", souligne une source gouvernementale. Une minorité de bailleurs seraient particulièrement suivis par les services de l’État et, parmi eux à ce stade, un seul pourrait se voir retirer le bénéfice de l’abattement si rien ne se passe. 

  • L’ouverture de 1.000 offres de stage en QPV pour les proposer aux futurs docteurs juniors (3.700 étudiants en 4e année d’internat de médecine générale à compter de l’automne 2026). 

  • La création de 40 nouveaux France services d’ici 2027. 

  • Le financement de cinq nouveaux projets de prise en compte du vieillissement de la population dans les QPV, dans le cadre de l’appel à projets porté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA, voir notre article). 

  • La prolongation de l’objectif de cibler 15% du Fonds vert sur les projets situés en QPV et la poursuite du programme Quartiers résilients, porté par l’Anru, avec une enveloppe de 9 millions d’euros. 

"Réussite économique" et diversification commerciale 

Le gouvernement entend accélérer "la réussite économique" dans les quartiers, soutenir en particulier l’entrepreneuriat des femmes et promouvoir la diversification des commerces présents dans les QPV (voir notre article du 28 mai). "On ne peut pas encourager la mixité sociale sans encourager la mixité commerciale", précise une source gouvernementale, se référant à des rues aux propositions "communautaires", voire "communautaristes" ou "séparatistes" et indiquant la "détermination" du gouvernement à s’opposer à ces "proposants funestes". Concrètement, cela passera par : 

  • La poursuite du programme Entrepreneuriat Quartiers 2030 piloté par BpiFrance (voir notre article) : 150 millions d’euros de micro-crédit via les prêts d’honneur quartiers et un fonds d’investissement de 60 millions d’euros dédié aux quartiers à partir de 2025. Ce dernier doit servir à financer des projets à fort impact social et environnemental. Les femmes entrepreneuses devront être particulièrement ciblés. 

  • Des incitations fiscales propres aux QPV à partir de 2026, "sur le modèle des ZFU-TE, en extinction", pour attirer de nouvelles entreprises dans des secteurs identifiés comme prioritaires. 

  • Un accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi (cible de 100.000 personnes), via le dispositif de France Travail Equip’emploi. Autre mesure : "ne pas laisser un QPV sans au moins un dispositif d’aller-vers pour améliorer l’insertion vers l’emploi" (association spécifiquement mandatée ou dispositifs France Travail). 

  • Le renforcement de l’apprentissage, avec une cible de 80.000 apprentis issus des QPV d’ici à 2027. 

  • La labellisation de cinq à 10 nouveaux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) en QPV – on ne sait pas si cette labellisation donnera accès à des crédits d’ingénierie. 

  • Le co-financement par la Caisse des Dépôts de 30 chefs de projets chargés de l’ingénierie des contrats de ville en matière d’investissement et de développement économique (voir aussi notre article du 7 mai sur la convention triennale Etat / Caisse des Dépôts en faveur des QPV).

 

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