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Développement durable - Environnement, énergie : la transition, c'est maintenant ?

2013 sera une année décisive pour la mise en oeuvre des objectifs fixés par la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012. Dossier le plus sensible : la transition énergétique dont le débat de fond commence en janvier, et doit déboucher sur une loi de programmation.

"Préparer le débat national sur la transition énergétique", "Faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité", "Prévenir les risques sanitaires environnementaux", "Financement de la transition et fiscalité écologique", "Améliorer la gouvernance environnementale" : les têtes de chapitre de la "feuille de route pour la transition écologique" issue de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012 illustrent les ambitions que le gouvernement s'est fixé pour les mois à venir. A l'issue d'un séminaire gouvernemental qui s'est tenu le 4 décembre pour décliner la feuille de route, la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a affirmé que "30% des engagements" figurant dans ce document étaient "d'ores et déjà tenus". Reste que 2013 sera une année déterminante pour la mise en musique des dispositions les plus importantes, qui vont nécessiter plusieurs textes législatifs.

Transition énergétique : début du débat de fond en janvier

C'est l'un des volets les plus délicats comme l'illustrent les polémiques récurrentes sur les hydrocarbures de schiste et l'avenir du nucléaire. La feuille de route gouvernementale s'appuie sur deux principes : efficacité et sobriété énergétiques d'une part, priorité donnée aux énergies renouvelables d'autre part. Le président de la République s'est ainsi engagé à faire passer la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75% à 50% en 2025.
Avant même l'ouverture de la conférence environnementale, François Brottes, député PS de l'Isère, a déposé le 5 septembre 2012 une proposition de loi (PPL) visant à créer des tarifs progressifs pour l'électricité, l'eau et la chaleur, avec un système de bonus/malus pour encourager les ménages à modérer leur consommation et à améliorer l'isolation de leurs logements. Et pour lutter contre la précarité énergétique, le texte a fixé un objectif d'élargissement des tarifs sociaux de l'énergie à 4 millions de foyers. Mais après son adoption dans un climat houleux à l'Assemblée, du fait notamment de l'introduction de mesures assouplissant la réglementation de l'éolien, la proposition de loi a été rejetée fin octobre au Sénat. La commission mixte paritaire réunie le 19 décembre n'étant pas parvenue à trouver un accord, le texte va revenir devant l'Assemblée en janvier. En cas de nouveau rejet au Palais du Luxembourg, les députés auront le dernier mot. Mais il faut de nouveau s'attendre à de sérieuses empoignades dans l'hémicycle. Si la droite fustige des mesures qualifiées d'"usine à gaz", les parlementaires communistes voient dans le dispositif de bonus/malus une "rupture d'égalité devant l'accès à l'énergie" et ont déposé leur propre proposition de loi reprenant le volet social de la PPL Brottes. Dernièrement, les députés centristes de l'UDI ont à leur tour apporté leur contribution au débat en déposant un texte proposant l'institution d'un "chèque énergie" destiné à la fois aux salariés – avec une participation de l'employeur - et aux "personnes rencontrant des difficultés sociales et en situation de précarité énergétique", selon l'exposé des motifs.
Tandis que la PPL Brottes suivait son parcours chaotique au Parlement, le débat sur la transition énergétique prévu pour l'automne peinait à démarrer. Après la mise en place un peu laborieuse des différentes instances, et notamment du comité de pilotage chargé de l'animer, qui a donné lieu à des tensions avec les ONG environnementales, il a officiellement été lancé le 29 novembre avec la première réunion de son Conseil national rassemblant 112 membres répartis en sept collèges (Etat, employeurs, syndicats, ONG de défense de l'environnement, autres associations, associations d'élus locaux et parlementaires). Une deuxième réunion de ce Conseil national, le 13 décembre, s'est bornée à cadrer l'organisation. Il faudra donc attendre la prochaine plénière, le 24 janvier, pour que le débat de fond démarre vraiment. En régions, le débat doit démarrer à partir de février et durer jusqu'à la fin juin. Compte tenu des retards au démarrage, la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a reconnu que la loi de programmation sur la transition énergétique ne sera pas prête avant septembre. Plus pessimiste, le président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, Jean-Paul Chanteguet, l'attend, lui, plutôt pour la fin 2013.
Il est sûr en tout cas que le débat sera animé. Sur la question ultra-sensible des hydrocarbures de schiste, notamment, les députés écologistes ont déjà déposé le 11 décembre une proposition de loi visant à interdire toute exploration et exploitation, quelle que soit la technique utilisée. Une manière sans doute de se démarquer des propos tenus par François Hollande le 13 novembre dernier, au cours de sa grande conférence de presse sur les six premiers mois de sa présidence. "Aujourd'hui, la fracturation hydraulique serait une atteinte à l'environnement, je la refuse et je la refuserai tant que je serai là. Durant mon quinquennat, tant qu'il n'y aura pas de nouvelle technique, il n'y aura pas d'exploitation des gaz de schiste", affirmait alors le chef de l'Etat. Avant d'ajouter : "La recherche [sur d'autres techniques] n'est pas interdite par la loi, elle existe, je ne peux pas l'interdire. Je laisse les entreprises et les chercheurs travailler et je prendrai mes responsabilités le moment venu".
Le débat sur la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique promet aussi de cristalliser les passions. Déjà, la fermeture annoncée pour 2016 de la centrale nucléaire de Fessenheim, doyenne des centrales françaises, suscite localement de vives controverses. Tout juste nommé délégué interministériel à la fermeture de Fessenheim et à la reconversion du site, Francis Rol-Tanguy a connu le 14 décembre une première visite sur le terrain mouvementée, les salariés de la centrale lui interdisant l'accès.
Beaucoup moins polémique et porteur de lourds enjeux aussi bien environnementaux, économiques que sociaux, le programme de rénovation énergétique des bâtiments - 500.000 logements par an à l'horizon 2016 – doit donner lieu très prochainement à une table ronde permettant d'"acter les grands arbitrages" avant le lancement du plan proprement dit, selon Philippe Pelletier, chargé de la conduite de ce plan "Bâtiment durable".
Enfin, en termes de gouvernance énergétique, l'Acte III de la décentralisation pourrait aussi apporter du nouveau en consacrant la notion d'"autorités organisatrices d'un réseau public de distribution". De nombreux élus en ont exprimé le souhait lors du dernier Congrès des maires, à condition de prévoir des garde-fous pour préserver la péréquation tarifaire nationale. Delphine Batho s'est alors montrée favorable à la proposition.

Vers une loi-cadre biodiversité

La "feuille de route pour la transition écologique" prévoit la création d'une Agence nationale de la biodiversité dont les missions, l'articulation avec les collectivités locales, les relations avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche doivent faire l'objet d'une concertation dans le cadre de la préparation d'une loi-cadre "biodiversité". Deux préfigurateurs ont été nommés pour la future Agence. Leurs travaux sont en tout cas très attendus par les collectivités. D'autant que l'acte III de la décentralisation pourrait conférer aux régions un rôle de chef de file en termes de préservation de la biodiversité. Parmi les mesures immédiates figurant dans la feuille de route, la publication des textes relatifs à la trame verte et bleue était prévue "d'ici fin 2012" tandis que le premier programme d'actions de la Stratégie de création d'aires protégées doit être finalisé d'ici mi-2013. Les portraits de la biodiversité communale sous forme de prototypes étaient attendus "d'ici la fin de 2012" avant des produits complétés en 2013. La réalisation des Atlas de la biodiversité communale sera également poursuivie. A noter aussi le 13 décembre, la création d'un cinquième parc naturel marin, le parc des estuaires picards et de la mer d'Opale. Au cours des mois à venir, de nouvelles mesures sont attendues dans le cadre de la lutte contre l'artificialisation des espaces agricoles et naturels. La prochaine loi sur le logement, l'urbanisme et la ville préparée par Cécile Duflot devrait définir le cadre juridique d'une ville plus dense et donc moins consommatrice d'espaces et d'énergie. Le gouvernement s'est également engagé dans sa feuille de route à mener une réflexion d'ici fin 2013 sur les moyens réglementaires à mettre en œuvre pour une véritable protection des riverains face aux traitements phytosanitaires. D'ici mars 2013, un bilan de la politique de l'eau de 2006 à 2012 sera mené. Le renforcement des moyens dévolus aux agences de l'eau – 13,3 milliards d'euros pour le 10e programme (2013-2018) contre 12,4 milliards d'euros pour le 9e programme 2007-2012 – doit servir en priorité à l'amélioration de l'état des masses d'eau pour répondre aux objectifs fixés par le directive cadre sur l'eau.

Qualité de l'air : gare à l'asphyxie !

En matière de santé environnementale, la qualité de l'air extérieur devient de plus en plus préoccupante. Plusieurs études alarmistes ont montré ces derniers mois à quel point les villes françaises étaient exposées à la pollution aux particules fines, considérées comme les plus dangereuses pour le système respiratoire. En septembre, Delphine Batho s'est engagée à mettre en place un comité interministériel sur la qualité de l'air en promettant des solutions concrètes pour janvier.

Fiscalité écologique : le retour

La feuille de route pour la transition écologique promettait d'étendre et de renforcer la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dans la loi de finances 2013. C'est chose faite avec une revalorisation des tarifs TGAP et une extension de la TGAP air à cinq nouvelles substances (benzène, arsenic, sélénium, mercure, hydrocarbures aromatiques polycycliques) à partir du 1er janvier 2013. Un comité permanent sur la fiscalité écologique présidé par Christian de Perthuis, professeur à Paris Dauphine et spécialiste de l'économie du climat a en outre été mis en place le 18 décembre pour proposer de nouvelles mesures de "verdissement" du système fiscal français. Il devra remettre d'ici juin des propositions qui pourront être incluses dans le prochain projet de loi de finances.

Simplifier le droit de l'environnement

La "feuille de route de la transition écologique" a prévu des "Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement" à la fin du printemps 2013. Ils doivent s'appuyer sur les propositions d'un groupe de travail regroupant les services centraux et déconcentrés de l'Etat, les services des collectivités, les représentants des associations et organisations oeuvrant en matière d'environnement, des représentants des industriels, de l'aménagement et de la maîtrise d'ouvrage, des juristes spécialisés en droit de l'environnement et des experts de la sociologie participative.
 

 

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