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Transports / Environnement - Ecotaxe : les déclarations de Ségolène Royal continuent à faire des remous

"Je suis très favorable à l'écotaxe mais peut-être faut-il changer son nom", a estimé Dominique Bussereau, député UMP de la Charente-Maritime, le 16 avril. L'ancien secrétaire d'Etat aux Transports du gouvernement Fillon était auditionné dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds. Si elle vient à être mise en place, "il faut une phase d’expérimentation", a-t-il souligné, même si "en France, on n’aime pas ça". "Nous avons besoin de cet argent. Dans les collectivités, nous sommes en train de signer les volets mobilité des contrats de plan Etat-région, et il n’y a pas d’argent… Cela a d’ailleurs été l’une des questions lors des débats des élections municipales, le troisième appel à projets de transports collectifs étant bloqué. [En tant qu’élus locaux], nous sommes confrontés à cette réalité, nous en avons d’ailleurs parlé avec Roland Ries", le président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et maire socialiste de Strasbourg. "Ce qu’il ne faut pas faire ? Je ne crois pas à la régionalisation, évoquée par Jean-Marc Ayrault et d’autres élus. Des rabais ont déjà été consentis - 50% pour la Bretagne, 30% pour l’Aquitaine -, il ne faut pas ajouter d’exceptions. Nous sommes allés déjà trop loin", a affirmé Dominique Bussereau.
Réagissant aux pistes évoquées par la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, sur BFMTV/RMC le 15 avril, l’ancien secrétaire d’Etat aux Transports a estimé que faire payer une vignette pour les poids lourds à la frontière était "absurde". D’autre part, "distinguer les camions étrangers des camions français, ce serait formidable mais autant ne pas faire l’Europe", a-t-il ajouté.
Ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie puis ministre de l’Ecologie du gouvernement Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet a été entendue par la commission d'enquête après Dominique Bussereau. La députée UMP de l’Essonne a rappelé que pendant le Grenelle de l’environnement, il était question d’une écoredevance, qui est devenue "assez vite l’écotaxe". Des trois mesures de fiscalité écologique présentées alors (les deux autres étant le bonus-malus sur la voiture et la taxe carbone), l’écotaxe "avait le meilleur taux de popularité". L’idée de "taxer les poids lourds pour financer le ferroviaire et le fluvial" émergeait alors que des projets de lignes à grande vitesse (LGV) se lançaient, tout comme des projets de construction de tramways.
Le ministère de l’Ecologie recevait des courriers de collectivités, a assuré l’ancienne ministre. "Je me souviens du président du conseil général de Saône-et-Loire qui a écrit plusieurs fois pour demander que ses routes soient incluses [aux 15.000 kilomètres de routes nationales et départementales concernées par l’écotaxe]. Certaines collectivités n’en voulaient pas, mais la plupart le demandaient." Un compromis a ensuite été "trouvé sous l’égide du président des départements de France", a indiqué Nathalie Kosciusko-Morizet. "Je pense que tout délai était un risque" pour la mise en oeuvre de l’écotaxe poids lourds, qui aurait pu "bénéficier de l’élan du Grenelle". Avec ce délai, "[on] prenait le risque que l’opération [soit] moins lisible". D’ailleurs, "au début de la mise en place des portiques, il n’y a eu aucun problème", a-t-elle souligné, ajoutant que "la 'question des Bretons' avait été soulevée et déminée par une négociation, du temps de Jean-Louis Borloo".
Selon l'ancienne ministre de l'Ecologie, l'idée de Ségolène Royal de réserver l'écotaxe aux camions étrangers est "bonne sur le principe" mais irréalisable au regard des règlements européens. "Faire payer les camions étrangers, c'est une bonne idée. C'est justement un des objectifs de l'écotaxe", a-t-elle souligné sur RTL. "Aujourd'hui, les camions étrangers ne paient rien quand ils ne passent pas par l'autoroute. Vous pouvez avoir un camion étranger qui traverse la France et qui ne paie rien, même pas la taxe sur l'essence", a-t-elle rappelé. Mais "il y a aussi des règles européennes. On ne peut pas, pour le même service ou pour le même usage de la route, faire payer différemment. Sur le principe, ça a l'air d'une bonne idée mais vous ne pouvez pas faire n'importe quoi en la matière", a développé Nathalie Kosciusko-Morizet. La ministre de l'Ecologie "Ségolène Royal fera étudier des propositions alternatives si elle veut mais elle se rendra vite compte de la complexité à la fois technique et juridique du problème", a-t-elle prédit. Lors de son audition au Sénat, Nathalie Kosciusko-Morizet a rejeté encore plus clairement cette idée. "Je ne pense pas que ce soit acceptable d'avoir une vignette seulement pour les étrangers, je pense qu'il faut aussi une vignette pour les Français", a-t-elle dit.
De son côté, Bertrand Pancher, député UDI de la Meuse et membre de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, a alerté dans un communiqué ce 17 avril sur le risque de "condamnation à mort des transports de demain", après les dernières déclarations de Ségolène Royal. "Faute de l'apport d'une partie des moyens découlant de l'écotaxe, plus aucune nouvelle grande infrastructure ne sera réalisée dans notre pays", prévient-il. Le député en appelle au président de la République pour que celui-ci "siffle la fin de la récrée et exige de sa quatrième ministre de l'Ecologie qu'elle respecte un grand engagement environnemental et mette en place cette mesure de bon sens en tenant compte des préconisations du Parlement."
La mission parlementaire d'information sur l'écotaxe poids lourds, pilotée par le président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre), qui devait quant à elle rendre son rapport et ses recommandations le 30 avril, est reportée de quelques semaines, le temps d'auditionner la ministre de l'Ecologie et le ministre des Finances et des Comptes publics, Michel Sapin. La décision a été prise lors d'une réunion des 49 membres de la mission, le 16 avril, après qu'une quinzaine de députés, toutes tendances confondues, a demandé l'audition des ministres.

 

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