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Disparition de Vanik Berberian : l'Agenda rural en héritage

Le père de l'Agenda rural et président de l'Association des maires ruraux de France jusqu'en 2020, s'est éteint mardi 9 mars. Avec un langage haut en couleur, Vanik Berberian n'a eu de cesse d'alerter sur le sentiment d'abandon de cette "France des oubliés", jusqu'à la crise des gilets jaunes qu'il a peut-être contribué à désamorcer. Florilège de ses prises de position.

"Vanik est parti." Le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) Michel Fournier a annoncé, mardi soir, la disparition de son prédécesseur Vanik Berberian, à l’âge de 65 ans. Maire de Gargilesse-Dampierre (Indre) depuis 1989, il avait passé 13 ans à la tête de l’association, de 2008 à 2020. Il avait su se faire une place aux côtés de l’Association des maires de France (AMF) et de sa commission ruralité, alertant depuis des années les plus hautes autorités sur le "sentiment d’abandon" d’une partie des Français. Dès 2009, il pestait dans les colonnes de Localtis contre le projet de taxe carbone (déjà) et les "normes ruralicides" qui corsettent les petites communes. Très tôt, il avait senti le vent de révolte monter dans le pays. Ce n’est donc pas un hasard si c’est lui qui avait soufflé au président de la République Emmanuel Macron, en janvier 2019, l’idée d’un Agenda rural pour sortir de la crise des gilets jaunes… dont le nouveau projet de taxe carbone avait été le déclencheur. A cette occasion, le patron des maires ruraux avait remis au président les doléances de cette "France des oubliés" récoltées dans les communes de moins de 3.500 habitants pendant un mois lors d’une opération baptisée "Mairies ouvertes". Les deux hommes s’étaient rencontrés à plusieurs reprises, notamment lors d'un échange organisé à Gargilesse-Dampierre devant 300 personnes dans le cadre du Grand Débat national. "Le Grand Débat national dont Vanik Berberian avait contribué à inventer les formes a permis de mettre les revendications de chacun sur la table, et d’y apporter des réponses concrètes", salue l’Elysée, aujourd’hui. "A un moment où il n’aurait dû se soucier que de sa santé, il consacra toutes ses forces à son pays." Vanik Berberian n’avait pas hésité en effet à soutenir l’initiative présidentielle, sans être entièrement dupe toutefois. Il ne voulait pas d’un énième "raccommodage". Reconnaissant, Emmanuel Macron lui avait remis les insignes de chevalier de la Légion d'honneur en novembre 2019. Le quinquennat avait pourtant assez mal commencé. Il avait fustigé "l’été meurtrier" de 2017, suite à une série de mesures défavorables aux territoires ruraux. En pleine crise des gilets jaunes, il avait même accusé l’exécutif de "jeter de l’huile sur le feu" en poursuivant les fermetures de services publics…

"Confrérie d’irréductibles Gaulois"

L’AMRF, "cette confrérie 'd’irréductibles Gaulois', comme il l’appelait", se souvient affectueusement l’Elysée. De Gaulois réfractaires ? En tout cas, lui s’évertuait depuis quelques années à montrer une image tout aussi combattante que positive de la ruralité ; il avait lui-même convoqué des "états généreux de la ruralité" en 2016 qui avaient déjà débouché  sur un cahier de doléances remis aux candidats à la présidentielle. Sorte de galop d’essai du Grand Débat.

Fils d'immigré arménien, il devint maire en 1989. Très affable, il avait son franc-parler et n’hésitait pas à houspiller l’appareil parisien, les "costumes-gris-dossiers-sous-le-bras-mocassins-à-pompons-qui-glissent-sur-la-moquette". "Ceux qui prétendent qu’il ne faut pas opposer l’urbain et le rural, généralement, ce sont des urbains", aimait-il observer avec malice. "Un urbain vaut deux ruraux", faisait aussi partie de ses formules favorites, lorsqu’il était question des dotations de l’Etat. Il était aussi un farouche adversaire de "l’intercommunalité forcée".

Dans les grandes transformations en cours, l’avenir s’écrira sans lui mais il laisse en héritage cet Agenda rural présenté par l'ancien Premier ministre Édouard Philippe en septembre 2019, lors du congrès de l’AMRF à Eppe-Sauvage, dans le Nord. Plus de la moitié des 180 mesures sont lancées et le plan de relance devrait lui donner un coup d’accélérateur avec de nouveaux crédits sur la couverture numérique et mobile - souvent, Vanik Berberian expliquait qu'il lui fallait sortir de sa mairie pour avoir un signal ! -, la relance des trains de nuit et des petites lignes ferroviaires, les projets alimentaires territoriaux, les Petites Villes de demain… Une mesure lui tenait à coeur : inscrire la notion d'espace dans la Constitution, une façon de dire que la démographie n'est pas tout, notamment dans le calcul des dotations. Une crise chassant l’autre, le désir de campagne n’a jamais été aussi prégnant. Peut-être est-ce un signe.

 

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