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Formation professionnelle : Muriel Pénicaud veut aller plus loin que l'accord des partenaires sociaux

Les partenaires sociaux ont finalisé le projet d'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle et l'alternance le 22 février 2018. Mais la ministre du Travail a aussitôt annoncé vouloir aller plus loin, appelant à un réel "big-bang" qu'elle dévoilera le 27 février.

Ça y est. Le projet d'accord sur la formation professionnelle a été bouclé le 22 février 2018. Les partenaires sociaux, réunis au Medef, se sont ainsi entendus sur les principales dispositions du futur projet de loi, qui devrait arriver en avril. Ils doivent chacun réunir leurs instances pour avaliser ou non l'accord. Les retours sont plutôt positifs. Les uns, comme la CFDT, saluant la volonté des négociateurs de rendre le système plus efficace, avec un meilleur équilibre des financements, les autres, comme le Medef mettant en avant la révolution opérée sur le système d'alternance avec un pilotage par les branches professionnelles.
Il s'agit en effet d'un des points principaux du projet d'accord : "La gouvernance et le financement de l'alternance sont confiés aux partenaires sociaux à travers leurs branches professionnelles et au niveau interprofessionnel, au Copanef", signale ainsi le texte, ce qui était redouté par les régions. Objectif : rendre le dispositif plus souple, plus lisible, plus réactif par rapport aux demandes et besoins des entreprises. Le financement des centres de formation d'apprentis (CFA) se fera bien au contrat, ou "paiement au contrat", c'est-à-dire selon les effectifs d'apprentis dont ils disposent. Une contribution d'alternance unique sera créée, pour remplacer l'actuelle taxe d'apprentissage (0,68% de la masse salariale) et la cotisation formation au titre de la professionnalisation (entre 0,15 et 0,40% selon la taille de l'entreprise). Elle s'établira entre 0,68% et 0,90% selon la taille de l'entreprise.

Un renforcement du compte personnel de formation

Parmi les autres dispositions du projet d'accord : le renforcement du compte personnel de formation (CPF), qui a été créé en 2013. Les salariés vont pouvoir cumuler 35 heures par an sur le compte, dans la limite d'un plafond de 400 heures, contre 24 heures prévues initialement. Pour les salariés qui n'ont pas de niveau de formation sanctionné par un diplôme niveau V (CAP ou BEP), l'alimentation du compte est de 55 heures par an, au lieu de 48 heures, jusqu'à 550 heures maximum (contre 400). Le projet supprime le système de listes recensant les formations éligibles au compte. Le congé individuel de formation (CIF), destiné à financer des formations longues, dans le cadre de reconversions, est aussi supprimé, au profit d'un dispositif similaire intégré au CPF.
Le CPF sera financé par une cotisation de 0,275% des entreprises de 11 à 49 salariés et de 0,40% pour les entreprises de 50 salariés et plus, dont 1% sera consacré au dispositif qui remplacera le CIF.

Une évolution du conseil en évolution professionnelle

Autre changement : une évolution du conseil en évolution professionnelle (CEP). Créé en 2014 pour accompagner les actifs dans leur transition professionnelle, il reste méconnu. Le projet d'accord lui consacre un financement spécifique, à hauteur de 244 millions d'euros. L'accompagnement est gratuit, sauf dans le cas, pour les salariés, où il débouche sur un bilan de compétences ou un accompagnement à la validation des acquis de l'expérience notamment. Dans ce cas, il peut être financé avec les heures du CPF. Les prestations restent totalement gratuites pour les demandeurs d'emploi.
Des appels à candidatures permettront de sélectionner les opérateurs qui se chargeront du CEP, parmi ceux qui sont habilités. A l'heure actuelle, cinq opérateurs sont habilités d'office (Pôle emploi, Apec, missions locales, Opacif et CAP emploi), mais ils devront aussi suivre cette procédure.
Pour le financement de la formation professionnelle et de l'alternance, une taxe de 1,23% de la masse salariale pour les entreprises de 1 à 10 salariés et de 1,68% pour celles de 11 salariés et plus est prévue, soit l'équivalent de ce que paient ces entreprises actuellement. 0,30% de la masse salariale est dédié à la formation des demandeurs d'emploi, ce que réclamait le gouvernement. Une contribution qui devrait diminuer en fonction de la baisse du nombre de chômeurs.
Le projet d'accord prévoit enfin de mettre en place une base de données sur les besoins en compétences actuels et futurs des entreprises.

Un effet boomerang pour le big-bang souhaité par la ministre ?

Si les partenaires sociaux se disent plutôt satisfaits du texte auquel ils ont abouti, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, est plus critique. Lors d'un entretien à CNews le 22 février sur l'issue des négociations, elle a salué un vrai progrès pour les droits à la formation des salariés mais a aussi regretté que l'accord ne traite pas la complexité du système, qui comprend beaucoup d'organismes, de modes de gestion et d'enveloppes différents. Elle a précisé qu'elle annoncerait le 27 février le volet formation professionnelle du projet de loi que le gouvernement présentera au printemps, parlant d'un "big bang dont le pays a besoin". Des propos qui ont largement refroidi les négociateurs le jour-même du bouclage du projet d'accord, ces derniers estimant que, hormis pour l'apprentissage, la feuille de route du ministère ne prévoyait pas ce fameux big bang… De son côté, Force ouvrière a mis en garde la ministre dans un communiqué diffusé le 23 février sur un éventuel "effet boomerang" que pourrait avoir tout "big-bang".
En marge d'un déplacement sur l'Erasmus des apprentis, le 23 février, Muriel Pénicaud a bien rappelé que si le rôle des partenaires sociaux est de négocier, il revient au gouvernement et au Parlement de faire la loi, jugeant important de respecter les textes des partenaires sociaux, mais encore "plus important de transformer les dispositifs pour qu'à la fin on ait moins de chômeurs, moins de gens précaires et des entreprises plus compétitives".

 

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