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Prix de l'énergie, des déchets et de l'eau : Amorce lance l'alerte rouge

Alors qu'elle tiendra son 35e congrès du 20 au 22 octobre prochains, l'association Amorce alerte sur la flambée des prix, qui touche déjà l'énergie, bientôt les déchets et risque d'atteindre, demain, l'eau. Notamment dans le collimateur, une fiscalité jugée "machiavélique", accusée de viser "davantage à remplir les caisses qu'à protéger la planète" et qui suscite sentiment d'injustice et de "ras-le-bol" chez les collectivités.

Un cran supplémentaire. Alors que l'association Amorce avait exprimé de vives inquiétudes lors de son 34e congrès, tenu virtuellement le 3 février dernier, elle déclenche désormais "le signal d'alarme" à une semaine de son 35e congrès, qui se tiendra cette fois à Troyes, du 20 au 22 octobre prochains. "Un congrès placé sous le sceau des augmentations de coûts et de prix", a expliqué Nicolas Garnier, délégué général, lors d'une conférence de presse ce 14 octobre. Déchets, eau, énergie, aucun des trois domaines d'intervention de l'association ne semble en effet épargné.

Énergie : "casser une dynamique mortifère" 

Alors que la flambée des prix de l'énergie inquiète (voir notre article), l'association y voit une excellente raison d'accélérer la transition écologique et le déploiement des énergies renouvelables (ENR), plutôt que de traiter ses conséquences sur le pouvoir d'achat "avec des sparadraps". "Les ENR constituent une réponse non seulement au dérèglement climatique, mais aussi au pouvoir d'achat, sans parler des impacts positifs sur l'emploi", plaide Nicolas Garnier, qui déplore "la séquence assez triste, populiste, que l'on vient de vivre sur l'éolien, alors qu'il constitue aujourd'hui l'une des énergies les moins chères, les derniers appels d'offres faisant ressortir un coût de 60 euros/MWh". 
Jean-Patrick Masson, vice-président délégué aux politiques territoriales et à la distribution d’énergie, met pour sa part en avant "les réseaux de chaleur, qui constituent un véritable amortisseur face à la flambée des prix du gaz", et regrette le "renouveau du nucléaire", estimant que le coût de l'énergie produite par les petits réacteurs modulaires, vantés par le président Macron, ira "bien au-delà des 120 euros/MWh d'Hinkley Point". Plus largement, il dénonce le choix d'une "PPE, programmation pluriannuelle de l'énergie – ou plutôt électrique – qui fait le choix du renforcement de l'électrique en France" et appelle à un "débat démocratique sur les énergies". 
Dénonçant également le "dogme du tout électrique", Nicolas Garnier réclame un "grand plan national de résorption de la précarité énergétique", laquelle "touche un Français sur 7 et que l'on n'arrive pas à réduire". Un plan qui devra commencer "par bien identifier ces précaires". Michel Maya, vice-président délégué à la rénovation énergétique, estime pour sa part indispensable de "travailler davantage sur les économies d'énergie", en insistant sur la nécessité "d'accélérer la rénovation globale – et non par étapes – des bâtiments". "La ministre devrait faire des annonces pendant le congrès", espère-t-on. L'association attend par ailleurs de l'État qu'il accompagne singulièrement les collectivités dans la rénovation des bâtiments publics. Pour mémoire, elle vient de son côté de proposer un outil de simulation, eSherpa, pour les aider dans ce domaine (voir notre article).

Déchets : le "ras-le bol"

Sans conteste, le sujet des déchets reste toutefois le principal point de crispation, alors que la plupart des adhérents de l'association vont être contraints d'augmenter leur taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) pour faire face à la hausse des coûts de gestion des déchets (voir notre article). Gilles Vincent, président d'Amorce, fait part sans circonvolution de son "ras-le-bol" : "C'est facile, à Paris, dans un ministère, de donner des orientations sans se préoccuper de leurs conséquences. L'État impose aux collectivités des taxes et des modes de traitement de plus en plus coûteux, et les collectivités n'ont d'autre choix que d'augmenter leur TEOM, alors que nous avons atteint le maximum de ce que l'on peut faire payer aux ménages. Les élus en ont marre et vont se mobiliser pour signifier au ministre que ça suffit !"
Nicolas Garnier parle, lui, de "sentiment d'injustice". Il dénonce "un mécanisme fiscal diabolique qui pèse sur les collectivités, taxant le stockage des déchets résiduels bien qu'ils ne soient en grande partie pas recyclables. Tout est fait pour que les collectivités assument une grande partie des coûts, même ceux dont ils ne sont pas responsables, alors que les éco-organismes sont, eux, ménagés, même quand ils ne remplissent pas leurs objectifs. Même chose avec les metteurs sur le marché, auxquels l'État n'ose pas s'attaquer". Et de relever que "la TGAP augmente depuis trois ans déjà sans que les déchets aient commencé à être détournés. On n'avance pas sur la prévention. La quantité de déchets d'emballages ne se réduit pas. Non seulement les metteurs sur le marché ne payent pas le juste prix, mais il n'y a aucune évolution massive en matière d'éco-conception". 
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, l'association a ainsi participé à la rédaction d'amendements visant un gel de la TGAP et la création d'une "TGAP amont" (avec des amendements de repli portant sur les seuls produits en plastique ou sur les produits plastiques fabriqués à partir de résine vierge). Elle plaide encore pour la non-application de la TGAP aux déchets résiduels non recyclables et une meilleure affectation des recettes, que l'association souhaiterait par ailleurs plus "transparentes".
Autre source d'inquiétude, la mise en place de la "REP bâtiment". "Nous avons l'impression que les metteurs sur marché continuent de faire le pari que les déchetteries publiques vont assurer la gestion des déchets du bâtiment. Or si nous sommes prêts à signer des conventions d'un an pour faciliter la transition, en palliant les points de collecte manquants, cela ne saurait être que transitoire. On ne pourra pas tout accueillir en déchetterie", avertit Nicolas Garnier. L'expert attire également l'attention sur "la multiplication des éco-organismes, qui veulent chacun leur benne", préconisant de conduire une réflexion sur le "cloisonnement par produits".
Le retard pris en matière d'extension des consignes de tri est également regretté – "il faut aller vite sur la simplification du geste de tri" – et la collecte sélective des biodéchets continue d'interroger. "Beaucoup de collectivités ont lancé des études de faisabilité, mais le rythme de déploiement reste faible. Elle ne se développera que si, avec les aides, elle n'entraînera pas une augmentation de la TEOM", prévient Nicolas Garnier. Gilles Vincent espère encore de son côté "faire revenir le ministère sur la position des Ayatollah qui ne veulent que de la collecte en porte-à-porte, en nous empêchant de mettre en place des centres de sur-tri". 

Eau : prendre les devants

Dans le domaine de l'eau, la menace se ferait moins imminente, mais tout aussi grande. Nicolas Garnier appelle "à la plus grande vigilance alors que s'accumulent différents projets de textes qui pourraient faire grimper la facture". Principale crainte, une réforme du financement de l'eau, dans les cartons du gouvernement (voir notre article), qui entraînerait une "augmentation artificielle des coûts de la gestion de l'eau" et à laquelle se sont opposées plusieurs associations début juillet (voir leur déclaration commune). Amorce redoutait qu'elle ne prenne forme dans le projet de loi de finances pour 2022, ce qui n'est pour l'heure pas le cas. "La menace est repoussée d'un an", pronostique le délégué général, qui craint l'instauration, comme en matière de déchets, "d'une fiscalité machiavélique, de rendement, moins pour faire évoluer les choses que pour créer une recette importante pour Bercy, sous prétexte de sauver la planète, et un transfert de charges et d'impopularité vers les collectivités". 
L'association souligne également qu'est toujours attendu – depuis septembre 2019 – le futur texte sur l'encadrement des matières fertilisantes, "dont la publication serait toutefois imminente". Un sujet d'importance, alors qu'un "avis un peu rapide de l'Anses concernant l'utilisation des boues d'épuration a mis un grand nombre de collectivités rurales en difficulté" (voir notre article). L'association attend également une stabilisation des tarifs de rachat du biogaz des stations d'épuration. Dans le cadre du projet de loi de finances, elle a également participé à la rédaction d'un amendement visant à rehausser le "plafond mordant" qui pèse sur les agences de l'eau.
En conclusion, Nicolas Garnier indique que l'association sera également "très impliquée dans le suivi des CRTE (contrats de relance et de transition écologique), qui ne sont pour l'heure pas très TE". Non sans faire ainsi l'écho au thème du congrès : "La relance économique pour atteindre les objectifs de transition écologique des territoires".

 

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