Le Sénat adopte le projet de budget après d'ultimes amendements sur les assurances et la fonction publique
La Haute Assemblée a donné son feu vert en première lecture, ce 15 décembre, à l'ensemble du projet de loi de finances pour 2026 tel qu'issu de ses travaux. Durant le week-end, il avait voté un amendement permettant d'assurer les biens des collectivités territoriales contre les risques liés aux émeutes. Des dispositions concernant les ruptures conventionnelles et les femmes enceintes dans la fonction publique avaient également été adoptées.
© Capture vidéo Sénat le 13 décembre
Après une vingtaine de jours de débats, les sénateurs ont voté ce 15 décembre, par 187 voix contre 109, un projet de loi de finances (PLF) pour 2026 nettement remanié. Cette version élaborée en première lecture réduit notamment à 2 milliards d'euros les ponctions sur les collectivités territoriales, alors que le gouvernement voulait les porter à 4,6 milliards.
Dans la dernière ligne droite avant le vote, le Sénat a voté le 13 décembre des dispositions conjointes du gouvernement et du rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR, Meurthe-et-Moselle), visant à "restaurer l’assurabilité" du risque lié aux émeutes "sur l’ensemble du territoire".
L'amendement présenté par le gouvernement est "très important", a déclaré la ministre des Comptes publics dans l'hémicycle. L'objectif est que "nous permettions à tous - entreprises, particuliers, collectivités - de s'assurer contre ce risque", a souligné Amélie de Montchalin.
Garantie obligatoire
Selon la commission des finances du Sénat, les dommages aux biens des collectivités ont représenté 27% des 793 millions d'euros de dommages assurés résultant des violences urbaines de l'été 2023, soit environ 200 millions d'euros. Or, depuis plusieurs années, "les réassureurs et les assureurs ont durci les conditions de couverture de ce risque partout sur le territoire et ont retiré leurs garanties dans les zones qu’ils jugent les plus exposées", constate le gouvernement. Certaines collectivités sont donc laissées seules face aux dommages liés aux émeutes.
Les amendements identiques du gouvernement et du rapporteur général du budget s'inspirent d'une disposition de la proposition de loi sénatoriale visant à garantir une solution d’assurance à l’ensemble des collectivités territoriales, adoptée en juin dernier en première lecture (voir notre article).
Ils prévoient que les dommages résultant d’émeutes font l'objet d'une garantie obligatoire dans les contrats d’assurance "dommages aux biens" et qu'ils donnent lieu au paiement d’une surprime (comme dans le régime "Cat Nat" d'indemnisation des catastrophes naturelles). En outre, ils créent un fonds de mutualisation auquel les assureurs participeront obligatoirement. Garanti par l’État, ce fonds permettra d’indemniser une fraction des dégâts.
"Éléments de flexibilité"
"Enfin !", s'est exclamé Georges Naturel, sénateur de Nouvelle-Calédonie, lors de la discussion. "Avoir une solidarité et une garantie de l'État, c'est essentiel !", a-t-il jugé. L'élu LR a rappelé que "des entreprises de l'île "ont redémarré sans assurance, parce qu'elles ne peuvent pas être assurées". Une telle situation "limite le développement économique", a-t-il conclu. Les émeutes qui se sont déroulées en 2024 en Nouvelle-Calédonie ont fait des dégâts chiffrés à un milliard d'euros.
Les sénateurs ont par ailleurs approuvé un amendement du gouvernement visant à pérenniser le dispositif de rupture conventionnelle dans la fonction publique. La loi de transformation de la fonction publique d'août 2019 avait lancé une expérimentation de ce dispositif vouée à prendre fin le 31 décembre 2025. Une initiative suivie d'effets, puisque depuis 2020, 2.300 ruptures conventionnelles ont été conclues pour la seule fonction publique de l'État, pour un coût moyen de 46 millions d'euros par an. "Il est utile de nous garder des éléments de flexibilité (...) d'accompagnement de la réorganisation des services, ou de donner aussi une liberté aux agents publics de considérer qu'ils n'ont pas nécessairement à faire quarante ans le même métier", a plaidé la ministre des Comptes publics.
Compromis entre députés et sénateurs ?
Un autre amendement du gouvernement, également adopté par le Sénat, allonge de 14 à 21 jours la durée du congé pathologique dont les femmes enceintes, dans la fonction publique, peuvent bénéficier avant le début de leur congé maternité. La mesure vise à remédier aux conséquences de la baisse depuis le 1er mars dernier, de 100% à 90% de la rémunération des agents publics placés en arrêt maladie ordinaire. Les femmes enceintes qui auront recours à un congé pathologique, bénéficieront, donc, durant trois semaines - et non plus deux - du maintien à 100% de leur rémunération. Ce congé sera "fractionnable, et mobilisable de la date de déclaration de grossesse à la date du début du congé maternité". La mesure, dont le coût est estimé à 4 millions d'euros en année pleine, s'appliquera aux grossesses "déclarées à compter du 1er mars 2026".
Le Sénat a également donné son feu vert à un amendement du rapporteur général du budget qui vise à "mieux cibler" le versement du produit de la mise aux enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre dont bénéficient les autorités organisatrices de la mobilité (AOM). L'objectif est de flécher ces recettes vers les AOM locales "dont les moyens sont modestes". L'amendement accompagne le doublement du produit de la mise aux enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre affecté aux AOM, voté par le Sénat dans la première partie du PLF 2026 (de 50 millions en 2025 à 100 millions en 2026).
L'Assemblée nationale avait rejeté en bloc le PLF 2026 (voir notre article). La copie des sénateurs sera donc la base des discussions de la commission mixte paritaire (CMP), qui doit réunir le 19 décembre sept députés et sept sénateurs chargés de trouver un texte commun. L'ancien socle commun sera alors majoritaire, ce qui pourrait présager, en théorie, d'un accord. Mais cela ne servira à rien si le texte de compromis n'est pas ensuite adopté au Palais Bourbon.