Encadrement des loyers : première étape franchie en vue de sa pérennisation

En votant la pérennisation et l’élargissement de l’encadrement des loyers jeudi 11 décembre, les députés ont ravivé le débat sur les moyens de contenir la crise du logement. Entre inquiétudes sur l’offre locative, forte adhésion de l’opinion et opposition du gouvernement, le texte avance dans un climat politique sous tension.

L'Assemblée nationale a franchi une étape décisive jeudi 11 décembre en adoptant, en première lecture, une proposition de loi visant à inscrire durablement l'encadrement des loyers dans le droit français. Le texte, porté par le député socialiste Iñaki Echaniz, cherche non seulement à éviter la disparition du dispositif, dont l'expérimentation dans 72 collectivités arrive à échéance en novembre 2026, mais aussi à en étendre considérablement la portée.

Le vote s'est soldé par 105 voix pour et 56 contre, soutenu principalement par l’unité de la gauche, face à une faible mobilisation du camp gouvernemental et de l'extrême droite, opposés à la mesure.

Un dispositif ambitieux pour les zones sous tension

Examinée dans le cadre d'une niche parlementaire PS, la proposition de loi entend donner plus de latitude aux collectivités. Elle prévoit de permettre à toutes les communes classées en zone tendue, ainsi qu'aux municipalités limitrophes se situant dans la même intercommunalité, de mettre en place l'encadrement des loyers.

Au-delà de l'élargissement géographique, le texte vise à réguler plus strictement les pratiques abusives. Il instaure notamment un plafonnement du complément de loyer, qui ne pourra excéder 20% du loyer maximal de référence. De surcroît, le dispositif prévoit de doubler les sanctions à l'encontre des propriétaires récalcitrants qui ne respecteraient pas ces nouvelles règles. Pour Iñaki Echaniz, "garantir un loyer abordable renforce la possibilité pour chacun de s'émanciper", un objectif jugé d'autant plus pertinent que les élus locaux sont considérés comme les mieux placés pour estimer les besoins sur leur territoire.

Un calendrier jugé prématuré par le Gouvernement

L'adoption de cette loi est intervenue malgré la vive opposition du gouvernement, qui réclame davantage de temps pour évaluer l'efficacité réelle du dispositif. Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du Logement, a regretté un "calendrier quelque peu prématuré", arguant que le bilan complet de l'expérimentation en cours n'a pas encore pu être réalisé.

Le gouvernement attend en effet les conclusions d'une mission d'évaluation confiée en avril dernier à deux économistes, Gabrielle Fack et Guillaume Chapelle (voir notre article). Ce rapport ne devrait pas être prêt avant le printemps. Le ministre a insisté sur l'"impérative nécessité" de cette évaluation pour détailler l'effet de l'encadrement des loyers sur l'offre de logements disponibles. Une position soutenue par la Droite républicaine.

Cependant, les promoteurs de la loi — qui ont mené une mission parlementaire sur le sujet — ont affirmé dans leur rapport de septembre que le mécanisme fonctionnait (lire notre article). Face à la lenteur du processus parlementaire, Iñaki Echaniz a souligné qu'il était nécessaire de prendre de l’avance pour que la loi puisse être promulguée avant la fin de l'expérimentation en 2026.

L’impact sur l'offre locative au cœur des tensions

Le principal point de friction réside dans l’effet supposé de l’encadrement sur le marché locatif. Les fédérations de propriétaires et de professionnels de l'immobilier expriment leur opposition, craignant que la mesure ne pénalise les propriétaires et réduise encore davantage l'offre disponible. Des députés comme Philippe Lottiaux (RN) ont dénoncé une mesure "contreproductive" qui risque d'ajouter "un clou au cercueil" du logement.

Toutefois, les défenseurs du texte estiment que cette crainte n'est pas fondée. Des députés, à l'instar de Boris Tavernier (Ecologiste et social), ont fait valoir que la baisse de l'offre locative est un phénomène généralisé, y compris dans les communes n'appliquant pas l'encadrement des loyers.

Ce dispositif bénéficie par ailleurs d’un large soutien populaire. Selon un sondage Ipsos pour la Fondation pour le logement des défavorisés, 87% des Français se disent favorables à l'encadrement des loyers, un soutien qui atteint 85% parmi les propriétaires interrogés.

Après son adoption à l'Assemblée, le texte devra maintenant être examiné par le Sénat. Les socialistes ont assuré défendre un texte d'équilibre, conscients qu’"un texte maximaliste n'aurait aucune chance d'être voté". 

 

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