En attendant une rentrée sous haute surveillance...

En introduction de cette édition spéciale que vous pouvez tranquillement parcourir durant tout le mois d'août - la rédaction de Localtis baissant le rideau jusqu'au 1er septembre -, difficile de ne pas commencer par réévoquer le plan d'économies budgétaires présenté à la mi-juillet par le gouvernement et son volet finances locales pour le moins drastique. Ce sera en effet nécessairement le grand sujet de la rentrée pour les collectivités. Dans le même temps, ce même gouvernement met en avant sa volonté de simplifier la vie des collectivités. Y compris en leur offrant un interlocuteur aux prérogatives renforcées en la personne du préfet. Et en supprimant certains opérateurs de l'État tels que l'ANCT ? Cette question-là reste pour l'heure en suspens.

D'ordinaire, lorsque Localtis plie bagages pour le mois d'août et se livre à quelques pronostics quant à la rentrée automnale, l'une des principales interrogations porte sur le sort qui sera réservé aux collectivités dans le projet de loi de finances traditionnellement présenté fin septembre. Or cette année, une fois n'est pas coutume, le suspense est pour une bonne part levé. C'est François Bayrou qui, comme il s'y était engagé, s'en est chargé à la mi-juillet lors de sa séquence baptisée "Le moment de vérité" (voir notre article). Le chef du gouvernement avait auparavent préparé les esprits en répétant sa métaphore de "l'ascension de l'Himalaya" que le pays ne réussira qu’avec "la solidarité de la cordée" (c'est par exemple ce qu'il avait fait en juin lors des Assises des petites villes - voir notre article). Des précisions ont ensuite été apportées, que ce soit avec la publication des "plafonds de dépenses" ou par les propos d'Amélie de Montchalin auditionnée peu après au Parlement. L

Reconduction du dispositif de mise en réserve ("Dilico 2") pour un montant deux fois supérieur à cette année, gel partiel de la TVA, réduction de la compensation de la réduction des valeurs locatives des locaux industriels, révision du calendrier de versement FCTVA pour les intercommunalités, réduction des variables d'ajustement… Voilà dans les grandes lignes ce que le gouvernement compte inscrire en matière de finances locales dans le PLF 2026. Le tout pour parvenir à une économie de 5,3 milliards d'euros sur les collectivités. Soit deux fois plus que cette année (2,2 milliards).

On se souvient de la fronde des associations d'élus locaux, l'an dernier, contre le projet de budget 2025 (voir notre dossier). Celui-ci était "le plus mauvais depuis que les budgets des collectivités locales existent", avait plusieurs fois tonné André Laignel, le président du Comité des finances locales et premier vice-président délégué de l'Association des maires de France. On peut donc d'ores et déjà imaginer combien les représentants des collectivités vont tenter de batailler contre le PLF 2026. Les associations d'élus ont d'ailleurs toutes très vite réagi aux annonces de François Bayrou du 15 juillet. Le même André Laignel mise sur une "mobilisation très puissante" (voir notre article du 22 juillet). Et souligne, comme d'autres, que la ponction réelle sera de bien plus que 5,3 milliards. Notamment parce que le gouvernement prévoit des baisses de crédits sur des lignes budgétaires susceptibles d'avoir un impact sur les collectivités – mission cohésion des territoires, insertion… L'élu évoque un total de "près de 10 milliards d'euros".

Social, associations... des conséquences redoutées

On n'oubliera pas qu'au-delà des finances locales, le "plan d'action" gouvernemental visant à redresser les comptes publics inclut bien d'autres mesures auxquelles les acteurs locaux seront attentifs. Il y a le domaine de la santé (Catherine Vautrin a récemment détaillé les dispositions envisagées – voir notre article). Et celui du social, avec cette fameuse "année blanche" consistant au gel du montant de toutes les prestations sociales (RSA, APL, AAH…). Dans une tribune commune du 21 juillet, les grands acteurs associatifs de la solidarité (y compris l'Unccas) ont d'ores et déjà mis en garde le gouvernement contre les conséquences d'une telle décision sur les plus précaires.

La non-indexation du RSA sur l'inflation générera certes une dépense sociale moindre pour les départements mais pourra contribuer à faire monter un taux de pauvreté déjà au plus haut (les derniers chiffres Insee l'ont confirmé). Sans oublier que les nouvelles réformes envisagées en matière d'assurance chômage risquent de générer une hausse du nombre de bénéficiaires du RSA.

Enfin, le secteur associatif, qui fait déjà état de ses fragilités, pourrait connaître de nouvelles difficultés alors même qu'il est un relais essentiel de l'action publique locale. La situation actuelle des associations culturelles et sportives en est une bonne illustration (voir notre article dédié dans cette édition). Même l'inspection des finances, qui vient de produire une "revue des dépenses" sur les subventions aux associations, appelle à la prudence (voir notre article du 31 juillet).

Quand l'État se réorganise

Par ailleurs, les économies que le gouvernement espère engranger côté État avec, notamment, des suppressions de postes et des réorganisations à l'étude concernant opérateurs et agences, ne seront là encore pas neutres pour les collectivités. Ce sujet des agences a d'ailleurs beaucoup parler de lui ces derniers temps. Il y a eu le rapport de la commission d'enquête sénatoriale présenté début juillet (voir notre article), auquel François Bayrou s'est d'ailleurs référé… et qui avait fait réagir plusieurs associations d'élus, dont les maires ruraux disant d'emblée non à l'idée de supprimer l'ANCT. Il y a aussi eu dans la foulée un rapport d’inspections remettant en cause l’apport en ingénierie de trois opérateurs - l’ANCT, l’Ademe et le Cerema – et proposant de mettre un terme à l'ingénierie territoriale de l'État. Puis un autre rapport, sénatorial, est quant à lui venu appeler à "préserver l'expertise du Cerema". Nul doute que cela restera l'un des sujets de débat de la rentrée.

Tout ceci sachant qu'en parallèle, on devrait réentendre parler d'aménagement du territoire avec, notamment, les futures conclusions de la mission confiée fin mai à l'ancienne ministre Dominique Faure (voir notre article). Et un "Roquelaure de l'aménagement du territoire" annoncé pour "d'ici la fin de l'année". En sachant que dans l'immédiat, d'aucuns, à l'instar du sénateur Bernard Delcros, s'inquiètent surtout pour l'avenir du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT – voir notre article du 8 juillet).

Dans le même temps, le gouvernement a engagé une réforme de l'État déconcentré qui doit quant à elle entrer tout de suite dans les faits. Les choses sont allées vite. Le Premier ministre l'a présentée le 8 juillet. L'objectif : faire du préfet le vrai patron de l'action territoriale de l'État. "Les élus auront un seul interlocuteur", avait-il alors fait valoir (voir notre article). Le préfet sera désormais "systématiquement" considéré comme "le délégué territorial des opérateurs de l'État" ayant une action territoriale. La partie réglementaire de cette réforme est passée le 30 juillet en conseil des ministres. Et dès le lendemain, trois décrets étaient publiés. Pour les dispositions législatives, le gouvernement compte s'appuyer sur la proposition de loi du sénateur Rémy Pointereau adoptée en juin au Sénat et donc maintenant entre les mains de l'Assemblée (voir notre article).

Simplification, le nouveau mot d'ordre

Et puis il y a un autre chantier, connexe, que le gouvernement entend mettre en œuvre : celui de la simplification. Simplifier l'action publique locale. Certes la préoccupation est loin d'être nouvelle. Mais le ministre François Rebsamen a mis un gros coup de projecteur sur le sujet. Comme pour les entreprises, une forme de deal semble esquissé : les collectivités auront un peu moins de ressources, mais moins de contraintes, ce qui sera source d'économies.

Le coup d'envoi a été donné fin avril avec l'organisation au ministère du fameux "Roquelaure de la simplification" (voir notre article). Depuis, les préfets ont été invités à faire remonter des propositions de simplification concernant la gestion, les compétences et la gouvernance des collectivités afin de compléter les douze mesures décidées par le gouvernement (voir notre article du 3 juin). Fin juin, le ministre évoquait auprès de la presse la façon dont il compte avancer (voir notre article). À savoir notamment par des "propositions de loi transpartisanes". Et c'est d'ailleurs ce qu'il a déjà fait puisque la plupart des mesures de simplification en matière d'urbanisme sont passées via la copieuse proposition de loi Huwart qui n'attend plus qu'un utime examen post-CMP par l'Assemblée pour être définitivement adoptée (voir notre article du 10 juillet).

On n'oubliera pas non plus le projet de loi de simplification de la vie économique, celui qui a mis l'Assemblée nationale en effervescence avec l'introduction – contre l'avis du gouvernement – d'un recul concernant les ZFE… mais aussi le ZAN (voir notre dossier) et d'autres points liés à la protection de l'environnement (voir notre article du 18 juin). Une CMP attend les parlementaires à la rentrée.

Les municipales en ligne de mire

Selon un bilan de la session parlementaire présenté le 24 juillet en conseil des ministres, un total de 54 textes législatifs ont été définitivement adoptés depuis l’entrée en fonction du gouvernement Barnier le 23 décembre 2024. En notant que les deux-tiers de ces textes étaient des propositions de loi d'origine parlementaire.

Parmi les lois arrivées en bout de course, on relèvera celle qui vient étendre le scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1.000 habitants (voir notre article du 26 mai). Et parmi les textes encore en cours de navette, la proposition de loi sur le statut de l'élu. Pourquoi mettre en particulier l'accent sur ceux-là ? Évidemment parce que l'année "scolaire" à venir et l'année budgétaire qui se préparera dès la présentation du PLF et du PLFSS fin septembre sera celle des élections municipales de mars 2026 (voir notre article dans cette édition). Les communes entreront d'ailleurs le 1er septembre en période de réserve ou période "préélectorale".

Et puis septembre marquera le démarrage de la haute saison des congrès d'élus : AMRF (26 au 28 septembre au Futuroscope), Intercommunalités de France (8-10 octobre à Toulouse), France Urbaine (16-17 octobre au Creusot), Anem (16-17 octobre aux Angles dans les Pyrénées-Orientales), Départements de France (12-14 novembre à Albi). Avec pour traditionnel point d'orgue le Congrès des maires à Paris du 18 au 20 novembre. On peut sans trop de risque prévoir que les questions financières y occuperont une place encore plus importante que d'habitude.

› Parmi les dossiers à l'agenda de la rentrée

Urbanisme

Tandis que la proposition de loi "pour réussir la transition foncière" portée par la présidente de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, Sandrine Le Feur (EPR, Finistère), et la députée Constance de Pélichy (Liot, Loiret) n'a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour,  la proposition de loi Trace largement adoptée en première lecture au Sénat pourrait être examinée à l’automne à l’Assemblée.

Énergie

La proposition de loi de programmation nationale de l'énergie (dite proposition de loi Gremillet, du nom du sénateur qui l'a initiée) doit aussi achever son examen à la rentrée. Le texte, rejeté en première lecture fin juin au Palais Bourbon, doit être de nouveau examiné par l'Assemblée les 22 et 23 septembre prochains, puis lors d'une commission mixte paritaire attendue "aux alentours de la mi-octobre". Soit après la publication par décret de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), promise par le gouvernement "avant la fin de l'été"

Environnement

Outre la question du financement de l’adaptation au changement climatique (voir notre dossier) qui devrait s’inviter dans les prochains débats budgétaires, la gestion de la ressource en eau sera au cœur des débats des conférences territoriales qui se tiennent jusqu’en octobre prochain dans chaque grand bassin hydrographique. Après une synthèse des propositions réalisée par un comité de pilotage national en novembre, le Comité national de l’eau émettra à son tour en décembre un avis et des recommandations sur les suites à apporter à ces contributions avant d’assurer une restitution officielle au Premier ministre.

Transports

Alors que la question du financement des transports collectifs réguliers dans les territoires peu denses suscite encore de nombreuses interrogations, et que les départements comme le bloc communal craignent de ne pas pouvoir faire face aux besoins d’entretien de leur voirie, le ministre chargé des transports a annoncé le 9 juillet l’élaboration à l’automne d’un projet de loi-cadre destiné à concrétiser les orientations retenues lors de la Conférence Ambition France Transports, en définissant notamment "les nouveaux équilibres de financement des infrastructures de transport" (voir notre dossier).

  Anne Lenormand

 

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