Revitalisation : les députés appellent à prolonger Action cœur de ville

Les élus locaux saluent "unanimement" le programme Action coeur de ville, constate le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale qui appelle à le prolonger "au-delà de 2026" en engageant une "réflexion sur la place des villes moyennes dans leur environnement régional". Pour les députés, le programme a été un "accélérateur" des projets locaux.

Après six mois de travaux, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale appelle à prolonger le programme Action cœur de ville "au-delà de 2026". Un soutien bienvenu à quelques jours du congrès de Villes de France à Libourne où le Premier ministre François Bayrou pourrait faire des annonces, comme c’était le cas lors des assises des petites villes à Saint-Rémy-de-Provence, avec la prolongation du programme Petites villes de demain (voir notre article du 13 juin). Lors des Rencontres Coeur de ville à Chartres, en décembre, l’ex-directeur de la Banque des Territoires Olivier Sichel avait déjà appelé à un "acte III" (voir notre article du 11 décembre 2024).  "Les élus locaux que nous avons auditionnés ont unanimement salué l’utilité du programme", ont assuré les rapporteurs Sandra Marsaud (Ensemble pour la République, Charente) et Julien Gokel (socialiste, Nord), lors de la présentation de leur rapport, mercredi. Un satisfecit partagé, selon eux, par les associations Villes de France et Intercommunalités de France, les chefs de projets et les habitants.

"Action coeur de ville a été un véritable accélérateur des projets communaux" grâce aux apports financiers de l’Etat et de ses trois partenaires (Anah, Action logement et Banque des Territoires), constatent les rapporteurs. Mais les projets restent "essentiellement financés par les communes et les intercommunalités", a souligné Sandra Marsaud, devant une salle quasiment vide (un seul député était présent !).

11,5 milliards d'euros mobilisés

Lancé en 2018, le programme bénéficie aujourd'hui à 243 villes moyennes. Doté initialement de cinq milliards d'euros jusqu'en 2022, il a été prolongé jusqu'en 2026 (voir notre article du 8 juillet 2021). Il a mobilisé "11,5 milliards d'euros" fin 2024 en subventions, prêts et investissements, dont 1,58 milliard de l'État (via la DETR, la DSIL ou le fonds vert). L’originalité d’Action cœur de ville, par rapport au programme national de rénovation urbaine, "est qu’il ne s’appuie pas prioritairement sur les transferts financiers de l’Etat" mais sur la mobilisation de ses partenaires, a rappelé la députée. Ainsi la Banque des Territoires a-t-elle octroyé "près de 90 millions d’euros de subventions d’ingénierie" aux communes pour financer quelque 3.000 missions. Auxquels s’ajoutent 2,2 milliards d’euros de prêts au secteur public local et 2,8 milliards d’euros d’investissement pour la construction et la réhabilitation de logements.  De son côté, l’Anah a consacré près de 2 milliards d’euros à la rénovation de 288.000 logements. Elle a aussi financé à hauteur de 23 millions d’euros les postes de chefs de projets et apporté 85 millions d’euros en ingénierie. Enfin, Action logement a fait évoluer sa doctrine d’investissement pour aller vers les zones dites "détendues". L’opérateur a investi 2,5 milliards d’euros dans la réhabilitation et la construction de logements. Toutefois, "ce sont les communes les mieux armées en ressources humaines, en ingénierie, qui sont les mieux à même de mobiliser efficacement des financements". Les rapporteurs proposent que dans "l’acte III", les crédits soient fléchés "vers les villes les plus en difficulté", notamment dans le quart Nord-Est et le long de la "diagonale du vide", tout en réduisant le recours aux appels à projets.

Les rapporteurs questionnent d’ailleurs le ciblage du programme qui n’a pas visé les villes les plus en difficulté et le paradigme retenu, celui emprunté à "l’attractivité des métropoles", inadapté, selon eux, à des villes en déprise. "On peut par exemple se demander s’il est pertinent d’essayer de mener une politique de montée en gamme du commerce dans un centre-ville marqué par le vieillissement et la précarité de sa population", a fait valoir Sandra Marsaud, regrettant qu’aucune réflexion n’ait été menée "sur l’idée de démolir des logements dans les villes en forte perte de vitesse démographique pour les dédensifier". Ce qui risque d’engendrer un problème de surproduction de logements. Or la démolition de logements aurait pu contribuer à la renaturation des centres-villes et à la production d’espaces verts, argue le rapport. Quant à l’extension du programme aux entrées de villes lors de la phase II du programme, elle a "toute sa pertinence", à condition "de ne pas faire émerger des villes entières" à partir de ces périphéries. 

Des résultats "difficiles à interpréter"

Les députés indiquent qu'il n'a pas été facile d'évaluer le programme. Le fait que le gouvernement ait opté pour une approche généraliste (plutôt que de prioriser les financements), "rend difficile l'établissement d'une analyse contrefactuelle", a regretté Sandra Marsaud, faisant référence à la méthode consistant à comparer les effets entre bénéficiaires et non bénéficiaires. Malgré des "résultats notables" sur la construction ou la rénovation de logements, la vacance ne s’est pas tellement améliorée ; elle est restée stable entre 2020 et 2023, à 4,7%.  Ces résultats restent "difficiles à interpréter". "Il est notamment impossible de faire la part entre les effets du programme et ceux découlant des tendances sociétales plus profondes, découlant des confinements sanitaires", estime Sandra Marsaud. Avec seulement 1.500 opérations à son compteur, le dispositif de défiscalisation "Denormandie dans l’ancien" n’a "pas rencontré son public". Le rapport suggère de le simplifier, d’assouplir ses conditions d’éligibilité et de l'étendre aux locaux commerciaux dans les immeubles mixtes.

L’évaluation du volet "commerce", a été un sujet d’attention pour les députés qui considèrent les résultats "mitigés" et "très variables" selon les territoires. "La vacance commerciale diminue beaucoup moins dans les villes en déprise démographique", a souligné Julien Gokel. Jusqu’à la crise sanitaire, le programme ne s’accompagnait pas de nouveaux moyens dédiés au commerce, a-t-il aussi relevé. C’est le plan de relance mis en place en 2020 qui a remédié à cette carence, avec le concours de la Banque des Territoires (aide à l’ingénierie, financement des managers de commerce, création d’une centaine de foncières de redynamisation, création d’un fonds de restructuration des locaux d’activité...). La mise en place d’un chèque numérique pour aider à la création de plateformes locales de vente en ligne s’est avérée "peu efficace", selon le député, qui considère que le plus important pour les commerces de proximité est de "faire connaître leur offre en ligne", via les réseaux sociaux. Il a alerté sur le "défi colossal" que constitue le plein essor de "l’ultra fast fashion". Une inquiétude partagée par le président de Villes de France Gil Avérous (voir notre article du 7 mai). Le sujet fera l’objet d’une table ronde lors du congrès de l’association.

Villes d'envergure régionale

Pour l’acte III, les députés avancent un certain nombre de propositions dans ce domaine. Ils proposent d’assouplir les délais d’application de la procédure de suspension d’autorisation d’exploitation commerciale, de pérenniser le financement des managers de commerce et de réformer les taxes sur les friches commerciales "très peu utilisées", en ramenant de deux ans à six mois le délai à partir duquel elles peuvent s’appliquer et en augmentant leur taux. Ils veulent donner plus de latitude aux élus notamment pour la restreindre à certains locaux ou parties de leur territoire. Ils proposent aussi d’expérimenter un mécanisme de régulation des baux commerciaux sachant que certains propriétaires ont "une véritable pratique spéculative", préférant laisser leurs locaux vides plutôt que de baisser les loyers.

Plus globalement, les rapporteurs appellent à une "réflexion sur la place des villes moyennes dans leur environnement régional". Ils souhaitent ouvrir le débat sur les compétences des intercommunalités qui comprennent une ville ACV. Ils plaident pour leur conférer un statut de "villes d’envergure régionale", dans une logique similaire aux métropoles. Ils incitent les intercommunalités qui ne l'ont pas fait à se doter d’un PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) "pour éviter les problèmes d’étalement urbain et l’artificialisation des sols" et mieux articuler les axes commerce et mobilité pour renforcer l’attractivité des centres (stationnement, transports en commun, mobilités douces…).

Voilà de quoi alimenter les réflexions de  Dominique Faure, ex-ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité, qui doit faire des propositions sur l'avenir des programmes de contractualisation avec l'Etat, dont ACV, et "esquisser de nouvelles perspectives pour les politiques d'aménagement du territoire". Ses conclusions sont attendues avant la fin de l’année (voir notre article du 3 juin).

 

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