Les sénateurs valident du bout des lèvres la prime de 500 euros aux maires
La Haute Assemblée a approuvé le 10 décembre l'attribution aux maires d'une prime de 500 euros par an. Mais les élus ont vertement critiqué l'initiative du Premier ministre, certains dénonçant une "aumône" ou une mesure "inadaptée". Ils examinaient les articles consacrés aux collectivités dans le volet "dépenses" du projet de budget pour 2026. L'occasion en outre pour eux de réviser en profondeur le dispositif d'épargne forcée (Dilico), qu'ils ont prévu de reconduire en 2026.
© Capture vidéo Sénat/ Françoise Gatel le 10 décembre
Peu après sa nomination, le Premier ministre avait évoqué dans une lettre à tous les maires, son souhait d'une "plus juste reconnaissance" de "l'engagement" de ces derniers dans leurs missions d'"agents de l'État" (voir notre article). Il avait précisé deux mois plus tard, en clôture du Congrès des maires de France, que cet "appui" prendrait la forme d'une "prime régalienne" de 500 euros par an pour chaque maire (voir notre article).
Concrètement, chaque commune percevra 554 euros de la part de l'État. Une somme qui lui permettra de verser "sans conditions" une somme de "500 euros nets" à son maire et de s'acquitter des taxes contribuant au financement de la protection sociale (CSG, CRDS). Pour financer la mesure, une dotation de l'État de 19,4 millions d'euros verra le jour en 2026. L'amendement créant le dispositif a été présenté par la ministre de l'Aménagement du territoire, Françoise Gatel, à l'occasion ce 10 décembre de la discussion au Sénat des articles de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" (RCT) figurant dans le volet "dépenses" du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
"Obligations portées par les adjoints"
Il a certes été adopté, mais les sénateurs ont été nombreux à prendre la parole pour faire part de leurs doutes sur la pertinence de la mesure. Après l'annonce par le Premier ministre de la création de la prime, les maires ont "au mieux parlé d'aumône" et "au pire de provocation", a affirmé David Margueritte. "Ils ont le sentiment en effet que cette prime vient comme une opération de communication", a poursuivi le sénateur (LR) de la Manche. En pointant le "décalage complet" entre la mesure et les préoccupations des élus locaux. "Les maires veulent surtout avoir des moyens d'agir et qu'on leur simplifie la vie au quotidien", a abondé Jean-Baptiste Lemoyne (RDPI, Yonne). Bernard Delcros (UC, Cantal) est allé dans le même sens : "La priorité des priorités" est de "compenser la revalorisation des indemnités des maires dans les petites communes", a lancé le président de la délégation aux collectivités. Ce relèvement des indemnités est acté par la proposition de loi sur le statut de l'élu local que le Parlement vient d'adopter définitivement (voir notre article du 9 décembre).
"C'est une formule un peu managériale de reconnaissance en fin d'année (…) qui ne semble pas tout à fait adaptée", a critiqué de son côté le communiste Pierre Barros (CRCE-K, Val-d'Oise). Son collègue écologiste Guillaume Gontard (Isère) n'a pas hésité à parler d'une "prime de Noël". Une prime qui est "la même pour tout le monde", alors que ce n'est pas la même chose d'être maire d'une grande ville - et de disposer de services - que d'être maire d'une commune de 200 habitants sans aucun service". "Les obligations indemnisées par cette prime" sont "portées par les adjoints" : ces derniers "assurent les mariages et font les gardes de nuit pour les placements d'office", a observé quant à lui Patrick Kanner (Socialistes, Nord).
"Dilico" ramené à moins de 900 millions d'euros
"Ce n'est pas une prime de Noël, (…) nous pourrions choisir de la verser le 14 juillet", a rétorqué la ministre de l'Aménagement du territoire, irritée par les critiques de ses ex-collègues. En ajoutant qu'elle avait "entendu des maires dire : il y a un signe de reconnaissance que nous sommes agents de l'État".
De l'examen des 175 autres amendements déposés par le Sénat sur la "mission RCT", on retiendra surtout le rejet de la nouvelle version du dispositif d'épargne forcée ("Dilico"), dont les modalités se rapprochaient de celles en vigueur, avant la crise du Covid-19, pour la maîtrise des dépenses des grandes collectivités ("contrats de Cahors"). En parallèle, le Sénat a ramené les ponctions effectuées dans le cadre du Dilico à 890 millions d'euros au total – contre 2 milliards d'euros prévus initialement par le gouvernement. Le Sénat a ainsi confirmé les choix que la commission des finances avait effectués fin novembre (voir notre article). À l'instar de sa commission, la Haute Assemblée a aussi tiré un trait sur le fonds d'investissement pour les territoires (FIT) conçu pour fusionner trois dotations de soutien à l'investissement. Les sénateurs se sont opposés à la disparition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), spécifique au monde rural, et ont refusé d'acter une baisse de 200 millions d'euros des crédits de l'État à l'investissement public local.
Soutien aux départements
Ils ont aussi élargi les critères d’éligibilité au fonds de sauvegarde qui vise à apporter un soutien aux départements connaissant des difficultés. Le but est d'augmenter le nombre de ses bénéficiaires. Ces derniers seraient ainsi une soixantaine en 2026.
Le Sénat a par ailleurs voté des amendements créant une dotation de 270 millions d'euros pour compenser les recettes de taxe d'aménagement perdues par les départements du fait des "dysfonctionnements" de la réforme des modalités de liquidation de la taxe. Mais le gouvernement ayant refusé de "lever le gage", la mesure est financée par un mouvement de crédits au sein des dotations et est donc neutre pour le budget de l'État. Une mission flash de sénateurs avait récemment pointé des insuffisances dans les processus de gestion par la direction générale des finances publiques de la taxe d’aménagement (voir notre article).
Les débats sur le PLF 2026 doivent se poursuivre jusqu'à la fin de la semaine dans l'hémicycle du Sénat, le vote sur l'ensemble du projet de loi devant avoir lieu le 15 décembre.