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Lopmi : l'exécutif promet 15 milliards d'euros de plus aux forces de sécurité

En pleine campagne électorale, Gérald Darmanin a présenté mercredi 16 mars son projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) qui prévoit 15 milliards de crédits de plus dans le budget de l'Intérieur sur cinq ans. Outre un doublement des effectifs sur la voie publique d'ici 2030, ce texte comporte un volet sur le "continuum de sécurité" qui, pour l'heure, s'apparente à une coquille vide. Le gouvernement donne rendez-vous au débat parlementaire... si l'élection le permet.

Après trois ans d’atermoiement, elle arrive enfin sur la table. La Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur) et ses 15 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour les cinq ans à venir. Le texte comportant 32 articles a été présenté par le ministre de l’Intérieur, le 16 mars, en conseil des ministres. Mais il ne sera examiné qu’en cas de réélection du candidat Macron. Pour ne pas être taxé de vue électoraliste (comme pour la revalorisation du point indice des fonctionnaires), Gérald Darmanin a tenu à préciser que les mesures catégorielles représenteraient "moins de 5% des crédits" (le dossier de presse du ministère de l'Intérieur évoque cependant une enveloppe de 750 millions d’euros pour la police et 700 millions pour la gendarmerie, soit plus près des 10%). L’essentiel des crédits ira à la "transformation immobilière, numérique, cyber et technique de ce grand ministère", a souligné le ministre de l'Intérieur. Le président de la République avait lui-même présenté les grands axes du texte le 10 janvier dans la cour du futur hôtel de police de Nice. Au préalable, il y avait eu le "Beauvau de la sécurité", qu’Emmanuel Macron avait appelé de ses vœux après l’affaire "Michel Zecler".

"Mettre du bleu dans la rue"

En concluant ce "Grenelle des forces de l’ordre", il avait dit vouloir "mettre du bleu dans la rue". Expression reprise par le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, ce mercredi. "Le ministère de l’Intérieur va se rapprocher des citoyens et des territoires ruraux", promet la place Beauvau. La présence des policiers et gendarmes sur le terrain sera ainsi "doublée" d’ici à 2030, "le temps sur la voie publique sera la règle et le temps au commissariat ou à la brigade l’exception". En zone rurale, 200 brigades de gendarmerie seront recréées dans les trois ans, pour "compenser" les 500 qui ont été supprimées ces quinze dernières années. Ce qui représente "au moins 2 ou 3 brigades nouvelles dans chacun des départements ruraux", a précisé Gérald Darmanin. Le gouvernement compte aussi revaloriser les "investigations" avec la création de 4.000 postes d’assistants d’enquêtes. Il compte en outre alléger les tâches administratives avec une simplification de la procédure pénale et la généralisation de l’Amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour toutes les peines de moins d’un an de prison. Un document de travail du service statistique du ministère de l’Intérieur que Localtis a pu consulter conclut pourtant à un bilan pour le moins contrasté de l’AFD dans la lutte contre les stupéfiants. Si sa mise en place en 2020 a conduit à une forte augmentation des mis en cause pour usage de stupéfiants (+39%), elle a aussi entraîné une forte diminution des mineurs mis en cause, ces derniers n’étant pas éligibles à l’AFD. Et encore, ce bilan ne tient pas en compte des taux de recouvrement, apparemment particulièrement faible (voir notre article du 15 septembre 2021).

1.400 emplois déconcentrés

Autre point important pour les collectivités : l’organisation territoriale de l’État. Gérald Darmanin a annoncé mercredi la "déconcentration" de 1.400 emplois du ministère de l’Intérieur, soit 10% de ses effectifs, de Paris vers 16 villes de province, à l’instar de l’inspection générale de la police nationale qui s’installera au Havre, la ville d’Édouard Philippe. D’autres déménagements suivront "dès fin 2022 et seront étalés sur 2023".

Alors que la place de la police municipale avait à peine été évoquée dans le discours de clôture du Beauvau par Emmanuel Macron à Rouen, et que ses déclarations à Nice avaient quelque peu irrité l’Association des maires de France (AMF), le projet de loi n’apporte pas beaucoup d’éléments sur ce point. Le ministère de l’Intérieur s’engage à "mieux piloter le continuum de sécurité" en créant une "direction de partenariats". Il s’agira de "poursuivre les travaux, après des avancées déjà significatives en matière de partenariat avec le secteur de la sécurité privée et les polices municipale". Un pis-aller, car il existe déjà une délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité, elle-même issue de la fusion, par un décret du 11 septembre 2020, de plusieurs entités dont la délégation aux coopérations de sécurité. Alors que la loi Sécurité globale "comporte de multiples évolutions" dans ce domaine, le projet de loi pourra être enrichi lors des discussions au Parlement, se contente de préciser le ministère.

"Regain" de tensions

Au-delà de ces réformes structurelles, le projet de loi vise à répondre aux "nouvelles menaces". En premier lieu, les cybermenaces, Gérald Darmanin expliquant que "60% des escroqueries sont déjà cyber", que "60% des entreprises françaises ont connu en 2021 des attaques cyber". "Les attaques terroristes de demain seront sans doute cyber", a-t-il affirmé. Le ministère s’engage ainsi à recruter 1.500 "cyberpatrouilleurs".

Alors que la promesse de Gérard Collomb de retisser le lien entre la police et la population a souvent été mis au passif de ce quinquennat marqué notamment par la crise des gilets jaunes, Gérald Darmanin semble se préparer à de nouvelles tensions sociales. L’ordre public "connaît actuellement des regains avec ce qui se passe sur le territoire national type gilets jaunes", a-t-il dit, le ministère devant également préparer la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques de 2024. Onze unités de forces mobiles (CRS et gendarmeries mobiles) seront créées (sachant que 15 avaient été supprimées lors des dix dernières années). C’est "une révolution pour l’ordre public en France", estime le ministre.