Voirie : les investissements des départements en baisse pour la première fois depuis 2016

Le rapport 2025 de l'Observatoire national des routes (ONR) fait état de la baisse des investissements des départements dans leur voirie en 2024, une première depuis 2016. Il y voit la conséquence d'un "contexte budgétaire particulièrement contraint" et la traduction que la route reste "une variable d'ajustement" budgétaire. L'ONR redoute que leurs capacités d'investissement continuent de diminuer alors que leur patrimoine doit par ailleurs faire face à l'essor des aléas climatiques.

"Au niveau local, le contexte est difficile pour les gestionnaires d'infrastructures routières qui voient leur capacité à entretenir leur patrimoine fortement entravée. Alors que les collectivités commencent seulement à prendre la mesure des impacts du changement climatique sur les infrastructures de mobilité, les budgets avec lesquels elles doivent travailler sont toujours plus étriqués." En deux phrases, Claude Riboulet, président de l'Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (Iddrim), et par ailleurs président du conseil départemental de l'Allier, résume l'essentiel du rapport 2025 de l'Observatoire national de la route (ONR) qui vient d'être publié. Côté collectivités, ce dernier dépeint la situation des départements, seul échelon qui reste suffisamment investi dans l'étude (65 répondants) pour qu'elle soit instructive. Faute de participants, les données relatives aux métropoles sont cette année réduites à la portion congrue. Et celles relatives au bloc local se bornent à un retraitement des données récemment présentées par le Cerema dans le cadre du programme national Ponts (lire notre article du 21 novembre).

L'État poursuit l'effort

Dans un ciel passablement obscurci, la seule éclaircie vient de l'État qui, en dépit de la situation budgétaire que l'on connait, parvient à maintenir l'effort. En 2024, ses investissements sur ce qu'il reste du réseau national non concédé – 10.861 km qui, d'après le Premier ministre, ont vocation à être totalement décentralisés (lire notre article du 14 novembre) – ont ainsi augmenté de 6%. Les dépenses de grosses opérations sont elles aussi toujours à la hausse, pour les ouvrages d'art (+2% ; +150% depuis 2016) et plus encore pour les chaussées (+13,5%). Il en va de même pour les dépenses de fonctionnement (hors personnel), qui augmentent de 10%. 

Départements : des investissements en baisse, une première depuis 2016

À l'inverse, et pour la première fois depuis 2016, les investissements des départements sont en baisse (-9%) en 2024. Seuls les plus petits d'entre eux (moins de 250.000 habitants) parviennent globalement à maintenir l'allure (+1,6%), contrairement aux "très grands" (plus d'1 million d'habitants ; -5%), aux "grands" (population comprise entre 500.000 et 1 million d'habitants ; -8%) et plus encore aux "moyens" (entre 250.000 et 500.000 habitants ; -14%).

Même sort pour les dépenses de grosses réparations : -10% pour les chaussées et -9% pour les ouvrages d'art, toujours avec des disparités d'un département à l'autre. L'évolution est en revanche contrastée pour ces mêmes dépenses sur le seul réseau structurant des départements : -11% pour les ouvrages d'art, mais une hausse de 10% pour les chaussées.

Au global, seules les dépenses de fonctionnement progressent (+7%). Une moyenne qui cache toujours de fortes disparités, puisque si cette hausse atteint 26% pour les départements "moyens", les très grands départements voient au contraire leurs dépenses à la baisse (5%).

"La diminution des dépenses d'investissement est très certainement la conséquence de l'effet de ciseau de baisse des recettes (DMTO) et d'augmentation des dépenses sociales obligatoires" (lire notre article du 23 juillet), explique l'ONR. Lequel y voit la traduction "que la route est une variable d'ajustement des budgets départementaux". Une situation qui pourrait perdurer alors que, selon leur représentant, François Sauvadet, les départements arrivent aujourd'hui, en matière budgétaire, "au bout du chemin" (lire notre article du 13 novembre).

Des aléas climatiques plus fréquents et plus intenses

Et ce, alors que les besoins risquent d'aller croissants avec les conséquences du changement climatique. Interrogés pour la première fois par l'ONR sur les impacts de ce dernier sur leurs réseaux et la manière dont ils s'y adaptent, les gestionnaires de voirie répondants estiment qu'il "est souvent difficile de faire un lien direct entre les événements qui impactent leur réseau et le changement climatique". Ils constatent pour autant une augmentation de la fréquence et de l'intensité des aléas climatiques, qui affectent selon eux "quatre fois plus les chaussées que les ouvrages".

Les inondations et le retrait-gonflement d'argile (RGA) sont ceux qu'ils subissent le plus. Le second entraine des fissurations et des affaissements de chaussées. Les premières, avec les fortes précipitations, causent des glissements de terrain ou de talus, des chutes de blocs ou encore, dans les cas les plus extrêmes, des effondrements karstiques. Avec les tempêtes et les fortes chaleurs, elles sont aussi à l'origine d'arrachements ou de gonflements des couches de surface. Des tempêtes et des fortes chaleurs (sécheresse) qui posent également difficulté via "des chutes d'arbres importantes face auxquelles les collectivités ne sont pas forcément équipées pour réagir". 

Une adaptation déjà de mise

Les deux tiers des répondants indiquent néanmoins avoir déjà mis en place "des actions spécifiques" pour faire face à ces aléas. Lesquelles prennent différentes formes. Côté organisation, elles se traduisent notamment par des aménagements des horaires de travail (décalage en période de forte chaleur, allongement des astreintes lors des périodes de risque…) ou des changements / renforcement de pratiques : décalage du fauchage, utilisation accrue du lait de chaux, protection des berges, sécurisation des versants, élagages préventifs ou encore "génie végétal" pour prévenir les glissements. La diminution des chutes de neige et des températures négatives moins fréquentes ne sont pas non plus sans conséquence sur les campagnes de déneigement et de salage. Côté exploitation, la fermeture temporaire de routes reste la principale action mise en place. Pour les cas moins extrêmes, la mise en place d'alternats, de limitations de vitesse ou de tonnage sont autant de procédures utilisées.

Une atténuation encore balbutiante ?

L'étude souligne que les gestionnaires prennent par ailleurs "leur part de l'effort collectif de décarbonation". Pour diminuer leurs émissions de carbone, les répondants indiquent avoir notamment recours à la réincorporation d'agrégats d'enrobés lors de leurs travaux, à l'abaissement des températures des enrobés (avec des enrobés tièdes ou froids), au retraitement en place ou encore à l'utilisation d'enrobés biosourcés ou de matériaux particuliers, comme les granulats de béton recyclé. "Toutefois, à l'exception du recours aux agrégats d'enrobés recyclés, les chiffres présentés dans le rapport annuel du pacte d'engagement des acteurs des infrastructures de mobilité [lire notre article du 1er février 2021] ne corroborent pas les déclarations des gestionnaires", tempère l'ONR.

 

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