Le gouvernement annonce la poursuite de France ruralités "à moyens constants"

Le Premier ministre était dans les Vosges, ce vendredi 20 juin, pour présider avec sept de ses ministres un comité interministériel aux ruralités (CIR). L'occasion de dresser le bilan du plan France ruralités lancé en 2023, qui arrive à mi-parcours, et "d'amplifier" les mesures les plus prometteuses. Le tout "à moyens constants", situation budgétaire oblige.

A quelques mois des élections municipales, le gouvernement était en force ce vendredi 20 juin à Mirecourt dans les Vosges sur le thème de la ruralité. Le Premier ministre François Bayrou y a réuni, dans l’enceinte du lycée agricole, un comité interministériel aux ruralités (ce n’était pas arrivé depuis 2021), entouré de sept de ses ministres. L’occasion de dresser un bilan du plan France ruralités qui, lancé en 2023 par Elisabeth Borne, arrive à mi-parcours. Et "d’amplifier" les mesures les plus prometteuses dans une période de disette budgétaire. "Nous savons sélectionner les priorités. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’adaptation", a concédé le chef du gouvernement lors d’une conférence de presse, sans plus de précisions sur les financements. "Il n’est plus temps d’injecter de l’argent nouveau sur des dispositifs dont on n’a pas l’assurance qu’ils fonctionnent", expliquait la veille son entourage. Il s’agit au contraire, "à moyens constants, de cibler et faire perdurer tous les dispositifs qui fonctionnent".

Pour Michel Fournier, le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et maire de Les Voivres (Vosges), qui faisait partie des élus présents, "il ne fallait pas s’attendre à autre chose". "C’est un éclairage sur le rural qui a été fait." Au moins a-t-il eu la confirmation de la poursuite du programme Villages d’avenir qu’il avait lui-même porté il y a deux ans et qui constitue l’une des mesures phares de ce plan France ruralités. C’est en effet ce qu’a assuré François Bayrou, une semaine tout juste après avoir annoncé la prolongation du programme Petites villes de demain (qui concerne, lui, les villes de moins de 20.000 habitants). A eux deux, ces programmes totalisent 4.500 communes, a-t-il indiqué. Selon le gouvernement, la deuxième vague de labellisation lancée cet hiver pour les Villages d‘avenir a porté à 2.965 le nombre de communes accompagnées avec 120 chefs de projet dédiés, sous l’autorité des préfets. Soit près de 500 communes de plus depuis son lancement. En un an, quelque 4.688 projets ont ainsi été soutenus : réhabilitation du bâti, habitat, aménagement d’espaces publics, réhabilitation du commerce, accompagnement dans les grandes transitions (écologique, démographique…). Et la ministre déléguée chargée de la ruralité Françoise Gatel devrait prochainement annoncer une nouvelle vague de labellisation. Mais on ne sait pas ce qu’il en sera après 2027.

"Pas de plan grandiloquent"

Le plan France ruralités reposait par ailleurs sur 32 solutions innovantes en matière d’accès aux services. Le bilan est "plus que positif, avec 30 mesures, soit près de 94%, qui sont d’ores et déjà réalisées ou en cours de réalisation", se félicite le gouvernement dans une communication présentée en conseil des ministres, jeudi.

François Bayrou a par ailleurs salué le "grand succès" des quelque 2.800 maisons France services déployées sur les territoires, dont 26 dans le département des Vosges. D’ici 2030, le réseau en comptera "au moins 200 de plus", a-t-il promis. Il s’est aussi félicité du déploiement de la fibre dans toutes les communes rurales, "afin de supprimer la fracture numérique". "C’est 92% du territoire qui est désormais couvert." En matière de santé, il s’agit avant de tout de mettre en œuvre "dès la rentrée" le plan contre les déserts médicaux lancé fin avril dans le Cantal (voir notre article du 25 avril). "Dans les jours qui viennent" sera présentée la carte des zones blanches, élaborée entre les agences régionales de santé et les élus. Les médecins des zones surdotées devront y effectuer une permanence d’un jour ou deux par mois. Le gouvernement mise aussi sur le déploiement de médicobus (seulement 11 sur les 100 bus promis pour fin 2024 sont en circulation), les stages délocalisés de médecins juniors ou les équipes mobiles en santé mentale. "Pas de plan grandiloquent mais des actions concrètes et immédiates", a assumé le Premier ministre, alors que les besoins sont criants. D’ailleurs le maire de Mirecourt, Yves Séjourné, devait aborder avec lui la situation financière de son hôpital. "On part de rien, donc c’est quand même une avancée : quand on a rien, le minimum de réponse est déjà appréciable", soupire Michel Fournier. A noter que des députés Liot viennent de déposer une proposition de loi visant à lutter contre la mortalité infantile, dans laquelle ils demandent un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternités, "afin de permettre une évaluation fine et territorialisée des établissements menacés". Selon eux, en cinquante ans, les trois quarts des maternités ont fermé, et près de 900.000 femmes résident à plus de 30 minutes d’une maternité…

Un protocole sur la carte scolaire

L’autre sujet sensible est celui de l’éducation et des fermetures de classes. Le plan France ruralités prévoyait l’expérimentation des Territoires éducatifs ruraux et la mise en place d’observatoires des dynamiques rurales pour avoir une vision à trois ans sur l’évolution de la carte scolaire, grâce à un dialogue entre  le directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen), le préfet et les maires.  Mais "il y a des départements où cela ne marche pas", avait reconnu Françoise Gatel, au mois d’avril, devant le Sénat, à la suite des alertes lancées par l’Association des maires de France (AMF) et l’AMRF (voir nos articles du 14 février et du 18 février). Depuis, les deux associations ont signé une convention avec l’Education nationale (voir notre article du 6 mai). "Il faut établir un protocole pour que les gens se causent", constate amèrement Michel Fournier, après avoir signé le document lors du CIR.

En matière de transports, le gouvernement compte sur le nouveau "versement mobilité régionale et rurale", créé par la loi de finances pour 2025 au profit des régions. Une quote-part de 10% sera affectée aux autorités organisatrices de mobilité (AOM) rurales. Sauf que plusieurs régions ont annoncé qu’elles ne le mettraient pas en place pour ne pas pénaliser leurs entreprises.

Pour ce qui est de l’habitat, il est prévu d'adapter les dispositifs d’Opah de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). "Si les Opah se sont fortement développées ces deux dernières années, notamment grâce aux Petites villes de demain, les Opah de revitalisation rurale "fonctionnent moins bien", explique une source gouvernementale. Il sera aussi question de travailler sur les "biens sans maître", en donnant aux élus plus de capacité d’agir, précise la même source. 

La dotation aménités rurales ne profite "qu’à une partie des territoires"

Enfin, François Bayrou a mis l’accent sur le commerce et l’activité économique. Le fonds pour le commerce rural a ainsi permis de soutenir 604 projets avec une enveloppe de 14 millions d'euros. Voilà de quoi, selon le Premier ministre, apporter une "réponse complète, globale". Le soutien au commerce et à l’entrepreneuriat en ruralité font d'ailleurs partie du protocole de partenariat signé ce vendredi entre François Bayrou et Antoine Saintoyant, le directeur de la Banque des Territoires - un partenariat qui concerne également le logement, la valorisation des ressources naturelles ou agricoles et les services de proximité (Localtis y reveiendra dans sa prochaine édition).

Pour Michel Fournier ces annonces ont au moins permis de "sanctuariser certaines choses". Alors que la mise en place de la dotation "aménités rurales" est passée de 40 à  100 millions d’euros en 2024, puis à 110 millions d’euros en 2025, le président de l'AMRF a continué de plaider pour prendre en compte "la notion d’espace". Car selon lui, cette dotation ne bénéficie "qu’à une partie des territoires", ceux qui possèdent un parc naturel régional. Or "l’alimentation et la transition écologique, c’est dans l’ensemble de nos territoires que ça se joue". Le président de l’AMRF ne cache pas sa déception suite au moratoire sur les énergies éoliennes et photovoltaïques voté jeudi par les députés (voir notre article de ce jour). "Si nos territoires peuvent accueillir ces installations, il faut aussi veiller à ce qu’elles assurent des revenus pour nos communes", soutient-il. Car selon lui, l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer) profite à 20% à la commune d'accueil contre 30% pour l’intercommunalité et 50% pour le département.

Le "coup de pouce rural" de la région Grand Est

Créer et agrandir une aire de jeux. Pour une commune de 250 habitants, pas facile de réunir le budget nécessaire. C'est pourquoi Jérôme Prudhomme, le maire de Sailly (Ardennes) a sollicité le "pacte pour les ruralités" mis en place dès 2024 par la région Grand Est (voir notre article du 15 avril 2025), dont le président Franck Leroy était présent, vendredi 20 juin au comité interministériel aux ruralités de Mirecourt. Ce pacte fait suite à un premier pacte (pour la ruralité) lancé par la région en 2017 et surtout axé sur les besoins des territoires en termes de numérique (voir notre article du 14 juin 2017), les deux étant destinés à pallier l'absence de politique nationale d'aménagement du territoire et à contrer le sentiment d'abandon des habitants des campagnes (voir notre article du 11 juin 2025). Ciblé sur quatre priorités (amélioration du cadre de vie, mobilité, préservation de l'environnement, agriculture de proximité et attractivité), le pacte permet à des villes de moins de 1.500 habitants d'obtenir des aides pouvant aller jusqu'à 12.000 euros. Le tout finançant des "petits travaux à grands effets", pour un total de 800 millions d'euros budgétés en 2024.

"Nous avons d'abord sollicité le pacte pour créer une aire de jeux, puis une deuxième fois pour l'agrandir, explique à Localtis Jérôme Prudhomme, il y a 50% de subvention donc c'est très avantageux, sans cela nous n'aurions pas fait tout cela". La commune a ainsi obtenu 15.000 euros pour la création de l'aire et 8.000 euros pour l'agrandir.

Autre avantage : la solution se met rapidement en place et la relation avec la région est très fluide. "C'est très facile, tout est informatisé, on dépose le dossier avec toutes les pièces et on a la réponse en quelques mois, la région répond facilement", assure le maire de Sailly qui connaît les limites de l'exercice de sa fonction. "On sait très bien que dans une petite commune comme la nôtre, on ne peut pas tout faire, on nous avait par exemple demandé un skate park mais ce n'est pas dans nos moyens, explique-t-il, on court après toutes les subventions, sinon on a recours à l'emprunt". 
Emilie Zapalski pour Localtis

 

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