SNBC 3 : "ultime" version avant publication promise au printemps prochain
Le ministère de la Transition écologique a publié le 10 décembre un nouveau projet de stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3), version à nouveau soumise à consultation avant adoption par décret promise cette fois "au printemps 2026". Par rapport au précédent jet, le document prévoit notamment des baisses des émissions de carbone en 2030 moins importantes dans les secteurs des déchets, des bâtiments et des transports. Elles seraient pour l'essentiel compensées par une dégradation moindre des capacités d'absorption des puits de carbone naturels.
© Stratégie nationale bas-carbone n°3. Sources : inventaire national des émissions de gaz à effet de serre Citepa - Secten 2025, modélisations DGEC – AMS run 3
Un projet en guise de cadeau d'anniversaire. "Dix ans jour pour jour après l'adoption de l'Accord de Paris, la France franchit une nouvelle étape de sa planification avec la publication du projet de troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3)", vante le 12 décembre le ministère de la Transition écologique dans un communiqué.
Une SNBC 3 toujours pas arrêtée
Mais il ne s'agit bien pour l'heure que d'une nouvelle version du document – et pas le document définitif –, censée tenir compte des plus de "7.600 propositions" formulées lors de la précédente consultation, mais aussi lors des COP régionales. Une version qui sera à son tour soumise à consultation du Conseil national de la transition écologique, du Haut Conseil pour le climat, du Conseil national d’évaluation des normes, des collectivités d’outre-mer et de Corse, de l'Autorité environnementale et, enfin, du public, "par voie dématérialisée" en l'espèce. Une "ultime consultation", assure la ministre Monique Barbut. Mais un texte qui pourra donc logiquement "encore être ajusté avant sa publication finale". Laquelle est annoncée, par décret, "au premier trimestre" ou "au printemps" (ce qui laisse davantage de marge) 2026. Sauf nouveau report, puisque cette "publication définitive" avait déjà été promise l'an passé pour "la fin du premier trimestre 2025" (lire notre article du 4 novembre 2024). Il faudra donc se montrer patient, comme avec la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), elle aussi attendue de longue date (publication "avant la fin de l'été" 2025, assurait-on encore en juillet dernier – lire notre article du 9 juillet) et toujours dans les limbes. Même si le Premier ministre a déclaré, le 24 novembre dernier, qu'il était "amené à devoir clarifier la stratégie de la PPE pour le pays", un "enjeu majeur […] qui ne peut pas attendre les élections présidentielles de 2027" et sur lequel il "souhaite pouvoir entendre les différentes formations politiques pour prendre des décisions d'ici à Noël".
Sept – ou huit – "grands objectifs"
Côté SNBC 3, la version paraît effectivement encore à parfaire, à en juger par les informations parfois discordantes figurant dans le document présenté par le ministère et le communiqué de presse du même ministère.
Le premier fait en effet état de sept grands objectifs :
- réduire de moitié les émissions territoriales (entendre, sur l'ensemble du territoire français) de gaz à effet de serre brutes d'ici 2030 par rapport à 1990, hors puits de carbone ;
- atteindre la neutralité carbone en 2050 ;
- garantir la souveraineté énergétique et sortir des énergies fossiles ;
- réduire notre consommation d'énergie finale, grâce à la sobriété et l'efficacité énergétiques, de 20% en 2030 et de 50% en 2050 (vs 2012) ;
- consolider les puits de carbone naturels, notamment via la gestion durable des forêts et des sols ;
- garantir une transition juste et soutenable sur les plans socio-économiques ;
- réduire l'empreinte carbone de la France, "en intégrant pour la première fois les émissions importées" – objectif déjà affirmé dans la précédente version. De 563 Mt C02éq. en 2024, elle devrait atteindre entre 426 et 464 Mt en 2030 et entre 160 à 215 Mt en 2050.
Auxquels le communiqué en ajoute un 8e : "Faire de la transition un levier de compétitivité, en offrant de la visibilité aux acteurs économiques et en adaptant les efforts à la capacité de chaque filière". Un objectif affirmé à l'échelon européen dans la foulée du rapport Draghi (lire notre article du 11 décembre).
Des réductions d'émissions revues à la baisse dans les déchets, les bâtiments et les transports
La présente version se fait légèrement moins optimiste que la précédente, avec une prévision d'émissions de 279 Mt CO2eq en 2030, contre 273 Mt précédemment. Elle prévoit en effet des baisses d'émissions moins importantes dans trois secteurs : les déchets, avec 12 Mt CO2eq en 2030 (soit une baisse de 28% vs 1990), contre 7 Mt dans la précédente version ; les bâtiments, avec 37Mt CO2eq en 2030 (-60% vs 1990), contre 35 Mt précédemment ; et les transports, avec 92 Mt CO2eq en 2030 (-26% vs 1990), contre 90 Mt précédemment. En l'état, le projet prévoit que ces moindres baisses seraient partiellement compensées pour l'essentiel par une dégradation moindre des capacités d'absorption des puits de carbone naturels, estimées à 25 Mt CO2eq en 2030 contre 19 Mt dans la précédente version. Un pari, puisque cette absorption est en baisse depuis 2013 (en 2023, 37 Mt CO2eq avaient été absorbées). Elles seraient dans une moindre mesure compensées par des émissions légèrement inférieures du secteur de la production et de la transformation de l'énergie : 26 Mt CO2eq en 2030 (-67% vs 1990), contre 27 Mt dans la précédente version. Pour les autres secteurs, les prévisions pour 2030 restent maintenues : 67 Mt CO2eq en 2030 pour l'agriculture (-28% vs 1990), 45 Mt pour l'industrie (-68%) et 37 Mt pour les bâtiments (-60%).
En 2050, le document prévoit que la plupart des secteurs devront avoir réduit leurs émissions à la portion congrue, avec un total de 61 Mt. Dans le détail, ces dernières ne devraient plus être alors que de 4 Mt pour l'industrie, 3 Mt pour les bâtiments, 3 Mt pour l'énergie et 0,6 Mt CO2eq pour les transports. Deux exceptions : l'agriculture avec 43 Mt CO2eq d'émissions prévues en 2050, et les déchets, avec 8 Mt CO2eq. Les puits de carbone naturels absorberaient, eux, 24 Mt CO2eq.
Report modal, suppression des chaudières dans le tertiaire, valorisation énergétique des CSR…
Concrètement, l'atteinte de la cible en 2030 suppose notamment, au regard du document :
- pour les transports, l'électrification de 15% du parc roulant de voitures particulières, une croissance de 25% du report modal des voyageurs ou encore un doublement de la part modale du fret ferroviaire
- pour l'agriculture, le développement des systèmes agroécologiques sur 36% des surfaces, de l'agriculture biologique sur 21% des surfaces ou encore de porter la part des systèmes bovins laitiers en pâturage dominant à 45% (vs 18% en 2020) ;
- pour l'industrie, de porter à 45% (vs 37% en 2023) la part d'électricité dans le mix énergétique, d'atteindre au moins 4,5 TWh de consommation d'hydrogène électrolytique et 4 à 8 Mt CO2 de carbone capté, deux filières encore embryonnaires à ce jour ;
- pour les bâtiments, l'installation de 8,8 millions de pompes à chaleur, la rénovation de 700.000 logements par an (dont 250.000 "rénovations d'ampleur") permettant d'atteindre "au moins deux sauts de classe DPE" ou encore la suppression de 85% de chaudières au fioul et 17% de chaudières à gaz dans le tertiaire ;
- pour la production d'énergie, la "fin de la consommation de charbon à horizon 2030, de pétrole d'ici 2045 et de gaz fossile en 2050" – objectifs déjà fixés par le président de la République lors de la COP 28 –, la fin de la production d'électricité à partir de charbon en 2027 ou encore l'atteinte de 4,5 GW de production d'hydrogène électrolytique (35 MW de capacité installée en 2024), conformément à l'objectif revu à la baisse de la stratégie hydrogène (lire notre article du 16 avril) ;
- pour les déchets, la réduction de 5% des déchets d'activités économiques et de 15% des déchets ménagers et assimilés par rapport à 2010, la diminution de 40% du volume de déchets stockés (vs 2022) ou encore la valorisation énergétique de 4 Mt de combustibles solides de récupération (environ 400.000 tonnes consommés en 2022 selon un rapport d'information du Sénat du 8 octobre – lire notre article).
Des orientations qui font toujours débat
Des objectifs qui peuvent parfois paraître très ambitieux et qui ne font, sans surprise, pas l'unanimité. Le réseau Cler déplore ainsi rien de moins que "la mise à l'arrêt de la rénovation énergétique", relevant que "le secrétariat général à la planification écologique préconisait de mener 600.000 rénovations globales annuelles […] que la nouvelle feuille de route fait dégringoler à 250.000". Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique pour Greenpeace France, pose plus globalement la question "de l'utilité réelle" de ce document, renvoyant à la publication de la PPE la mesure "de l'ambition réelle de l'État" en matière de décarbonation. Dans le détail, l'association déplore notamment que le gouvernement "esquive les objectifs de réduction de la consommation de viande" et prône par ailleurs "la sortie du gaz fossile dès 2035 et du pétrole en 2040".
Des objectifs pour les collectivités"Les collectivités représentent 25% des leviers d'action de la planification écologique nécessaires pour réduire de moitié nos émissions brutes [de GES] entre 1990 et 2030", peut-on lire dans les "compléments" joints au document. Lesquels présentent les "principaux objectifs" suivants : - PCAET : tendre vers un taux de conformité à la réglementation PCAET de 100% en 2030 pour les intercommunalités obligées (73% des obligées au 1er mars 2023) ; - Réglementation BEGES (bilans d'émissions de gaz à effet de serre) : tendre vers un taux de conformité à la réglementation de 100% en 2030 pour les collectivités obligées (actuellement 33% des obligées) ; - Trajectoire SNBC : aligner les objectifs de réduction de GES des Sraddet, SAR et le cas échéant les SRCAE, au fur et à mesure de leurs révisions ou mises à jour, avec la SNBC 3 ; veiller à la compatibilité des PCAET avec les règles du Sraddet, du SAR ou le cas échéant du SRCAE et à la prise en compte des objectifs de ce dernier ; - Programmes d'actions des PCAET : conduire par les collectivités territoriales des actions ambitieuses et opérationnelles en matière de transition écologique à travers leurs PCAET et CRTE, alignés avec la SNBC 3 ; - COP régionales : fixer par les COP régionales des feuilles de routes régionales de planification écologique, alignées quant au volet atténuation avec la SNBC 3, en concertation avec l’État, le conseil régional et l’ensemble des collectivités et acteurs de la région.
|