L'aménagement du territoire remis au milieu du village ?

Attendu depuis un an, le plan France ruralités est sur les rails. Même si une de ses composantes - la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) - se fait encore attendre. Ce sera l'un des enjeux de ce second semestre 2023. Quant à savoir si ce plan marque un retour de l'aménagement du territoire, rien n'est moins sûr.

Les maires ruraux vont devoir arpenter les 21 lacets de la montée de l'Alpe d'Huez pour assister à leur congrès annuel, du 29 septembre au 1er octobre, sur le thème "Les villages de l'avenir". Ils n'ont pas fait moins preuve d'endurance pour attendre le plan France ruralités qui sera l'un des vedettes de cette rencontre. À l'issue d'un cycle électoral marqué par un vote massif des campagnes pour le Rassemblement national, la Première ministre avait annoncé, lors de son discours de politique générale du 6 juillet 2022 placé sous le sceau de "l'égalité des chances", une suite de l'Agenda rural, lancé par Édouard Philippe en 2019. Il s'était agi alors de trouver une issue à la crise des gilets jaunes.

Presque un an plus tard, le 15 juin, à Saulgé (Vienne), Élisabeth Borne en a dévoilé le contenu, après des mois de travail sous l'égide de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure.

Malheureusement, l'attente d'une véritable stratégie n'a été qu'imparfaitement satisfaite. Le gouvernement évoque une "boîte à outils" et pour les intéressés, on en reste encore trop au stade du catalogue de mesures, principal grief formulé à l'encontre de l'Agenda rural, sous un format certes plus resserré.

Un "premier pas"

Bruno Faure, président du département du Cantal et de la commission Politiques territoriales et Ruralité de l'association Départements de France, avait ainsi regretté "qu’une politique volontariste d’aménagement du territoire n’ait pas été proposée afin de répondre aux difficultés profondes des territoires ruraux".

Même Michel Fournier, le président de l'AMRF, considère que ce plan constitue un "premier pas", bien qu'il comporte d'importantes avancées. Lui qui a milité pour un programme Villages d'avenir, dans la continuité de ce qui a été fait pour les villes moyennes et petites avec Action cœur de ville et Petites Villes de demain, ne boude pas son plaisir de voir son idée reprise. Ce nouveau programme d'ingénierie sera porté par l'ANCT.

Autre motif de satisfaction : la reconnaissance des bienfaits de la ruralité pour le reste de la société (les "aménités") avec le passage de 40 à 100 millions d'euros de la dotation Biodiversité.

Mais pour le moment, le plan est en attente de la réforme des zones de revitalisation rurale créées par la loi du 4 février 1995 relative à l’aménagement et au développement des territoires. Il y a urgence puisque le dispositif doit s'éteindre à la fin de l'année. Fin mai, les sénateurs ont fourbi deux propositions de loi à quelques mois des sénatoriales. On attend les arbitrages gouvernementaux sur fond de refroidissement de la dépense publique. L'autre sujet de débat tient à l'échelle retenue pour le classement. Alors que la plupart des travaux récents plaident pour un maillage communal, le gouvernement préféreraient le maintien du maillage intercommunal, tout en y introduisant de la souplesse.

Garantie rurale

La mise en œuvre du ZAN (zéro artificialisation nette) était, avec la réforme des ZRR, l'un des principaux sujets d'inquiétude des maires ruraux ces derniers mois, dénonçant un risque de "mise sous cloche". Avec la "garantie rurale" proposée par le sénateur Jean-Baptiste Blanc (soit une capacité de développement d'1 hectare pour chaque commune d'ici à 2031) et retenue dans le texte définitivement adopté le 13 juillet, ils ont obtenu un "filet de sécurité". Mais les maires de petites villes restent vigilants et déplorent "le caractère peu incitatif de la garantie rurale et l’absence de prise en compte des besoins d’aménagement que requièrent les fonctions de centralité des petites villes". Cette garantie rurale est cependant loin de faire l'unanimité. Dénonçant des "confettis jetés au hasard", le président de la Fédération nationale des Scot y voit rien moins que "la mort de l'aménagement du territoire".

Ce qui ne veut pas dire que les maires ruraux sont indifférents à la sobriété ou à la transition écologique, autre thème qui sera au cœur du congrès de l'Alpe d'Huez, alors que les collectivités vont devoir investir massivement pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation d'énergie. Cette transition écologique dont le ministre Christophe Béchu veut asseoir la territorialisation à partir de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Face à des sources de financement éclatées, ce pourrait être l'occasion de réhabiliter les contrats de relance et de transition écologique (CRTE).

Malgré le succès du déploiement des maisons France services qui devraient connaître un nouvel élan après la remise du rapport Delcros, malgré un regain d'attractivité qui semble se confirmer au fil des études, le sentiment d'abandon reste vif dans les territoires ruraux. La revitalisation des petites villes rurales apparaît comme un édifice fragile. Et l'extension du programme des Territoires d'industrie aux métropoles n'est pas vue d'un très bon oeil. Que l'on regarde la transition écologique et énergétique, les transports, la santé, l'école, il est partout question de "murs d'investissements". Pour le Parlement rural, la ruralité aurait bien mérité un projet de loi ambitieux.

 

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