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Un secrétaire d'État dédié à la ruralité... et plusieurs autres nouveautés

Le gouvernement de Jean Castex est enfin au complet après la nomination dimanche soir de onze secrétaires d'État, dont six nouvelles personnalités. L'équipe compte au final 16 ministres, 14 ministres délégués et 12 secrétaires d'État (un seul, Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, avait été nommé dès le 6 juillet), soit un total de 42 membres.

Les secrétaires d'État reconduits sont Sophie Cluzel (Personnes handicapées), Jean-Baptiste Lemoyne (Tourisme, Français de l'étranger et Francophonie), Cédric O (Transition numérique et Communautés électroniques), Laurent Pietraszewski (Retraites et Santé au travail) et Adrien Taquet (Enfance et Familles), ce dernier voyant son périmètre élargi.

Parmi ces nouveaux entrants, le conseiller de l'Élysée Clément Beaune (Affaires européennes) mais surtout cinq députés : Bérangère Abba (Biodiversité), Nathalie Élimas (Éducation prioritaire), Sarah El Haïry (Jeunesse et Engagement), Olivia Grégoire (Économie sociale, solidaire et responsable) et Joël Giraud (Ruralité). 

Deux des volontés affichées par Emmanuel Macron depuis le déconfinement, l'attention à la jeunesse et celle portée aux territoires et au monde rural, sont illustrées par la création d'un secrétariat d'État à la Ruralité et par l'arrivée de deux secrétaires d'État à l'Éducation prioritaire et à la Jeunesse et à l'Engagement auprès de Jean-Michel Blanquer.

Parmi les entrants figurent deux députées du Modem de François Bayrou : Nathalie Elimas et Sarah El Haïry.

Après le départ de figures marquantes du gouvernement d'Édouard Philippe (Nicole Belloubet, Muriel Pénicaud, Christophe Castaner, Didier Guillaume ou encore Sibeth Ndiaye), seules deux secrétaires d'État font les frais de ces nouvelles nominations : Brune Poirson et Christelle Dubos.

Le président de la République les réunira tous à l'occasion du prochain conseil des ministres, ce mercredi 29 juillet à 10h00, a précisé l'Elysée. Déjà pléthorique, le gouvernement pourrait encore être complété par la nomination de hauts-commissaires.

Joël Giraud, un montagnard à la ruralité en passant par les finances

Une question d’équilibre… politique et territorial. Après le remaniement ministériel et l’arrivée d’une ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai, et d’une autre à la Mer, Annick Girardin, les ruraux se sentaient un peu oubliés, une fois de plus. Eux qui militent depuis des années pour la création d’un ministère de plein exercice dédié à la ruralité. Il a fallu un entretien, le 12 juillet, entre Michel Fournier, premier vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), le Premier ministre, Jean Castex, et la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, pour corriger cette regrettable erreur. C’est en partie fait avec l’arrivée au gouvernement du député des Hautes-Alpes Joël Giraud en tant que secrétaire d’État à la Ruralité. "Il y a désormais un ministre, associé à une politique et une équipe au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Au travail !", a salué l’AMRF. La "ruralité" avait disparu des intitulés ministériels depuis 2017. Le dernier ministère en date était celui "de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales" de Jean-Michel Baylet, autre radical de gauche (c’est une tradition, lui-même succédait à Sylvia Pinel) sous le gouvernement Valls 2. Élu PRG rallié à LREM en 2017, Joël Giraud symbolise l'aile gauche du parti présidentiel et participe du même coup au rééquilibrage du gouvernement marqué par quelques ténors de droite.

Pour l’AMRF "il est désormais temps d’accélérer les mesures de l’Agenda rural", une idée "vendue" à Emmanuel Macron par le président de l’association, Vanik Berberian, en janvier 2019, en pleine crise des gilets jaunes. L’Agenda rural avait été lancé en septembre de la même année par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, à Eppe-Sauvage (Nord). Si les élus et associations de la ruralité s’étaient réunis dans un "parlement rural" autoproclamé pour faire pression, force est de constater que nombre des 180 mesures annoncées sont toujours en plan. Et pas des moindres. La réforme des ZRR est de celles-là.

Le constat est semble-t-il partagé par Jean Castex qui a demandé à "amplifier" les actions de cet agenda, lors de son discours de politique générale au Sénat, le 16 juillet. "La priorité des priorités, c'est de trouver ou de retrouver le chemin d'un développement économique du monde rural, a déclaré l'ancien maire de Prades (Pyrénées-Orientales). Il faut donc revitaliser nos territoires ruraux par l'économie : le service public suivra." Le secrétaire d’État sera aussi amené à piloter, via l’ANCT, le programme Petites Villes de demain attendu depuis plusieurs mois.
Ces sujets, Joël Giraud les connaît bien, lui qui a été le maire d’une petite commune des Hautes-Alpes, L’Argentière-la-Bessée, ancienne ville minière frappée par la désindustrialisation avec la fermeture du site de Péchiney en 1985 (sort que connaîtra Auzat, en Ariège, quelques années plus tard), bien qu’idéalement située en bordure du parc national des Écrins. Mais il a une autre corde à son arc : c’est un fin connaisseur des finances publiques. Il a été rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée de 2017 à 2019 (après avoir rallié le groupe LREM). "Tout se passe à la commission des finances", notamment "sur les questions des collectivités locales qui m’intéressent beaucoup", avait-il expliqué à Contexte, il y a deux ans. De fait, il s’est évertué à faire passer bon nombre d’amendements intéressants les territoires ruraux, notamment sur les ZRR (permettant notamment de maintenir dans le zonage les quelque 4.000 communes qui auraient dû en sortir en juillet 2019), la pluriactivité, les CCI rurales... Il avait également animé quelques échanges sur la répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) - défavorable selon lui aux départements tels que le sien -, avec celle qui est désormais sa ministre de tutelle, Jacqueline Gourault. À noter qu’il présidait jusqu’ici le Conseil national de la montagne où il a œuvré plus spécifiquement pour le suivi de la loi Montagne II. En revanche, il passe pour être un peu moins sensible aux questions environnementales. Il a en effet observé une grande discrétion sur la construction d’une ligne à très haute tension qui agite la vallée de la Haute-Durance depuis quelques années.

Social : une galaxie reconfigurée

Côté social, Adrien Taquet reste donc auprès d'Olivier Véran au ministère des Solidarités et de la Santé et ses attributions sont élargies. Il n'est plus en charge de la seule "protection de l'enfance" mais "de l'enfance et des familles". Adrien Taquet voit dans ce nouveau périmètre celui d'une "politique qui accompagne les familles à toutes les étapes de ma vie", d'une "politique familiale ambitieuse" en tant que "levier de lutte contre les inégalités de destin", selon la formule chère à Emmanuel Macron. Dans un communiqué, il insiste toutefois sur la poursuite de ses chantiers précédents, dont la "stratégie de prévention et de protection de l'enfance dans chaque département" (avec la préparation de la deuxième vague de contractualisations pour 2021) et indique au passage que le rapport de la commission des 1.000 premiers jours de l'enfant sera remis à la rentrée. 
Adrien Taquet côtoiera la ministre déléguée d'Olivier Véran, à savoir Brigitte Bourguignon, en charge de l'Autonomie (et qui avait en tant que députée et présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée pas mal travaillé sur la protection de l'enfance). 
En revanche, Christelle Dubos, secrétaire d'État sous le dernier gouvernement Philippe, en charge principalement de la lutte contre la pauvreté, est sortie du gouvernement. "Du plan Pauvreté à la protection des plus précaires face à la crise du #COVID_19, il y a à la fois la fierté des batailles menées et l’impatience des combats à venir", a-t-elle tweeté. Faute d'un secrétariat dédié, on peut imaginer que ces "batailles" seront reprises en partie par Adrien Taquet et en partie par Brigitte Klinkert, ministre déléguée à l'insertion… mais dans un autre ministère, celui d'Élisabeth Borne. Certains acteurs sociaux s'interrogent déjà. Tout comme d'aucuns ont relevé une autre question : "Une ministre de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, qui est en fait ministre des personnes âgées auprès de Olivier Véran, une secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, placée auprès de Jean Castex, on ne pouvait rêver organisation plus cohérente et rationnelle pour la 5e branche", a ainsi ironisé Luc Broussy, figure du secteur du vieillissement. 
En revanche, la reconduction de Sophie Cluzel rassure les associations qui s'étaient inquiétées de l'absence d'un ministère délégué au Handicap lors de la formation du gouvernement Castex, alors que ce sujet concerne au sens large près de 12 millions de personnes. Depuis son entrée au gouvernement en 2017, Sophie Cluzel a prôné l'"inclusion" des personnes handicapées en milieu ordinaire, à l'école, à leur domicile ou au travail, une mission qui paraît d'autant plus prioritaire avec la crise. Jean Castex prévoit d'ailleurs la tenue prochaine d'une Conférence nationale du handicap. La dernière avait eu lieu en février.
Enfin, autre reconfiguration, l'économie sociale et solidaire qui avait un temps disparu de l'organigramme gouvernemental (elle était sous Édouard Philippe placée du côté de la Transition écologique) fait son retour… mais à Bercy. C'est Olivia Grégoire, ex-cheffe d'entreprise jusqu'alors vice-présidente de la commission des finances de l'Assemblée, placée à l'aile droite de LREM, qui a été nommée secrétaire d'État "à l'Économie sociale, solidaire et responsable" auprès de Bruno Le Maire.

La biodiversité retrouve une secrétaire d'État, l'économie circulaire perd la sienne

La députée LREM de la Haute-Marne Bérangère Abba a été nommée secrétaire d'État chargée de la biodiversité auprès de Barbara Pompili qu'elle connaît bien, puisqu'elle a siégé près de trois ans dans la commission au développement durable de l'Assemblée que présidait précédemment la nouvelle ministre de la Transition écologique. Sous la présidence de François Hollande, Barbara Pompili avait elle-même été chargée du tout premier secrétariat d'État à la Biodiversité, de février 2016 à mai 2017, et fait adopter la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Au début de l'actuelle législature, Bérangère Abba est devenue membre du Conseil national de la transition écologique et préside en outre le groupe d'études de l'Assemblée nationale consacré aux parcs nationaux et aux parcs naturels régionaux. Elle a aussi participé à la commission d'enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Elle a également rejoint dès le début de son mandat de députée le groupe d’études de l’Assemblée nationale "chasse et territoires". Avant de siéger au Palais Bourbon, cette ancienne commerçante qui a cumulé des expériences diverses en tant que cheffe de projet culturel, manager d'artistes, organisatrice d'événements ou en tant que directrice de production de documentaire, a été élue conseillère municipale de Chaumont en 2014.
Comme secrétaire d'État, elle hérite de plusieurs dossiers de poids, à commencer par l’application et le suivi des propositions de la Convention citoyenne pour le climat concernant la biodiversité et la lutte contre l’artificialisation des sols. Elle aura aussi à finaliser d’ici l’automne la stratégie nationale en matière d’aires protégées visant à concrétiser l’engagement d’Emmanuel Macron de protéger 30% des aires terrestres et marines du territoire, dont 10% placées sous "protection forte". Elle aura aussi à boucler la stratégie nationale pour la biodiversité, dans la perspective du Congrès mondial de la nature organisé par l’UICN à Marseille, qui aurait dû se tenir en juin et qui a été reporté pour cause de crise sanitaire du 7 au 15 janvier 2021. En lien avec le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, elle devra aussi piloter la stratégie de sortie du glyphosate et gérer l’épineux dossier de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaire.
Bérangère Abba est l'unique secrétaire d'État auprès de Barbara Pompili. Brune Poirson qui était dans le précédent gouvernement secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et avait porté la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire n'a pas été reconduite dans ses fonctions. Une absence surprenante au moment où ce texte important doit entrer dans sa déclinaison pratique. Brune Poirson s'est tout de même dit dans un tweet "très honorée d'avoir pu faire avancer la transition écologique en France en portant la loi anti-gaspillage qui a transformé le secteur des déchets".

Cédric O reconduit avec un portefeuille élargi 

Après vingt jours de suspense, Cédric O a été reconduit et nommé, dimanche 26 juillet 2020, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, auprès de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, et de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Il voit donc son portefeuille élargi aux "communications électronique", et change, au passage, de ministres de tutelle.
Depuis le 1er avril 2019, Cédric O était secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances et du ministre de l’Action et des comptes publics, chargé du Numérique. Au titre des dossiers délicats, le ministre devra continuer de suivre "StopCovid", l’application pour le traçage des malades du Covid-19, un double flop qui n'aura pas empêché son maintien et sa promotion. Cédric O sera aussi tenu de faire avancer le dossier télécom, largement ralenti par la crise sanitaire et qu’il qualifie sur Twitter "d’épine dorsale de la transformation numérique". Charge aussi à lui de déployer la nouvelle carte d'identité digitale à l'horizon 2021. Globalement, comme le résume Cédric O sur Twitter depuis sa nomination, les chantiers de son portefeuille sont multiples et transervaux : "Le confinement l'a montré : le numérique a pris une part prépondérante dans nos vies. Formation aux usages, emplois, souveraineté, réseaux sociaux, écologie... cette révolution, il nous faut l’accompagner pour que chacun en bénéficie. La France et l’Europe ont les atouts pour réussir !"

Éducation, une "vraie stratégie pour la jeunesse"

Le nouveau gouvernement, qui vient d'être complété avec la nomination de onze secrétaires d'État, dont deux pour le seul ministère de l'Éducation, "a une vraie stratégie pour la jeunesse", a fait valoir lundi 27 juillet Jean-Michel Blanquer sur France Inter. 
Nathalie Élimas sera chargée spécifiquement de l'éducation prioritaire. À 47 ans, la députée Modem de la 6e circonscription du Val-d'Oise est une ancienne juriste reconvertie dans l'enseignement et directrice d'école. Elle est membre de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, conseillère régionale depuis 2015, et, jusqu’alors, également membre de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République. Le syndicat SUD Éducation voit dans la création d’un secrétariat d’État à l’Éducation prioritaire "le signe de la volonté du ministère d’aller au bout, au plus vite, de la réforme de l’éducation prioritaire", déjà repoussée à 2021. Une réforme dont les grandes lignes sont prévues par le rapport Mathiot-Azéma, publié en octobre 2019 (lire nos articles du 30 janvier 2020 et du 12 février 2020).
À 31 ans, Sarah El Haïry, hérite quant à elle du secrétariat d'État à la Jeunesse et l'Engagement, succédant à Gabriel Attal. Figure montante de la formation de François Bayrou, spécialiste de l'économie sociale et solidaire, elle est aussi élue députée de Loire-Atlantique depuis 2017 sous les couleurs du MoDem. Au Parlement, la députée siégeait à la commission des finances. En novembre 2018, elle avait été rapporteure d'une proposition de loi visant à améliorer les trésoreries des associations. En juin, elle a remis au gouvernement un rapport "Pour une philanthropie à la Française". Nathalie Élimas et Sarah El Haïry "doivent contribuer à cette tâche très importante que nous avons qui est de lutter contre les inégalités de façon générale et d'avoir une priorité jeunesse", a insisté le ministre de l'Éducation nationale, en rappelant le plan spécifique pour l'emploi des jeunes récemment annoncé par le Premier ministre, Jean Castex.