Environnement : la Commission européenne enchaîne les "omnibus de simplification"
La Commission européenne a présenté, ce 10 décembre, un nouveau paquet de simplification comprenant pas moins de six textes relatifs aux émissions industrielles, à l'économie circulaire, aux évaluations environnementales et aux données géospatiales. Elle devrait en présenter un nouveau le 16 décembre prochain, visant "à accroître la compétitivité de l'industrie alimentaire". Un texte qui déclenche d'ores et déjà un véritable tir de barrage des organisations environnementales.
© European Union, 2025/ Teresa Ribera, Valdis Dombrovskis et Jessika Roswall
Répondant au signal d'alarme tiré par le rapport Draghi (lire notre article du 10 septembre 2024), qui appelait notamment les autorités de l'UE "à réduire la charge administrative inutile" qui pèse sur la compétitivité de l'UE, le Conseil européen a fait de "la simplification l'une des grandes priorités de son programme stratégique 2024-2029", prônant même une "révolution" en la matière dans sa déclaration de Budapest sur le nouveau pacte pour la compétitivité européenne du 8 novembre 2024. Se conformant à la commande, qu'elle a fait sienne – "Nous devons faciliter la vie des entreprises", affirmait Ursula von der Leyen dans son discours du l'état de l'Union prononcé en septembre – la Commission européenne détricote chaque jour un peu plus, en partie du moins, ce qu'elle s'était pourtant employée à tisser naguère.
Un nouveau paquet de simplification de la législation environnementale…
Ce 10 décembre, elle vient ainsi de présenter un nouveau paquet de simplification ("omnibus") comprenant pas moins de six propositions législatives (voir ci-dessous) visant à "réduire les charges administratives pesant sur les entreprises" dans les domaines relatifs "aux émissions industrielles, à l'économie circulaire, aux évaluations environnementales et aux données géospatiales". Avec à la clé, vante la Commission, "environ 1 milliard d'euros d'économies annuelles". Une somme qui avait été bien moins mise en avant lors de l'adoption desdites mesures ayant désormais vocation à être allégées ou supprimées.
… avec des mesures plus ou moins sources de controverses
Certaines propositions ne devraient pas susciter d'importantes levers de boucliers. Ainsi du remplacement de la base de données sur les substances préoccupantes présentes dans les produits – au "coût disproportionnellement élevé", observe tardivement la Commission – par des "solutions numériques plus efficaces", comme "le passeport numérique des produits". Ou de l'alignement des exigences techniques applicables aux données géospatiales de la directive "Inspire" sur celles de la législation horizontale régissant ces données.
D'autres seront davantage scrutées, comme les assouplissements proposés pour la mise en œuvre des "systèmes de management environnemental" instaurés par la directive relative aux émissions industrielles : délai supplémentaire accordé aux opérateurs pour les préparer, suppression de leur audit par un organisme indépendant, exemption des agriculteurs et exploitants aquacoles de certaines obligations déclaratives... Ou comme la suspension de l'obligation pour les entreprises de désigner un mandataire pour remplir leurs obligations en matière de régime de responsabilité élargie des producteurs (REP) dans chaque État membre où elles commercialisent leurs produits (pour les batteries, emballages, équipements électroniques, plastiques à usage unique et déchets) "tant que la poursuite de la rationalisation de ces régimes au titre de la loi sur l'économie circulaire reste en attente".
D'autres pourraient susciter davantage de remous, comme la nouvelle "rationalisation des évaluations environnementales" pour l'octroi de permis aux "projets clés nécessaires à l'économie de l'UE", déjà à l'œuvre par ailleurs dans le paquet "réseaux" présenté ce même 10 décembre par la Commission (lire notre article).
Un autre omnibus à l'approche, déjà vertement contesté
Pas encore présenté, le prochain omnibus de simplification – le septième – que la Commission devrait rendre public le 16 décembre prochain essuie, lui, d'ores et déjà un véritable tir de barrage de la part des organisations environnementales. Conduites par Générations futures, 114 d'entre elles ont appelé, dans une tribune publiée le 1er décembre par le Monde, au retrait immédiat de ce texte visant "à accroître la compétitivité de l'industrie alimentaire et de l'alimentation animale", dixit son promoteur, le commissaire Várhelyi, dans un rapport publié le 4 novembre. "En réalité, un affaiblissement majeur de la réglementation sur les pesticides", estime pour sa part Générations futures. Laquelle redoute en particulier la suppression du système actuel de réexamen périodique, tous les 10 ou 15 ans, des autorisations de pesticides. "C'est précisément grâce à ces réexamens périodiques que 31 substances dangereuses ont été identifiées et interdites depuis 2011", argue l'association, qui dénonce en outre une proposition élaborée "sans aucune analyse d'impact".
Des études d'impact aux abonnés absents
Un vice qui affecte malheureusement nombre de dispositions législatives, contraignant le législateur à reprendre continuellement la plume pour corriger le tir, revenant sur le fond ou le calendrier de mise en œuvre. Ce 9 décembre, les négociateurs ont acté en trilogue le report d'un an de la mise en œuvre du deuxième système d'échange de quotas d'émission (lire notre article). Le 4 décembre, ils ont de même acté un nouveau report d'un an – le deuxième ! – de l'entrée en vigueur du règlement sur la déforestation, profitant par ailleurs de l'occasion pour le "toiletter" ça et là. Des reports qui ne sont pas sans affecter la compétitivité des bon élèves, qui avaient, eux, massivement investi pour répondre aux exigences en temps et en heure (lire l'encadré de notre article du 3 décembre 2024). Alors que l'appel à la stabilité des réglementations, tant européenne qu'hexagonale, se fait chaque jour plus pressant (pour un exemple, avec le ZAN, lire notre article du 25 novembre), on observera que faire et défaire, c'est toujours légiférer.
› Les six textes du paquet "omnibus"Proposition de règlement modifiant le règlement (UE) 2023/1542 et le règlement (UE) 2024/1244 en ce qui concerne la simplification de certaines exigences et la réduction de la charge administrative ; Proposition de règlement suspendant l'application des règles relatives à la nomination d'un représentant autorisé pour l'extension de la responsabilité du producteur pour les piles et les piles résiduelles et les déchets d'emballage et d'emballage ; Proposition de directive suspendant l'application des règles relatives à la nomination de représentants autorisés pour la responsabilité du producteur étendue en matière de déchets, de déchets d'équipements électriques et électroniques et de déchets plastiques à usage unique ; Proposition de règlement sur l'accélération des évaluations environnementales ; Proposition de directive visant à simplifier certaines exigences pour la mise en place de l'infrastructure d'information spatiale ; Proposition de directive sur la simplification de certaines exigences et la réduction de la charge administrative. |