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Future loi de programmation, stratégie nationale de prévention, pouvoirs de police... la sécurité entre deux eaux

L’année 2019 aura été marquée par les manifestations, l’agression mortelle du maire de Signes, l’attentat commis à la préfecture de police et, dans une moindre mesure, l’incendie de l’école du cirque de Chanteloup-les-Vignes. 2020 sera celle de la concrétisation du "continuum de sécurité" - chantier ouvert depuis deux ans -, du "livre blanc" annoncé pour le début de l'année préfigurant la future loi de programmation de la sécurité. Est également fortement attendue la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance et de la radicalisation... La sécurité sera au cœur des prochaines élections municipales.

2019 aura été particulièrement éprouvante pour les forces de sécurité, toujours mobilisées dans le cadre de la prévention du terrorisme (v. infra) et accaparées par les manifestations des gilets jaunes. Mais si la vague d’attentats perpétrés depuis 2015 avait eu pour effet de rapprocher la population des forces de l’ordre, ce mouvement instaura au contraire une certaine cassure avec une partie de la population.

Loi "anticasseurs" et caméras piétons

Conséquence des débordements qui accompagnent désormais chaque manifestation ou presque, l’adoption, dans la difficulté, d’une loi "anticasseurs". Mais aussi la remise en cause des LBD, dont certaines collectivités, ne souhaitant pas s’équiper d’armes à feu – que le gouvernement s’est refusé à généraliser – s’étaient par ailleurs dotées. En revanche l’usage des caméras piétons s'est généralisé, elles sont désormais adoptées tant par les policiers municipaux que par les sapeurs-pompiers.

PSQ et QRR

Autre répercussion de ce contexte social mouvementé, le déploiement de la "police de sécurité du quotidien" (PSQ) que le gouvernement avait lancée en grande pompe en 2018 a pris du retard. Pour souffler la première bougie de la PSQ, le ministre de l’Intérieur annonçait toutefois le lancement de 17 nouveaux "quartiers de reconquête républicaine", vocable dont on ignore s’il contribuera à améliorer l’image des quartiers dits "sensibles" qui continue de se dégrader . Le dispositif bénéficia en outre de renforts durant l’été. La situation reste très tendue dans de nombreux quartiers. Aux abois, une cinquantaine de maires ont ainsi relayé auprès du président de la République l’appel – l’alerte – de leurs administrés à "vivre en toute tranquillité" lancé après l’incendie de l’école du cirque de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), causé par des tirs de mortiers d’artifice, dont le gouvernement étudie l’interdiction.

Essor des polices municipales

"À portée d’engueulades", selon l'expression favorite du président du Sénat, Gérard Larcher, les maires ont intégré qu’ils devaient apprendre à compter sur eux-mêmes face à un État défaillant pour répondre aux attentes de leurs concitoyens. Au prix d’importants investissements, et parfois au risque de dépasser leurs prérogatives ou d’encourir la censure. La ville de Saint-Étienne a ainsi dû renoncer à ses capteurs de son et celle de Nice à la reconnaissance faciale – problème qu’a également rencontré l’État lui-même avec une application de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

"Continuum de sécurité"

La place des collectivités dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le "continuum de sécurité" – que le chef de l’État a indiqué vouloir "améliorer" lors du dernier Congrès des maires – est désormais incontournable. Mais si les collectivités sont régulièrement invitées à apporter leur pierre à l’édifice, elles n’en souffrent pas moins d’un manque de reconnaissance, redoutant un rôle simplement supplétif , voire une recentralisation de leurs actions.

Loi d’orientation et de programmation et "livre blanc" sur la sécurité

Dans ce contexte, la future loi d’orientation et de programmation sur la sécurité est attendue avec d’autant plus d’impatience. Elle a fait l’objet de premières discussions en 2019. Elle sera précédée d’un "livre blanc de la sécurité intérieure", annoncé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 12 juin et dont les travaux ont été lancés par le ministre de l’Intérieur en octobre. Ce livre blanc est annoncé pour le début de l'année 2020. Le Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU) a d’ores et déjà fait part de sa contribution. L’avenir dira le sort réservé à ses 120 propositions. Un bon test sera de voir la demande récurrente des collectivités de pouvoir accéder à différents fichiers – des expérimentations ayant été lancées en la matière cette année.

2019 aura également été particulièrement marquée par deux événements tragiques : l’agression mortelle du maire de Signes pendant l’été ; l’attentat au sein de la préfecture de police de Paris.

Renforcer les pouvoirs des maires, en première ligne

La tragédie de Signes (Var) aura au moins permis de prendre cruellement conscience à quel point les élus sont désormais quotidiennement exposés aux violences, et pas seulement aux incivilités. Le gouvernement a décidé de prendre le problème à bras-le-corps. Plusieurs textes visent par ailleurs à étendre, tous azimuts, les pouvoirs de police du maire : pour faciliter la lutte contre les décharges illégales d’abord, dans le cadre du projet de loi Économie circulaire, pour lutter contre l’hyper-fréquentation touristique des sites ou encore pour lutter contre les maladies vectorielles transmises par les insectes. Mais aussi plus largement dans le cadre du projet de loi Engagement et proximité, qui se veut une réponse à la crise des gilets jaunes. D’autres textes visent encore à faciliter le quotidien des élus, comme la probable prochaine interdiction de la vente de "gaz hilarant" aux mineurs, phénomène contre lequel ils peinent à lutter, la réglementation des trottinettes et autres gyropodes, qui ont fait leur entrée dans le code de la route, ou encore la tentative de mieux encadrer les rave-parties, en discussion au Parlement.

Violences : élus, agents - tous concernés !

Le gouvernement a par ailleurs invité la justice à la plus grande fermeté à l’égard des auteurs de ces violences, quelles qu’en soient les formes. Comme il l’a fait pour d’autres, les élus n’étant malheureusement pas les seuls à en être victimes, le phénomène affectant tous les agents des services publics.

En première ligne, les sapeurs-pompiers, dont la santé est déjà mise à rude épreuve par ailleurs. En 2018, 3.411 sapeurs-pompiers ont déclaré avoir été victimes d’une agression au cours d’une intervention, soit une progression de 21% en un an, selon les derniers chiffres de l'ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) publiés le 18 décembre.

Des mesures ont été prises ou sont en cours d’adoption, notamment pour faciliter les dépôts de plainte. Mais elles ne répondent pas complètement – loin s’en faut – aux attentes des soldats du feu, qui y sont de moins en moins confrontés, absorbés qu’ils sont par le secours aux personnes. La réforme de l’accès aux soins constituera sans nul doute un sujet clé de 2020. Elle est nécessaire, mais sera insuffisante, tant le système de sécurité civile semble "à bout de souffle", et ce d’autant que planent toujours des menaces sur le volontariat. Les sapeurs-pompiers, qui ne cessent de reconduire leur mouvement de grève, peuvent toutefois compter sur le soutien de nombreux parlementaires.

Violences scolaires, violences conjugales

Des mesures ont également été prises pour lutter contre les violences scolaires, visant notamment les élèves "hautement perturbateurs", mais aussi à une collaboration plus étroite entre les différents services de l’État (éducation, justice, forces de sécurité). Là encore, la sévérité est de mise. S’agissant des mineurs, l’année aura également été marquée par la réforme de la fameuse ordonnance de 1945, avec la création d’un code de la justice pénale des mineurs par une ordonnance du 11 septembre. Elle aura également été l’année de la lutte contre les violences conjugales, qui eurent à leur tour leur "grenelle". Un dossier que les maires ont déclaré grande cause du mandat 2020-2026 lors de leur dernier congrès.

Nouvelle stratégie nationale de prévention

L’automne aura lui été frappé par l’attentat meurtrier perpétré au sein même de la préfecture de police de Paris, par l’un des siens qui plus est. La tuerie aura eu pour effet de replacer au cœur des préoccupations la question de la prévention de la radicalisation ; dès novembre, le Sénat installait ainsi une commission d’enquête  sur le sujet. À dire vrai, elle ne l'avait jamais quitté. Constituée en octobre 2018, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la radicalisation dans les services publics, prémonitoire, alertait ainsi en juin sur l’augmentation du phénomène et appelait au renforcement des services chargés du "criblage". Un appel entendu depuis puisque le ministère a annoncé le doublement de leurs effectifs. S’il ne fut pas inactif – installant en avril le comité scientifique de prévention de la radicalisation ou lançant une plateforme de formation à la menace terroriste – le gouvernement prêta le flanc à la critique en tardant à adopter plusieurs mesures pourtant aussi fondamentales qu’emblématiques. Ce qui a notamment conduit la délégation aux collectivités territoriales du Sénat à donner de la voix. La Chambre haute exhorta le gouvernement à nommer sans délai le secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation – ce qui fut fait avec la nomination de Frédéric Rose – et à finaliser la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance, attendue depuis 2017 et régulièrement annoncée, notamment en avril par le Premier ministre lui-même. Las, si un projet fut soumis à la consultation des élus en juin, elle reste toujours aux abonnés absents... Également tardif, le décret relatif au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD) a lui enfin vu le jour. En revanche, bien qu’espérée avant la fin de l’année, il faudra sans doute attendre l’année prochaine pour découvrir la circulaire relative à l’utilisation de ces fonds pour 2020. En souhaitant qu’elle intervienne tout de même plus rapidement que celle de 2019

"Société de vigilance"

Pour venir à bout de "l’hydre islamiste", le chef de l’État a appelé à bâtir une "société de vigilance" – en phase avec le dispositif de "participation citoyenne" précédemment relancé. Un appel également entendu : "les maires répondront présents", a affirmé leur représentant, François Baroin. Peut-être devront-ils commencer par examiner leurs propres co-listiers. L’attentat du 3 octobre n’a en effet pas relancé le débat sur la détection des signes de radicalisation que chez les fonctionnaires .

Élections à risques ?

Plusieurs élus – parfois ministres – se sont ainsi alarmés de la probable présence de listes dites "communautaires" aux prochaines municipales. Si le chef de l’État a clairement indiqué qu’il ne souhaitait pas légiférer en la matière, le débat risque fort de continuer à défrayer la chronique d’ici mars. Une proposition de loi visant à empêcher les personnes fichées pour radicalisation de se présenter aux élections vient ainsi d’être déposée, parmi d’autres.

Bref, on ne sera pas surpris par les résultats de l’enquête Odoxa-CGI publiée par France Bleu le 16 décembre, qui révèle que "la sécurité est la priorité que les Français veulent voir traitée par leur maire après les élections municipales". Une chose est sûre : les débats sur la légitimité du maire en la matière sont, eux, définitivement clos.

 

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