Statut de l'élu local : la proposition de loi définitivement adoptée
Examinant le texte en seconde lecture ce 8 décembre, les députés n'ont apporté à ce dernier aucune modification. Le vote à l'unanimité (mais avec l'abstention de LFI) permet d'entrevoir une publication d'ici la fin de l'année. Quelques semaines seulement avant les élections municipales, l'engagement dans la vie locale est ainsi facilité et rendu plus attractif.
© Capture vidéo Assemblée nationale/ Intervention de Françoise Gatel à l'issue du vote de la proposition de loi sur le statut de l'élu local
C'est par un résultat sans appel (109 voix pour, 0 contre et 22 abstentions, à savoir celles de la quasi-totalité du groupe LFI et d'un député Démocrates) que l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture, le 8 décembre, la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. Le vote est intervenu après une discussion expresse, 18 amendements seulement étant en discussion. Des amendements qui ont tous été retirés ou rejetés. En effet, un large consensus a émergé, avant même la séance, pour accélérer l'adoption définitive du texte, à moins de cent jours des élections municipales. De concert avec les rapporteurs, Didier Le Gac (EPR) et Stéphane Delautrette (Soc), la ministre de l'Aménagement du territoire a œuvré à ce résultat. "En amont", elle "a eu un dialogue nourri avec l’ensemble des groupes parlementaires pour leur rappeler l’attente forte des élus locaux pour que ce texte puisse sortir", "répondre à leurs questionnements" et "les inviter à retirer leurs amendements", indique l'entourage de Françoise Gatel.
Le vote conforme de l'Assemblée nationale ouvre la voie à une publication de la loi d'ici la fin de l'année, selon les proches de la ministre. Ces derniers jugent assez mince le risque d'une saisine du Conseil constitutionnel par des parlementaires, même si un certain nombre d'entre eux continuent à demeurer critiques sur quelques points du texte.
Il était temps
Alors que les élections municipales se profilent, il était temps que la proposition de loi termine son parcours parlementaire. Un texte de loi sur le statut des élus locaux avait en effet été annoncé dès le début de l'été 2023 par la ministre aux Collectivités territoriales de l'époque, Dominique Faure (voir notre article). Mais c'est finalement le Sénat qui avait pris l'initiative d'adopter en mars 2024 une proposition de loi sur le sujet, portée par la droite et le centre – parmi les auteurs figurait Françoise Gatel (voir notre article). Et c'est ce texte que le gouvernement a entendu privilégier ensuite. Mais compte tenu notamment des aléas politiques liés à la chute du gouvernement de Michel Barnier en décembre 2024, la proposition de loi n'a été examinée en première lecture à l'Assemblée nationale qu'à l'été 2025. Et ce alors que dès février un rapport de la délégation aux collectivités constatait l'existence d'"un quasi-consensus politique" sur le dossier (voir notre article).
La discussion en seconde lecture a elle aussi été ralentie du fait de la censure qui a fait tomber à la fin de l'été le gouvernement de François Bayrou. Mais le Sénat s'en est emparé dès la reprise des travaux, en octobre (voir notre article). La balle était donc à présent dans le camp des députés. Et alors que les rapporteurs constataient que les différences de vues avec les sénateurs étaient finalement "minces", ils ont donc fait le choix de voter le texte à l'identique. C'est cette option qui l'avait déjà largement emporté, lors de l'examen du texte par la commission des Lois, le 12 novembre (voir notre article).
Faciliter l'engagement des élus locaux
Rémunération, retraites, formation, congés maternité ou maladie... La proposition de loi propose toute une panoplie de mesures pour faciliter l'engagement des élus locaux, alors que "450 maires démissionnent chaque année sous le poids des responsabilités, de la pression morale, des violences, mais aussi parce que concilier un mandat local, la vie familiale et l'activité professionnelle est devenu trop difficile, voire impossible", selon la ministre de l'Aménagement du territoire.
L'une des mesures-phares est la revalorisation des indemnités des maires et de leurs adjoints: les parlementaires ont opté pour augmenter celles des élus des communes de moins de 20.000 habitants, avec un système dégressif plus favorable aux très petites communes. Ainsi, l'indemnité de fonction mensuelle maximale pour un maire d'une commune de 2.000 habitants sera fixée à 2.290 euros, contre 2.121 actuellement. Le coût de ces revalorisations s'élèvera de 50 à 55 millions d'euros, selon l'entourage de Françoise Gatel. En outre, un trimestre supplémentaire de retraite par mandat sera octroyé aux exécutifs locaux, dans la limite de trois trimestres.
Le texte entend aussi faciliter la conciliation entre l'exercice du mandat, la vie personnelle et l'exercice d'une activité professionnelle. Ainsi, il renforce les autorisations d'absence, étend le champ des activités ouvrant droit au remboursement des frais de garde des élus locaux, renforce les garanties pour les élus salariés, crée un statut de "l'élu étudiant" et prévoit des aménagements pour les élus en situation de handicap.
Décrets "avant les municipales"
Pour "sécuriser l'exercice du mandat", l'octroi de la protection fonctionnelle devient automatique pour l'ensemble des élus locaux victimes de violences, menaces ou outrages du fait de leurs fonctions. Dans le même but, le texte a cherché à clarifier la notion de conflit d'intérêts, notamment quand un élu est membre d'une collectivité et d'un organisme sur lequel cette collectivité doit se prononcer. La mesure était très importante pour les associations d'élus locaux, mais elle a justifié les réserves du groupe LFI sur le texte.
Enfin, la réforme vise à "accompagner la fin du mandat", notamment en améliorant l’allocation de fin de mandat et en instituant un "contrat de sécurisation de l’engagement".
Le texte est "équilibré, robuste" et "largement soutenu par les associations d'élus", s'est enthousiasmée la député (EPR) Violette Spillebout. Plus mesurée, Élisa Martin (LFI) l'a elle aussi reconnu : "Objectivement, des choses avancent, particulièrement l'accompagnement à la sortie du mandat". Mais sur tous les bancs, les députés ont estimé que le texte n'était pas parfait et n'allait pas assez loin.
Il faudra "être très vigilants sur les décrets d'application pour que ce texte ne soit pas lettre morte", a insisté Philippe Gosselin (DR). Le gouvernement se sait attendu sur ce point. "L’objectif" est que "tous les décrets" soient pris "avant les municipales", assure l'entourage de la ministre de l'Aménagement du territoire.
Financements dans le PLF 2026
"Attention aux financements", a aussi averti Éric Martineau, au nom des Démocrates. "Sur le financement de la prise en compte des frais liés à la garde des enfants, comment faire si les communes n'en ont pas les moyens ?", a abondé Élisa Martin.
S'agissant de la hausse des indemnités des maires et de leurs adjoints des communes de moins de 20.000 habitants, on notera que le Sénat a adopté le 3 décembre - lors de la discussion sur le volet "recettes" du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 - des amendements qui augmentent la dotation particulière élus locaux (DPEL) de 59,4 millions d'euros en 2026. Mais la somme serait financée en totalité par le bloc communal, via une réduction de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) qu'il perçoit.
En revanche, l'indemnité de 500 euros par an qui sera versée à tous les maires au titre de leurs missions en tant qu'agents de l'État correspondra à de l'argent frais. Cette "indemnité régalienne" annoncée par le Premier ministre en clôture du congrès des maires de France (voir notre article) sera inscrite "dans le courant de la semaine" dans le PLF 2026, a promis Françoise Gatel. C'est donc très prochainement, dans le cadre de l'examen par le Sénat du volet du texte consacré aux dépenses, que le financement de cette prime devrait être acté.
Cap vers le projet de loi de décentralisation
Du côté des associations d'élus locaux, France urbaine s'est félicitée de l'adoption définitive d'un texte qui "constitue un rendez-vous démocratique majeur : celui de l’amélioration des conditions d’exercice des fonctions électives (…) ainsi que celui d’un accès facilité et diversifié pour celles et ceux qui aspirent à servir demain l’action publique locale". La future loi "pose des bases importantes pour l'exercice du mandat des élus, ruraux en particulier", salue pour sa part l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Elle estime notamment que "les têtes de liste" trouveront avec elle "davantage d’arguments pour susciter l’engagement de davantage d’actifs dans leur équipe".
La Fédération des élus des entreprises publiques locales (FedEpl) s'est, elle, félicitée des "avancées" sur la réduction des risques liés aux conflits d'intérêts pour les élus représentant leur collectivité au sein d’une autre personne morale. "Certains dispositifs doivent cependant recevoir des coordinations juridiques pour être pleinement applicables aux EPL (entreprises publiques locales)", pointe-t-elle. Le projet de loi de décentralisation annoncé pour le premier trimestre 2026 offrira l’occasion de procéder à ces ajustements, fait elle encore remarquer. Le texte sera à la fois une voiture-balai et une nouvelle rampe de lancement pour promouvoir des mesures facilitant l'exercice des mandats locaux.