La Commission propose un nouveau paquet législatif afin de moderniser les infrastructures énergétiques de l'UE
La Commission européenne a présenté, ce 10 décembre, différents textes visant à moderniser et renforcer les infrastructures énergétiques de l'UE. Elle entend singulièrement renforcer la planification, le déploiement, la complétude et l'interconnexion des réseaux transeuropéens d'énergie (RTE-E) et, une fois encore, faciliter la mise en œuvre des projets énergétiques, tant en fixant des délais butoirs d'instruction des demandes de permis qu'en les exonérant d'un certain nombre de contraintes réglementaires environnementales.
© Commission européenne/Carte des « autoroutes de l’énergie »
Comme annoncé (lire notre article du 16 mai), la Commission européenne a présenté, ce 10 décembre, un paquet "réseaux" visant à moderniser les infrastructures énergétiques de l'UE et réduire ainsi "les factures et les dépendances". "En 2022, les combustibles fossiles représentaient 70% de la consommation brute d'énergie dans l'UE, 98% du pétrole et du gaz utilisés étant importés. L'Europe reste trop exposée à la volatilité des prix et aux risques géopolitiques", arguent les services de la Commission, non sans faire ainsi écho au gestionnaire du réseau français RTE (lire notre article du 9 décembre). Lesquels déplorent dans le même temps "le vieillissement de l'infrastructure électrique de l'UE et la capacité d'interconnexion limitée qui créent des goulots d'étranglement empêchant des progrès rapides vers une transition énergétique propre". La Commission relève ainsi que "plusieurs États membres ne sont pas en voie d'atteindre l'objectif de 15% d'interconnexion d'ici à 2030" et que la congestion des réseaux a entraîné des coûts atteignant 5,2 milliards d'euros en 2022. Elle se fait volontiers alarmiste, estimant que cette somme pourrait atteindre 26 milliards d'euros en 2030. Ou en prédisant encore qu'en 2040, jusqu'à 310 TWh d'énergie issue des énergies renouvelables (soit "près de la moitié de la consommation d'électricité en 2023") pourraient être "jetés à la poubelle", faute de réseaux idoines.
Un besoin d'investissements chiffré à 1.200 milliards d'euros d'ici à 2040
Les besoins sont gigantesques, puisque la Commission estime à 1.200 milliards d'euros les investissements nécessaires dans les réseaux énergétiques d'ici à 2040, dont 730 milliards pour les seuls réseaux de distribution. Contrairement à ce que d'aucuns ont pu annoncer, la Commission ne propose pour autant pas de nouveaux moyens budgétaires à ce stade, soulignant seulement que dans sa proposition de cadre financier pluriannuel 2028-2034 (lire notre article du 17 juillet), elle a proposé de "multiplier par cinq le budget du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) consacré à l'énergie, qui passerait de 5,84 milliards d'euros à 29,91 milliards d'euros".
Concrètement, outre une communication de la Commission, le paquet présenté ce jour comprend :
- une proposition de règlement sur le réseau transeuropéen pour l'énergie (TEN-E) ;
- une proposition de directive visant à accélérer les procédures d'octroi de permis ;
- des conseils de la Commission "pour des raccordements efficaces et à temps", d'une part, notamment pour "s'écarter du principe 'premier arrivé, premier servi'", et sur "la conception de contrats bilatéraux pour différence", d'autre part.
Renforcement du RTE-E
Afin de renforcer la coordination de la planification de l'infrastructure énergétique de l'Europe, la Commission entend prendre la main en élaborant un "scénario central complet", révisé tous les 4 ans, qui servira de base aux différents opérateurs pour identifier les besoins. La Commission entend ainsi s'assurer que les lacunes existantes pourront être comblées, rappelant que le Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité estime que près de la moitié des besoins transfrontaliers en capacité électrique resteront sans réponse d'ici à 2030.
Comme annoncé par Ursula von der Leyen dans son dernier discours sur l'état de l'Union (lire notre article du 10 septembre), la Commission entend également accélérer le pas sur les huit principales "autoroutes de l'énergie" de l'UE – parmi lesquelles celle visant à mieux intégrer la péninsule ibérique au réseau électrique et celle visant à instituer un corridor à hydrogène du Portugal à l'Allemagne – qui devraient bénéficier d'une attention particulière à court terme.
La Commission propose également de simplifier le processus de sélection des projets d'intérêt commun (PCI) et des projets d'intérêt mutuel (PMI), infrastructures clés du RTE-E*. Elle promeut en outre le regroupement volontaire des PCI et PMI transfrontaliers afin d'encourager "le partage des coûts entre les États membres concernés et les pays non-membres de l'UE". Elle suggère en outre d'inclure dans les catégories d'infrastructures du RTE-E les projets "qui rendent l'infrastructure plus intelligente" ou plus sûre afin qu'ils puissent bénéficier du soutien financier du MIE.
Faciliter, une fois encore, l'octroi des permis
La Commission remet par ailleurs sur le métier la question de l'octroi de permis aux projets énergétiques. Une procédure qui représente "encore plus de la moitié du temps total de mise en œuvre des projets d'électricité d'intérêt commun", indiquent les services de la Commission, en précisant qu'elle prend "en moyenne 5 ans pour les réseaux de transport et jusqu'à 9 ans pour les projets d'énergie renouvelable". Avec une recette déjà éprouvée (récemment avec la directive RED III ou en France avec la loi Aper) : la simplification de la législation environnementale ; la Commission a par ailleurs présenté, ce même 10 décembre, un nouveau paquet "omnibus" de simplification de cette législation dans les domaines des émissions industrielles, de l'économie circulaire, des évaluations environnementales et des données géospatiales, sur lequel Localtis reviendra dans sa prochaine édition.
Entre autres dispositions, la Commission propose ainsi :
- d'introduire des délais maximums à différents processus d'autorisation, avec mise en œuvre du principe "silence vaut acceptation" en l'absence de réponse des autorités dans les délais ;
- que "jusqu'à ce que la neutralité climatique soit atteinte, les États membres veillent à ce que, dans la procédure d'octroi des permis, la planification, la construction et l'exploitation des centrales et installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables, ainsi que leur raccordement au réseau, le réseau lui-même, les moyens de stockage et les stations de recharge, soient présumés être d'intérêt public majeur et, en ce cas, bénéficient d'une priorité lors de la mise en balance" avec d'autres intérêts (en prévoyant toutefois que les États membres pourraient exclure l'application de cette présomption "à des fins de protection du patrimoine culturel") ;
- que, lors de la mise en œuvre de mesures compensatoires pour des projets de centrales d'énergies renouvelables, le raccordement de ces centrales au réseau, le réseau lui-même et les installations de stockage, les États membres puissent, dans certains cas dûment justifiés, "autoriser la mise en œuvre de ces mesures compensatoires en parallèle avec la mise en œuvre du projet" ;
- ou encore de "rationaliser" les évaluations environnementales des PCI et des PMI électriques ainsi que des projets ayant "des impacts environnementaux plus faibles, tels que le repowering (renouvellement en augmentant leur rendement) des éoliennes et la rénovation des réseaux".
En contrepartie de ces multiples souplesses, la Commission propose, pour faciliter l'acceptation de ces projets par la population, que "les États membres adoptent des mesures visant à garantir qu'une part des avantages des projets d'énergie renouvelable d'une capacité installée supérieure à 10 MW soit répercutée, directement ou indirectement, sur les citoyens et les collectivités locales vivant à proximité de ces projets".
* La Commission a accordé, le 2 décembre dernier, le statut de PIC et de PIM à une nouvelle série de projets énergétiques transfrontaliers. Pour l'essentiel, 113 projets de réseaux électriques, 100 projets dans le domaine de l'hydrogène et des électrolyseurs et 17 projets de transport du carbone (détaillés dans la présente annexe).