Deuxième Roquelaure de la simplification : un "méga-décret" d'ici fin janvier
La ministre Françoise Gatel organisait ce 9 décembre un deuxième "Roquelaure de la simplification". Ce "point d'étape" a permis de savoir qu'une "taskforce" allait être installée auprès du Conseil national d'évaluation des normes pour étudier de nouveaux allégements en faveur des collectivités. Le Conseil d'État va aussi plancher sur le sujet. Et le "méga-décret" annoncé par Sébastien Lecornu lors du Congrès des maires est pour bientôt.
© @FrancoiseGatel/ Françoise Gatel
"Restaurer l'efficacité de l'action publique", "réduire les délais", "optimiser la dépense" et, tout simplement aussi, faciliter la vie des élus locaux. Autant d'objectifs mentionnés ce 9 décembre par Françoise Gatel pour évoquer le nécessaire allègement des normes pesant sur les collectivités. La ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation a repris le flambeau de son prédécesseur et organisait dans les locaux du ministère un deuxième "Roquelaure de la simplification", huit mois après celui initié par François Rebsamen (voir notre article du 28 avril). Et des Roquelaure, il y en aura d'autres. "La simplification n'est pas la victoire d'un soir" mais un "combat" devant être mené en flux continu, a-t-elle en tout cas souligné.
En témoignerait tout ce qui a déjà été fait depuis le rendez-vous d'avril dernier. Et la ministre de citer, côté législatif, la loi Huwart de simplification du droit de l'urbanisme et du logement qui vient d'être publiée (voir notre article détaillant les dispositions de ce texte touffu) et la proposition de loi "statut de l'élu" définitivement adoptée la veille (voir notre article). Côté réglementaire, il y a la série des récents décrets visant à simplifier la gestion des ressources humaines (dont un d'ailleurs paru ce 10 décembre concernant les lieux de réunion des conseils de discipline) ou encore le décret de simplification du droit de l'environnement publié cet été, qui concernait entre autres les inventaires faune-flore (voir notre article).
Et maintenant ? Les choses vont se poursuivre. Tout d'abord sur le stock. Continuer de traquer et supprimer les normes qui entravent inutilement l'initiative locale. Françoise Gatel a dans ce cadre annoncé la mise en place de deux instances :
- D'une part, une "taskforce" qui, "sous l'égide du Conseil national d'évaluation des normes" (CNEN) et avec les services d'inspection (IGF, IGA, IGEDD) mènera chaque année des "travaux ciblés" pour évaluer l'impact juridique et financier de diverses normes et proposer des mesures d'adaptation. Pour sa première année, il lui sera demandé de se concentrer sur le Code de la construction et de l'habitation ainsi que sur le champ des bâtiments publics. Un rapport d'étape est attendu d'ici six mois, un rapport final d'ici moins d'un an. Présent ce 9 décembre au ministère, le président du CNEN, Gilles Carrez, a confirmé son implication dans ce chantier et acquiescé quant au caractère prioritaire des domaines urbanisme-construction-environnement.
- D'autre part, le Premier ministre a saisi le Conseil d'État pour que celui-ci constitue une mission sur la simplification des documents de planification au niveau local (Scot, Sraddet etc.) afin de rendre cette planification "plus intelligible, plus stable".
S'agissant du flux des nouvelles normes pas question de "continuer à remplir la baignoire pendant qu'on la vide", souligne Françoise Gatel qui compte entre autres s'appuyer sur les travaux de ses anciens collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités, rappelant que celle-ci avait élaboré en 2023 une charte d'engagement (voir notre article) promouvant par ailleurs de "vraies" études d'impact, ainsi que des "études d'option" pour vérifier la nécessité de recourir à une nouvelle norme législative. Depuis, cette même délégation a continué de creuser le sujet (voir notre article sur sa feuille de route présentée en janvier dernier).
"Derrière chaque amendement, il y a une norme qui sommeille", a déclaré mardi Rémy Pointereau, le vice-président de la délégation, ajoutant : "L'inflation normative, nous sommes tous responsables : parlementaires, gouvernement, administration… et citoyens". Un point également mis en avant par Françoise Gatel. Et pour contribuer, comme le dit Gilles Carrez, à une certaine "sobriété législative", on saura qu'une charte impliquant le CNEN sera également bientôt signée avec l'Assemblée nationale.
Parallèlement, côté État, certaines choses auraient bougé. La circulaire adressée en mai dernier par François Rebsamen aux préfets afin de les inviter à faire remonter des propositions de simplification émanant du terrain (voir notre article sur cette circulaire) a porté ses fruits, avec 684 contributions. Lesquelles témoignent, encore et toujours, de "cinq nœuds", rapporte Françoise Gatel : l'urbanisme, l'environnement, les RH, la commande publique et "les normes techniques".
Au niveau des préfets également, on n'oublie pas la mise en place de la cellule "France simplification" lancée en novembre 2024 par Michel Barnier (voir notre article, ainsi que notre focus de février 2025 sur ce dispositif). A l'occasion de ce Roquelaure, Thierry Lambert, le délégué interministériel à la transformation publique (DITP), a évoqué une "équipe commando" dédiée "en ligne directe" aux préfets témoins du blocage d'un projet local. A ce jour, 1.300 dossiers ont été remontés, 800 ont été "mis à l'arbitrage" et "590 solutions ont été apportées". Selon Thierry Lambert, si un tiers des cas impliquent la modification d'une norme, les deux autres tiers relèvent en fait plutôt d'une interprétation abusive de la norme.
Ces deux circuits de remontées des préfets ont vocation à nourrir un certain nombre d'ajustements réglementaires. A commencer par celui que le Premier ministre Sébastien Lecornu annonçait le 20 novembre en clôture du Congrès des maires : deux "méga-décrets" devant venir "élaguer" une centaine de textes (voir notre article). Et là-dessus, les choses se précisent. Le premier méga-décret, qui prévoit la simplification d'une trentaine de normes, a été transmis aux associations d'élus locaux pour consultation et sera soumis au CNEN lors de sa séance du 8 janvier 2026, ainsi qu'au Conseil d'État. Sa publication est donc envisagée pour fin janvier.
Françoise Gatel a évoqué une partie des mesures concernées, sachant que certaines pourraient potentiellement encore bouger en fonction des retours des associations d'élus. Gilles Carrez voit d'un bon œil cette approche "pragmatique". Tout en se disant conscient que l'on pourrait être tenté de moquer le côté "inventaire à la Prévert" du futur décret. Il est vrai qu'on y trouve un peu de tout. Et à première vue surtout des petites choses.
Quelques exemples :
- Possibilité de réunir en visioconférence la commission départementale de coopération intercommunale ;
- Autoriser la fusion de tous les registres de délibérations des collectivités locales ;
- Supprimer certaines obligations de formation pour des agents les ayant déjà suivies dans leur poste antérieur ;
- Abrogation automatique des documents antérieurs lors de l’approbation d’un PLUi ;
- Permettre aux conseils régionaux de "définir eux-mêmes le nombre d'emplacements vélos" dans les TER…
- Fin de la transmission obligatoire d’une délibération avec un plan de financement pour solliciter de la DETR.
On y trouvera aussi la fameuse suppression de l’obligation annuelle de vidange des piscines municipales dont avait fait état Sébastien Lecornu au Congrès des maires. Et on saura que l'assouplissement du "décret tertiaire" (autrement dit le report de 2027 à 2030 des obligations en matière de rénovation énergétique des bâtiments tertiaires), là encore promis par le Premier ministre, fera bien partie de ce méga-décret.
Enfin, il y sera question de commande publique, avec le relèvement du seuil de déclenchement de la procédure de concours d’architecture (qui a déjà fait réagir les architectes…) ou encore la possibilité d’attribuer un marché au candidat arrivé deuxième en cas de désistement du premier sans nouvelle mise en concurrence. En revanche, tout ne sera pas dans ce texte. Ainsi, Sébastien Lecornu avait annoncé aux maires son intention de prolonger la dérogation ayant porté à 100.000 euros le seuil pour les marchés de travaux et un relèvement de 40.000 à 60.000 euros du seuil pour les fournitures et services. Ces assouplissements-là figureront en fait dans un autre décret qui, a indiqué mardi la directrice des affaires juridiques de Bercy (DAJ), fait actuellement l'objet d'une consultation publique (jusqu'au 13 décembre, en ligne sur le site du ministère).