La fédération des Scot davantage préoccupée par les conséquences du changement climatique que par la mise en œuvre du ZAN
Désireuse d'en finir avec le dossier du ZAN et "son instabilité législative qui déstabilise", la fédération des Scot a placé ses 19es rencontres nationales, réunies ces 19 et 20 juin à Arcachon, sous le signe de "l'adaptation du développement aux capacités des territoires". Elle met en exergue les pressions que font peser les conséquences du changement climatique sur ces dernières – notamment sur la ressource en eau –, qui elles aussi nécessitent "d'aménager autrement", voire de ne plus aménager du tout.

© Cédric Haxaire-Accorsi et @SebOlharan
Pour la Fédération des Scot, le ZAN n'est plus un sujet. Ou, du moins, il ne devrait plus l'être. "Les documents régionaux ont été pour une très grande majorité votés", explique sa directrice générale Stella Gass, en égrenant "les Hauts-de-France, la Normandie, l'Île-de-France, la Bretagne, la Nouvelle-Aquitaine, Paca, l'Occitanie et la Bourgogne – Franche-Comté". "Tous ces documents sont opposables et au titre de la hiérarchie des normes, les Scot doivent être compatibles avec ces Sraddet qui ont intégré les objectifs de la loi Climat", rappelle-t-elle.
Plus encore, elle souligne qu'aux termes du sondage que la fédération a conduit en avril dernier (lire l'encadré de notre article du 22 mai dernier), 69,2% des structures porteuses de Scot ayant répondu (303 sur 447) ont déjà intégré, ou sont en train de le faire, la trajectoire de sobriété foncière prévue par la loi. Et de rappeler que "même si les documents régionaux venaient à être assouplis, rien n'obligera les élus locaux à revoir leur copie. Ils ont tout à fait le droit d'être plus ambitieux". Ce qui serait, selon elle, d'ailleurs "le cas de beaucoup de Scot". "Les élus ont beaucoup travaillé. Ils se sont posés de vraies questions de réorganisation de leur aménagement", salue-t-elle.
Crier avant d'avoir mal ?
À tel point que les craintes exprimées par la fédération, lors de l'examen de la loi Climat, sur les répercussions de cette dernière sur le logement – et le rejet alors avancé de l'hyperdensification (lire notre article du 30 juin 2021) – ne sont plus de mise. "Majoritairement, sur l'ensemble du territoire, la problématique du logement pourra être résolue. La seule question qu'on peut encore se poser concerne plutôt le développement économique, où l'on risque peut-être de manquer de superficie puisque l'on assiste aujourd'hui à une réindustrialisation du pays qui marche plutôt bien", estime le président de la fédération, Michel Heinrich - à rebours d'autres analyses (lire notre article du 23 septembre dernier).
Mais de noter que "pour l'heure, on a encore de quoi faire ! Ce serait plutôt dans les années 2030-2050 qu'il faudra peut-être rectifier un peu le tir", tout en invitant d'ores et déjà à "prendre du recul, parce que l'on va aussi avoir une rétraction du commerce physique". Il observe ainsi que l'augmentation de la vacance dans les zones commerciales constitue "une belle opportunité de récupérer des surfaces déjà artificialisées". À la condition, prévient-il, "de ne pas reconstruire une deuxième centralité qui viendrait en concurrence avec le centre-ville des villes moyennes qui, après avoir été victime d'une péri-urbanisation un peu anarchique et débridée, est aujourd'hui en pleine reconquête, notamment grâce à des opérations Action cœur de ville qui, globalement, marchent bien". Au passage, il juge qu'il faut "essayer de faire sortir des zones d'activité tout ce qui est tertiaire – cabinets médicaux, expertise-comptable, cabinet d'avocats… –, que l'on voit s'installer dans les zones périphériques". Peut-être conviendra-t-il aussi de s'interroger sur les raisons de ces implantations.
De la sta-bi-li-té !
Bref, pour lui, pas question "de se précipiter". "Il faut laisser se dérouler les choses et arrêter de légiférer", exhorte-t-il. De manière générale, l'élu réclame de nouveau "une certaine stabilité législative afin que l'on puisse travailler sur la période 2021-2031. Il sera toujours temps d'apporter des corrections au bout de 10 ou 15 ans". Non sans dénoncer au détour "des législateurs qui partent un peu dans tous les sens" et "des changements de cap perpétuels".
Pour le coup, ce discours ne change pas. Déjà, lors de l'examen de la loi Climat, Michel Heinrich dénonçait l'usage de la loi (lire notre article du 21 mai 2021) – même si la fédération reconnaît aujourd'hui que cette dernière aura contribué à un "changement de logiciel". L'élu dénonce ainsi vivement la proposition de loi sénatoriale dite Trace (lire notre article du 19 mars) "qui déstabilise", en observant qu'"on estime à plus de 60 millions d'euros les investissements du bloc local pour se mettre en conformité avec la loi Climat. On ne peut pas les remettre en cause tous les 15 jours, c'est intenable !".
En revanche, la proposition de loi Le Feur / Pélichy (lire notre article du 22 mai) trouve grâce à ses yeux. "Elle nous paraît beaucoup plus réaliste. Elle traite de vraies problématiques", argue-t-il. Notamment en ce qu'elle propose "une adaptation de la fiscalité à la sobriété foncière", un cheval de bataille de l'élu (et de la fédération – lire notre entretien du 18 octobre 2022) qui n'a de cesse de dénoncer "une fiscalité qui récompense la consommation foncière, le neuf, l'extension urbaine…".
Les effets du changement climatique, voilà l'ennemi !
Pour Michel Heinrich, l'heure est donc moins que jamais à remettre le ZAN sur l'ouvrage, l'urgence commandant plutôt de "s'interroger sur la façon d'adapter nos territoires à l'accélération des séquences de catastrophes naturelles très fortes, sur la prévention et, en corolaire, sur l'assurabilité" des risques que ces événements engendrent.
Un enjeu qui constituait le thème des 19e rencontres nationales de la fédération, tenues ces 19 et 20 juin à Arcachon, territoire en première ligne du changement climatique. On pense évidemment au phénomène d'érosion côtière – l'emblématique immeuble Le Signal est à moins de 100 km à vol d'oiseau –, aux submersions marines et inondations (et débordements de réseaux) ou encore aux terribles incendies de 2022.
Autant d'éléments qui, ici comme ailleurs, appellent là encore à "changer le logiciel" de l'aménagement. "Il ne s'agit pas de remettre en cause ce qui a été fait auparavant", avertit Michel Heinrich, en justifiant "qu'au moment où l'aménagement [défaillant] a été fait, les conditions étaient toutes différentes". Mais bien "de modifier les manière de faire". Évoquant l'expérience du maire de Breil-sur-Roya, "confronté à la tempête Alex", il met en lumière la nécessité de se garder "du réflexe de reconstruire à l'identique", voire de ne plus construire du tout. Et d'évoquer ici "le repli stratégique" (reconstruire ailleurs), et même le "renoncement" (ne plus construire), un "concept assez nouveau".
Sobriété urbanistique, une révolution… culturelle ?
Nouveau mais qui semble promis à un bel avenir, à l'heure où, relève Stella Gass, la notion d'habitabilité du territoire commence à prendre le pas sur celle de leur attractivité et de leur développement dans l'élaboration des documents d'aménagement. Et de mettre en exergue "le courage des élus du bassin d'Arcachon" qui ont ainsi "mis en place des mécanismes pour réguler l'arrivée de la population et diviser par deux l'attractivité de leur territoire".
Le constat vaut sans doute pour les "territoires dynamiques" – en particulier le littoral. Sans doute moins ailleurs, où certaines communes comptent notamment sur la "garantie rurale" – guère en cour auprès de la fédération des Scot – pour garder l'espoir d'un développement. Évoquant le cas du maire de Fayence, dans le Var, qui "a refusé d'accorder des permis de construire parce qu'il s'est rendu compte qu'il n'aurait pas la capacité de desservir [en eau] les pétitionnaires", la directrice aborde d'ailleurs la question "d'un équilibrage national de la population".
"Il n'est pas exclu – il est même certain – que dans un futur relativement proche, on n'aura plus la liberté de pouvoir s'installer où l'on veut", renchérit Michel Heinrich. Reste à savoir si les "jeunes instruits" citadins accepteront de bon cœur cet exode urbain, dont l'esquisse post-covid semble surtout profiter aux territoires… déjà attractifs (lire notre article du 21 février 2022).
L'eau, l'air, la vie !
Pour Marie Larrue, maire de Lanton et présidente de la structure qui porte le Scot du bassin d'Arcachon, nécessité fera loi. "On s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas continuer à voir la population augmenter", explique-t-elle, invoquant à son tour les tensions "sur l'environnement, sur l'eau et sur les capacités d'assainissement".
Plus que les catastrophes naturelles précédemment évoquées, c'est le manque de ressources naturelles – "On a pris conscience qu'elles n'étaient pas inépuisables", déclare Michel Heinrich – qui préoccupe. Et tout particulièrement la ressource en eau. "L'enjeu majeur. Certainement celui qui mobilisera principalement les élus dans les années à venir", prédit l'élu, argument à l'appui : "Si l'on devrait avoir sensiblement la même quantité de précipitations à l'avenir, ces dernières devraient être moins bien réparties sur l'année. Et avec la fonte des glaciers, on sera sans possibilité de stockage de l'eau si l'on ne fait appel qu'à la nature. Il faudra donc envisager des aménagements qui permettront de réguler les cours d'eau et d'assurer l'alimentation du territoire", préconise-t-il. S'adapter aux contraintes de la nature, sans renoncer pour autant à la modeler, en somme.
La Fédération des Scot va accompagner 30 Scot dans la reconquête de la biodiversité30 Scot volontaires vont bénéficier d'un accompagnement de la fédération pour les aider à mettre en œuvre une politique de reconquête de la biodiversité sur leur territoire, dans le cadre du projet Life Biodiv'France. Outre des ateliers de travail organisés par la fédération pour "favoriser leur montée en compétence" sur le sujet, ils recevront un appui en ingénierie des partenaires de la démarche (Fédération des parcs naturels régionaux, Office français de la biodiversité, etc.) et d'un bureau d'études recruté par la fédération. Ils suivront trois parcours thématiques distincts : "Définir et mettre en œuvre sa stratégie écologique territoriale" ; "L'approche par les sols de la stratégie territoriale" et "Identifier les zones préférentielles de renaturation". Un nouvel appel à manifestation d'intérêt sera lancé d'ici à la fin 2026 afin d'accompagner 30 nouveaux territoires. |