Les maires saluent la reconduction du programme Petites Villes de demain
L'annonce de la reconduction du programme Petites Villes de demain est un soulagement pour les maires de petites villes pour lesquels "la revitalisation des territoires ne se décrète pas, mais doit s’inscrire dans le temps long".

© @Hervé Chérubini
"Je veux vous assurer que nous allons poursuivre le programme Petites Villes de demain." C'est par cette phrase sibylline lâchée à la presse, vendredi 13 juin, que le Premier ministre, François Bayrou, a annoncé la reconduction de ce programme de revitalisation des villes de moins de 20.000 habitants, à l’issue des assises de l’Association des petites villes de France (APVF), à Saint Rémy-de-Provence (voir notre article du 13 juin). À quelques mois du terme prévu en mars 2026, c’est un soulagement pour les maires des quelque 1.646 communes bénéficiaires, même si aucune précision sur la durée ou les financements n'a été apportée à ce stade. 93% d’entre eux appelaient de leurs vœux cette pérennisation, selon une enquête réalisée par l’APVF (sur la base de 229 élus qui ont répondu à un questionnaire entre le 31 mars et le 14 mai), publiée le 16 juin.
"L’amélioration du cadre de vie, objectif central du programme, constitue un élément quasiment incontournable pour les maires interrogés (85%)", peut-on y lire, devant les mobilités (45%) et le commerce (40%). Et près de 70% des élus ressentent déjà les effets de la revitalisation dans leur commune. Un maire de Nouvelle-Aquitaine témoigne ainsi, dans l'enquête, avoir vu une diminution de 30% de la vacance de logements et de 15% de la vacance commerciale dans sa commune.
S’inscrire dans le temps long
"Cette prolongation répond à une nécessité. En effet, la revitalisation des territoires ne se décrète pas, mais doit s’inscrire dans le temps long", souligne l’APVF, dans un communiqué. D’ailleurs, dans leur résolution lue par le président délégué de l’association Loïc Hervé à la fin de ces assises, les maires demandaient sa "pérennisation". La majeure partie des communes "n’ont pas pu aller au bout de leur plan d’actions", pointe l'enquête. L’un des principaux obstacles identifiés : l’accès aux financements. 65% des élus affirment ne pas avoir réussi à réunir les capacités financières suffisantes. L’association demande la mise en place d’un "coupe-file" pour permettre aux communes lauréates un accès prioritaire aux financements de droit commun. Elle salue par ailleurs l'apport en ingénierie et l’action des chefs de projets. Elle indique qu’elle se montrera "particulièrement vigilante à ce que la prolongation du programme se traduise par une prolongation" de leurs contrats après mars 2026.
Réhabiliter le bâti ancien, réaliser de nouveaux logements, traiter les cellules commerciales par le biais de foncières (avec l’aide de la Banque des Territoires), créer de l’animation… tout ce travail a permis au fil des ans de redonner vie aux centres des petites villes. Plusieurs témoignages d'élus sont venus émailler ces rencontres. À Saint-Jean-d’Angely, une commune de 6.700 habitants en Charente-Maritime, le taux de vacance commerciale est ainsi tombé de 30% à 18% en dix ans, grâce à la politique de revitalisation de la municipalité sur laquelle est venue se greffer le programme PVD. Élue en 2014, la maire socialiste Françoise Mesnard a d’abord voulu s’attaquer à la "piétonisation" du centre qui était un "échec". À rebours de nombreuses communes, elle a cherché à ramener la voiture en centre-ville (notamment par la gratuité des parkings) et essayé "plusieurs systèmes", comme la création d'une "bourse esprit d’entreprendre", un dispositif d’aide à l’installation de nouveaux commerçants. "La fonction symbolique du coeur de ville est incroyable. Les habitants ont l’impression que leur ville revit", s'est réjouie l’élue lors d’une table ronde. Depuis, la commune "commence à retrouver le regard des autres villes alentours".
Succès fragiles
Mais ces succès restent fragiles. Le commerce, notamment, continue de subir la pression des grandes surfaces et du commerce en ligne. Dominique Consille, directrice du programme national Action coeur de ville et Petites Villes de demain à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), a mis en avant le "changement des modes de consommation". "Un quart des colis postaux proviennent de plateformes chinoises", a-t-elle déploré. Or selon elle, le commerce en ligne est par nature "destructeur d’emplois", puisque, pour créer un emploi, il faut réaliser un chiffre d’affaires de 150.000 euros dans un commerce physique, contre le double en grande surface et même 500.000 euros dans le commerce en ligne. La responsable du programme alerte aussi sur l’apparition des box et autres casiers pour recevoir des colis qui permettent de "s’installer en dehors des radars". "Il faut qu’on soit vigilants sur ces nouveaux modes d’implantations commerciales à bas bruit, y compris les petites supérettes entièrement automatisées", a-t-elle souligné. Pour Gisèle Rossat-Mignod, directrice du réseau à la Banque des Territoires, le commerce est "un outil de cohésion sociale et territoriale". La tendance de demain est à des "espaces un peu moins consuméristes, de bien-être, ludiques...", à la "multiactivité", à l'image de tiers-lieux comme celui de Quimperlé qui associe restauration, bar, petite librairie... Grand témoin de cette table ronde, le président de la Croix Rouge, Philippe Da Costa, appelé les élus à remettre le secteur associatif "en présentiel".
Mission "flash" au Sénat
Petites Villes de demain avait été annoncé par Édouard Philippe lors des assises de l’APVF à Uzès (Gard), en 2019 (voir notre article). Son lancement officiel avait eu lieu à Barentin (Seine-Maritime), la ville du président de l’APVF, Christophe Bouillon, plus d’un an plus tard (voir notre article). Après cinq ans d’exercice, 3,7 milliards d’euros ont été engagés par l’État et ses partenaires, selon le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, soit 700 millions d’euros de plus que l’enveloppe prévue initialement. Au terme de cette première phase, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a décidé de lancer une mission "flash" transpartisane d’évaluation du programme. Elle présentera ses conclusions au mois de septembre.